Il m'arrive de penser, non sans une pointe de nostalgie liée à ma seule imagination, aux temps où, pour voyager, aller d'une ville à l'autre, aller à la rencontre des habitants d'un pays voisin ou lointain, on n'avait à sa disposition que la marche à travers les forêts et les champs, les anciennes voitures tirées par des chevaux ou un cheval pour seule monture. Me reviennent alors en mémoire les histoires d'autrefois, que je lisais étant enfant, dans mes premiers livres d'aventure ou les illustrés de ma prime jeunesse. Où d'intrépides voyageurs parcouraient des lieues et des lieues, accompagnés de vieux et fidèles amis ou bien en solitaires. S'arrêtaient dans des auberges éclairées à la bougie avec, dans l'âtre, d'énormes pièces de viandes dégoulinant de jus odorants, sur la table, de grosses miches de pain, des assiettes de terre cuite remplies de soupe, des montagnes de fruits et des cruchons de vin. Et dans la pénombre, l'un ou l'autre racontait des histoires pour faire peur ou bien entonnait des chants que tous reprenaient en coeur. En ces temps anciens, les philosophes et les lettrés traversaient le continent pour rendre visite à un correspondant, un collègue, un savant. Les voyages duraient parfois des semaines voire des mois. On avait le temps devant soi, on allait au rythme des saisons, bravant la pluie, la neige ou le soleil brûlant. On s'arrêtait dans des villages isolés et austères où les habitants tenaient porte et table ouverte pour les égarés et les affamés. Et puis l'on repartait au matin, la besace pleine pour une autre journée de route. Qu'il devait être doux et grisant que d'être ainsi entouré d'une Nature sauvage, vierge et belle encore; peut-être aussi parfois effrayante dans ses manifestations. Combien le voyageur isolé devait ressentir d'émotions, comme son coeur devait battre et ses yeux s'émerveiller de tant de mystères autour de lui. Il emportait dans son maigre bagage quelques livres, des lettres pour l'ami lointain, le strict nécessaire de vêtements, une outre de peau remplie de vin ou d'eau. Parfois, il s'arrêtait à l'orée d'une clairière, se reposait un peu, allongé dans l'herbe tendre, attentif aux murmures des oiseaux, aux bruits légers d'animaux craintifs, il levait les yeux au ciel et contemplait les nuages ou, la nuit, comptait les étoiles avant de s'endormir, enroulé dans une couverture rêche et effilochée, la tête posée sur son baluchon. Fin de la rêverie, revenons-en à notre grotesque et folle modernité. Des cochons fluorescents en Chine. Le pic pétrolier, c'est à dire, le début annoncé de la pénurie en carburant fossile, qui se profile à l'horizon et se rapproche à une allure folle. A quoi l'on répond par la construction et l'inauguration en grandes pompes du nouveau terminal de Charleroi. En prenant soin de ne dire mot des ravages causés par les cinq millions de vols annuels autour du globe. Pour ammener les gens au soleil, toujours plus loin et à bas prix, merci le pouvoir d'achat. Les vols de mazout dans les cuves des écoles et des bâtiments publics. L'abbatage clandestin d'arbres dans les parcs et le long des routes. Ce qui ne constitue pas du vol mais bien, très strictement, du pillage. Bientôt des hordes de crèves-la-faim envahissant les super marché, les forces de l'ordre réprimant des émeutes menées par des mères de famille et des chômeurs en fin de droits. La logique d'un monde, celui-ci, qui nous a été imposé et que l'on nous abjure d'aimer encore pour ce qu'il est, dont on nous dit qu'il est le seul posssible et souhaitable, cette logique de maîtres et d'esclaves hébétés, prétend maintenant détenir les moyens de le rendre encore habitable. Pour un certain temps et moyennant quelques petites économies de ceci et de cela. Sinistres imbéciles qui décident de tout. Petits hommes au volant de leurs boîtes métalliques sur roues. Vivement le printemps et mon premier merle chantant au dessus d'un toit...
vendredi 20 février 2009
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire