Je dois tout de même attirer votre attention sur un point qui a son importance: si mon degré de lucidité et d'attitude critique autant que mon scepticisme de fonds entretiennent chez moi un pessimisme certain quant à nos destinées collectives, il se trouve aussi, d'un autre côté, que je suis tout à fait capable de trouver de la beauté là où il y en a et de penser que cette vie, la mienne, vaut et vaudra toujours la peine de continuer à être vécue aussi pleinement que possible. Du reste, je puis fort bien également, de loin en loin mais rarement, il est vrai, estimer que tel évènement, l'une ou l'autre nouvelle puisse être de nature à tempérer quelque peu la tristesse que m'inspire généralement les rumeurs du monde. Il en est ainsi de ces petites municipalités en France, en Scandinavie, ailleurs aussi, qui se lancent, avec le concours des habitants, dans des projets de village “écologiques” où tout est repensé et réévalué, où l'on voit le sol et les cultures, les habitations, les ressources énergétiques, les fondements du vivre ensemble aller vers le plus souhaitable, dans la recherche d'un accord fécond avec la Nature et les éléments. Que de telles initiatives se multiplient, qu'elles fassent taches d'huile et en viennent à montrer qu'autre chose est possible est bien sûr tout à fait réconfortant. Comme est remarquable, dans de nombreuses grandes villes de France, les efforts fait pour améliorer les transports publics, agrandir les espaces verts, réduire la circulation automobile. Certes, on est encore loin, ici, des projets qui sont à l'étude en Grande-Bretagne ou en Chine, en particulier, où les autorités ont mis en chantier la future ville 100 % écologique de Dongtan parmis les 400 qu'il faudra construire d'ici 2020. C'est que l'immense pays est confronté à des problèmes de pollution d'une extrême gravité, conséquence d'un développement économique et industriel que rien ne semble devoir arrêter et qui va peser, de plus en plus, sur son environnement au sens le plus général du terme. D'où, semble-t-il, l'attention que le gouvernement de Pékin commence de porter à ces problèmes. Et comme chacun sait, ce gouvernement est la face visible de l'omniprésent et tout puissant parti communiste qui, malgré l'ouverture spectaculaire au marché et aux initiatives privées, n'en continue pas moins d'exercer sur toutes les formes d'opposition et sur ceux qui les représentent, une sourcilleuse répression menée par l'armée et la police d'état. D'autant qu'à quelques mois de l'ouverture des jeux olympiques, il est impératif, pour le régime, d'empêcher toute vélleité de manifestation du profond mécontentement populaire sensible jusque dans les lointaines provinces. Où l'on voit que l'écologie peut fort bien voisiner avec la tyrannie. Plus insidieusement, des projets de villages écologiques “clé sur porte” qui sont ailleurs à l'ordre du jour, pourraient se voir être habités par de nouveaux riches ou, en tout cas, une catégorie de citoyens aisés, à l'exclusion de ceux qui n'ont pas accès à la propriété et auxquels seraient refusés les bienfaits d'une vie plus en accord avec le généreux projet écologiste qui se verrait ainsi vidé de sa substance. Je suis donc, en l'occurrence, en parfait accord avec ceux qui, dans un relatif anonymat, font campagne pour que le combat pour le climat ne se distingue pas des luttes sociales présentes et à venir. C'est là le sens qu'il faut donner à l'utopie constructive qu'est l'idée de décroissance. Elle est en germe dans des milieux encore peu visibles aujourd'hui mais avec lesquels il faudra, selon moi, impérativement compter pour que, vraiment et radicalement, advienne un nouveau monde.
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