samedi 14 mars 2009

Ici, les chroniques de 2007 - il en manque quelques-unes, désolé - et celles de 2008, au complet.
Et voilà...

mercredi 11 mars 2009

21 décembre 2008

C'est chaque année la même chose; on n'y échappe pas. En décembre il fait plus froid qu'en juillet et Noël tombe le 24. Ou le 25, je ne sais pas très bien. Enfin, Noël tombe, nous serons au moins d'accord là dessus. Et, à cette occasion, chaque année à la même époque depuis les débuts de ma présence dans cette émission que le monde entier nous envie, je me sens tenu de vous parler d'amour, de solidarité, de villages de Noël, de petit Jésus, de boeuf, d'âne et autres rois mages. Aussi bien, pour cette fois - je vais vous étonner - je vais m'en tenir à cette déjà vieille tradition. Car enfin, je vous le demande, pourquoi bousculer les bonnes habitudes, changer son fusil d'épaule ou échanger un baril de poudre à canon contre un bidon de lessive liquide – ou le contraire - quand rien ne le justifie. Maintenant, et à la demande générale, je vous fait le coup du film qui m'inspire les commentaires qui vont suivre. Vous avez pu le voir ou le revoir la semaine dernière, sur la chaîne franco-allemande qui ne prend pas les téléspectateurs pour des cons ou des demeurés; c'est une histoire qui m'a ému aux larmes, je veux parler de «Lost in translation» de Sofia Coppola. Tokio, là où naît cette merveilleuse rencontre, est une ville qui, la nuit, avec ses néons géants, cette débauche de lumières, ces reflets dans les vitres des immeubles d'acier, les vêtements colorés et chamarés des jeunes japonaises et japonais, ressemble étrangement à un arbre de Noël bruissant et fantasque. C'est là, dans un grand hôtel, que vient au monde la singulière et tendre aventure qui va lier, pour quelques soirs, ce quinquagénère et cette jeune femme, tous deux perdus et solitaires; au bar de l'hôtel, d'abord, puis dans la ville à la rencontre de laquelle ils vont, en même temps que d'eux-mêmes. Remercions le Père Noël, le dieu Pan, Eros et tous ses saints – S A I N T S - et pas nichons, roberts ou roploplos, louons ensemble l'incomparable manière avec laquelle la fille de son père nous emmène au plus profond de ces êtres qui, se regardant comme on regarde les étoiles, entendent monter en leur coeur la douce musique de l'éblouissement et de la ferveur. Qui n'a rien à voir avec le coup de foudre qui met les sens en émoi et commence et se termine dans la moiteur de draps dévoilant, selon le bon vouloir des comités de censure, telle ou telle partie de l'anatomie des amants de passage. J'ai pensé à ces mots, et je les ai peut-être écrit déjà, mais pas à votre intention. Ce sont des mots et une image : il y a des ces émotions, de ces moments, si rares et si chauds, qui font comme des ronds dans l'eau de l'âme de ceux qui en viennent à se reconnaître. Des ronds dans l'eau de l'âme... imprégnez vous de cela. Regardez en vous, écoutez ce que disent vos souvenirs. Sûrement, vous avez connu, vous connaissez peut-être encore - bonheur à vous - cette félicité qui se passe de mots, qui ne demande que des gestes mesurés où n'entre aucune langueur, qui soulève le coeur vers des sommets grandioses d'où l'on ne voit que nuages floconneux et atomes de lumière. Cîmes d'où l'on ne voudrait jamais redescendre; vallées où glissent les rivières; arbres, oiseaux et insectes, frémissement des feuilles, tiédeur de l'air; et cette main que l'on tient en silence, les yeux clos, les lèvres nourries d'un sourire aimable et confiant. Je revois encore, et je savoure la dernière séquence de ce film, que je tiens pour un des plus beaux que j'ai vu ces dix dernières années. Lui est dans le taxi qui le mène à l'aéroport, ils se sont fait leurs adieux dans le hall de l'hôtel, tout à l'heure et, de la fenêtre de la voiture, il la voit, là, dans cette artère piétonnière. Il demande au conducteur de s'arrêter, il court presque vers elle, que l'on voit de dos, il la rejoint. Ils se regardent une dernière fois, d'un regard qui pénètre l'âme entière; ils s'étreignent, debouts, au milieu de la foule et puis, il se détache d'elle et s'en va. Ce qui advient de beau et de grand entre les êtres ne s'efface pas; c'est à chaque fois comme un nouveau soleil. Qu'il vous réchauffe et vous réconforte...







14 décembre 2008

C'était en 1953; j'avais huit ans et je fréquentais l'école communale de ce quartier populaire, très populaire qui m'a vu passer une enfance heureuse quoique dénuée de toute forme d'opulence matérielle; et je pèse mes mots. Notre insituteur de troisième année primaire s'appelait Monsieur Swennen et je l'aimais bien. Il était juste, un peu artiste, attentif, merveilleusement gentil et patient envers les innocents garnements que nous étions. Et puis, surtout, comme vous, il aimait le cinéma. Au point que, le samedi après-midi, après la matinée consacrée à l'étude, il organisait, pour toutes les classes, des séances de projection de films dans le corridor du rez-de-chaussée, parallèle aux classes, dont les fenêtres étaient occultées vaille que vaille. Je ne doute pas que mon amour pour le septième art me vienne de ces merveilleux moments. Il y avait le gros projecteur bourdonnant, les hauts-parleur crachotant des sonorités métalliques et, pour commencer, le joyeux brouhaha qui précédait la projection. C'est un de ces samedi là que nous avons vu ce film, qui ressort ces jours-ci dans une nouvelle version et que j'ai hâte de découvrir: «Le jour où la terre s'arrêta». Nous avions déjà entendu parler des soucoupes volantes qui se manifestaient beaucoup en ce temps là, dont les journaux et revues parlaient abondamment et qui, je dois bien le dire, m'intriguaient et me faisaient beaucoup rêver. Mais c'était bien la première fois que nous en découvrions un exemplaire formidable, sur le grand écran de fortune. Après l'atterrissage de l'énorme engin métallique, une porte s'ouvrait, un être à notre ressemblance venu d'une lointaine planète apparaissait, saluait le comité d'accueil composé, comme d'habitude, essentiellement de militaires en arme et puis, à la suite d'un geste mal interprété par l'un des soldats, le malheureux était blessé et s'effondrait. A la suite de quoi, un énorme robot entrait en action et, d'une fente dans ce qui lui tenait lieu de visage, jaillissaient des rayons mortels, balayant les engins de toutes sortes et leurs occupants. La machine à figure humaine prenait ensuite dans ses bras mécaniques l'infortuné ambassadeur venu d'ailleurs et le ramenait à l'intérieur de l'imposant vaisseau spatial dont la porte glissait lentement sur les deux visiteurs. Pour ce qui est de ce qui arrive après, vraiment, je n'en garde pas de souvenirs assez précis que pour vous raconter la suite de l'histoire, ce qui d'ailleurs n'est pas dans mes intentions. Je me rappelle seulement de cette séquence où, partout sur notre globe, les montres et les horloges publiques s'arrêtaient toutes en même temps et que tout mouvement se figeait universellement de la même façon. Ce que je n'ai pas oubilé non plus c'est le message que l'extra-terrestre arrivait tout de même à nous faire connaître, nous, pauvres et parfois si stupides créatures que nous sommes. Message qu'il faut restituer à cette époque déjà lointaine qui voyait la guerre froide opposer les deux seules gandes puissances d'alors à posséder des arsenaux nucléaires déjà bien fournis: les USA et l'ancienne URSS. Le noble visiteur de l'espace nous mettais donc bien gentiment en garde de ne pas et même de ne jamais en venir à l'utilisation de ces armes. Jusqu'ici, c'est un fait, mis à part la grave crise de Cuba, en 1962, cette sinistre éventualité n'a jamais réellement été brandie par quelque gouvernement que ce soit. Mais, tout de même, on ne sait jamais, n'est-ce pas. L'arme atomique est entre les mains de militaires de nombreux pays, du nord au sud et d'est en ouest, la masse totale de ces bombes et missiles de toutes sortes représentent une force de destruction colossale qui, mise en mouvement, pourrait faire sauter la planète entière en quelques heures. Il n'est nul besoin que des visiteurs des étoiles se chargent de nous le faire savoir. Comme pour tout le reste, c'est à nous, quand nous le voulons vraiment, de peser sur les évènements, quels qu'ils soient. Cela s'est vu, cela se voit et cela se verra encore...


7 décembre 2008

Pas besoin de vous faire un dessin, vous connaissez. Au cinéma et plus encore à la télé, il n'y en a que pour eux. Je veux dire, les flics, les poulets et les poulettes de choc, les unités d'élite et autres sections d'assaut. Faites-le compte vous même, la grosse majorité des séries mettent en scène les exploits, les déboires, les états d'âme et les passionnantes aventures des gardiens de l'ordre sous toutes ses formes. A l'écran, le petit ou le grand, tout cela peut bien sûr être amusant, distrayant, passionnant, drôle à l'occasion, je n'en disconviens pas. Dans la réalité, les choses ne sont évidemment pas aussi idylliques, il y en a qui en on fait l'expérience ces temps derniers pas loin de chez nous et tout près aussi. Je pense à ce groupe de jeunes gens, qui vivaient à la campagne, en toute intelligence et harmonie avec les habitants du lieu, à Tarnac, petit village de France dont ils avaient réouverts l'épicerie, distribuaient des repas aux vieux du coin, menant paisiblement leur vie loin de la ville, une manière de vie différente, en marge de celle que nous vivons. A l'aube du 9 novembre dernier, des dizaines de policiers cagoulés et armés, investissent le petit village, s'engouffrent dans la maison occupée par le petit groupe et embarquent tout le monde avec le ménagement qu'il est facile d'imaginer. Motif de cette arrestation spectaculaire, suivie de près par les caméras, les micros et les calepins de journalistes opportunément invités à rendre compte de l'opération: terrorisme. C'est aussi simple que cela. La ministre de l'Intérieur de la République, Madame Alliot-Marie, parle de mouvance ultra-gauchiste prête à organiser le chaos, explique doctement que les jeunes gens sont vraisemblablement les auteurs des entraves à la circulation des trains à grande vitesse des jours précédents; enfin, le coup de filet qui fait suite à une longue période de surveillance et de filatures par les services idoines va permettre de démontrer le caractère insurrectionnnel des activités de ces gens. Ce qu'il en est de tout cela en vérité, c'est qu'il semble bien que les prétendus indices, les preuves apportées par les enquêteurs, apparaissent de plus en plus minces, que rien ne permet d'affirmer que le groupe projetait d'en venir à des actions violentes. Et rien, non plus, n'indique avec certitude qu'ils seraient les auteurs des actes de sabotage le long des voies ferrées de la sncf. Devant les outrances, les accusations les plus folles relayées complaisamment par le gros de la presse hexagonale, des voix ont commencé de se faire entendre, et pas des moindres. Des comités de soutien aux jeunes de Tarnac se sont formés très vite, un peu partout en France et chez nous, à Bruxelles. Ces voix tentent de nous dire ceci, qui a son importance et que je vous invite à méditer: un étau froid et calculateur est tout doucement en train de fermer ses pinces et d'y enfermer tout ce qui prétendrait défier l'ordre présent. Des lois d'exception ont été approuvées par des assemblées élues, qui ont pour but de criminaliser toute forme de solidarité envers celles et ceux qui, d'une façon ou d'une autre, écrivent, agissent et tentent de propager autre chose que ce que nous sommes tenus de croire. La crise que nous traversons et qui va bien au-delà d'un dysfonctionnement passager des choses de l'argent, est l'occasion, pour les maîtres qui nous gouvernent, d'agiter de commodes épouvantails de toutes sortes et d'en appeler à l'union sacrée autour de valeurs qui n'en finissent pas de s'effondrer les unes après les autres. On pourra bien intimider et arrêter ceux qui se mobilisent contre cela, au palais de justice de Paris comme à Bruxelles, tout dernièrement; le pavé est dans la mare et l'on ne pourra l'en sortir qu'avec encore plus d'aveugle répression. Il n'est bien sûr pas nécessaire d'instaurer une société totalitaire pour venir à bout des mauvaises pensées qui viennent à certains. L'apathie et le silence général y suffisent amplement. Mais faut-il que l'on s'y résigne, je ne le pense pas.

30 novembre 2008

Vous connaissez le goût que j'ai des petites choses insignifiantes, qui font les jours plus gais et qui mettent au coeur de cette joie enfantine qui, pour ma part, et malgré tout le reste, ne m'a jamais quittée. C'était au début de la semaine qui se termine ce soir. J'en étais à balayer, passer le torchon, enfin, à faire, comme on dit, le ménage. Mon appartement n'est pas bien grand, le tour en est vite fait et, chantonnant, j'en étais à nettoyer ma cuisine lorsque, soudain, mon regard fut attiré par une minuscule petite chose ailée qui allait de là à là, tournait autour de la lampe, passait devant la fenêtre et puis repartait vers le plafond pour s'y poser, la tête à l'envers. Une mouche. En plein mois de novembre et alors que, dehors, la neige tourbillonnait et couvrait de blanc les toits et les trottoirs de ma rue. Tout à fait légitimement, je me suis demandé, tout en suivant ses déplacements, mais qu'est-ce qu'elle fout là, cette petite bestiole ? Question à laquelle je suis bien en peine de répondre, bien évidemment, n'étant pas spécialiste en matière d'insectes d'aucunes sortes. Pour le moins, je m'étonne, à l'entrée de la saison froide, que ce petit animal ait pu survivre alors que l'été n'est plus qu'un lointain souvenir. Mais enfin, passons; à l'heure de rédiger ce billet je n'ai plus eu l'occasion d'entendre le léger bourdonnement, et il il y a gros à parier que mon amie la mouche repose quelque-part, après avoir rendu à la création son âme minuscule. Si je vous raconte cela, bien conscient de la légèreté de mes propos, c'est simplement pour bien vous faire entendre que, selon moi, la vie n'a pas à être vue seulement comme activités plus ou moins bien rétribuées, que le travail moderne n'est pas une valeur morale et que, de toute façon, de quelque manière qu'on l'appréhende, au bout du compte, il participe aveuglément à la perpétuation d'un système dont vous savez tout le mal que j'en pense. Je ne suis d'ailleurs pas le seul, fort heureusement et d'ailleurs, en ce moment, passe sur nos écrans «La très très grande entreprise» de Pierre Jolivet qui traite allégrement de ce genre de questions. A savoir que, si les usines tournent, si elles continuent de fabriquer les milliards de tonnes de choses pour la plupart parfaitement inutiles – nom d'un petit chroniqueur, regardez autour de vous ! - elles sont, aussi pour une large part, responsables du fameux déréglement qui affecte de plus en plus gravement la mince pellicule qui nous tient lieu d'atmosphère. A ce propos, j'ai découvert, l'autre jour, cette interviewe de la secrétaire d'état à l'écologie de la République; Française, bien entendu, concernant le colloque organisé à Paris cette semaine, au cours duquel d'éminents spécialistes avaient à débattre de la grave question de la perte de qualité du sperme de nos voisins. Où l'on découvre que les Parisiens, éternels distraits, ont perdus, en quelques années, 40% de leurs spermatozoïdes. Pour ce qui est des vôtres, camarades auditeurs, je ne sais pas. Quant aux miens, il y a belle lurette que je ne les comptes plus. On peut raisonnablement penser, en tout cas, que les substances qui affectent ainsi nos services trois pièces sont largement et partout présentes et qu'il n'y a pas de raison que nous y échappions. Ce genre d'information n'est pas pour m'horrifier outre-mesure, je peux bien vous le dire. Si l'épidémie allait en s'aggravant, cela ne pourrait avoir pour conséquence qu'une lente, irréversible et bienvenue chute de la natalité dans nos contrées industrielles. Ombre au tableau, tout de même, il est avéré, maintenant, à la suite de recherches très pointues, que de nombreuses et innocentes espèces animales, tous genres confondus, sont elles aussi victimes de ces déréglements endocriniens. Mais à part ça, tout va très bien; les chefs d'état et de gouvernement en sont encore à faire tout et n'importe quoi pour relancer le mirage de l'économie. Et puis, pour finir, heureuse surprise, mon amie la mouche se porte comme un charme; elle tournait, tout à l'heure, autour du verre de vin de mon souper...


23 novembre 2008

Vous fûtes quelques-unes et quelques-uns a réagir, parfois rudement, à mes propos de la semaine dernière. De diverses manières, on me prie d'être moins atteint de sombritude ou, à tout le moins, de na pas abuser de ma position de chroniqueur et de cesser de déverser dans les canaux de vos oreilles délicates de ces mots fatidiques que, manifestement, vous préférez ne pas entendre. Bien. Ce soir, donc, je vous épargnerais mes rugueuses et condamnables exhortations. Entre nous, vous avez de la chance. Je m'apprêtais – ce sera pour une fois peut-être - à vous parler d'un film dont la noirceur n'a d'égale que le plus effrayant pessimisme, eu égard à notre condition. Condition humaine, bien évidemment, puisque nous n'avons pas la chance d'être de gentils papillons, d'adorables petits oiseaux ou d'émouvants éléphanteaux bien à l'abris entre les grosses papattes de leurs mères. Et je dis cela sans rire, je vous prie de le croire. Pour le reste, laissez moi tout de même, non pas me justifier mais, bien plutôt, vous éclairer quelque peu, rapport à ce qui a pu paraître outrancier dans mon billet de l'autre dimanche. Il se trouve que je m'honore d'appartenir à cette famille d'esprit qui s'est fait connaître il y a une quarantaine d'années d'ici et qui, par des écrits, des manifestes, des interventions sur le terrain le plus pratique, a prétendu faire savoir au monde ce qu'il en était de sa réalité et de ses prétendus succès dans à peu près tous les domaines, liés, de près ou de loin, à ce vague concept que l'on continue de tenir pour intangible: le progrès. Que cette part majeure de la critique de la modernité n'ait pu s'imposer, que peu de ceux qui firent partie prenante de ce mouvement s'expriment encore aujourd'hui, ne s'explique que parce que les forces en présence étaient par trop inégales et que le parti dominant alors s'est, depuis et partout, imposé avec la force et la persuation que l'on sait. Maintenant, les recherches menées par ces aventuriers, les conclusions qu'ils ont tirés de la critique radicale qu'ils menaient à la marge de la bonne conscience qui s'étalait partout, ne sont pour autant pas tombés dans l'oubli. Des voix se font encore entendre, des livres circulent et sont lus et commentés, parfois par de très jeunes gens; des libelles grinçants sont placardés à la façade de vieux immeubles, des grafitis rageurs sont traçés par des mains anonymes; de loin en loin, souffle comme un léger et rafraîchissant vent de fronde. Et, voyez vous, je ne puis me départir de cette certitude qu'il est légitime et parfaitement justifié que de continuer à mettre au jour des mots, des phrases, des idées, des actes aussi, allant à contre courant des litanies lénifiantes diffusées de mille façons par la propagande que l'époque entretient sur elle-même. Bien sûr, comme pour la plupart d'entre vous, je suis bien forçé de «faire avec» les réalités présentes ; pour notre malheur, nous sommes de ce temps et il nous emprisonne. Mais aussi, je ne me cache pas que l'époque puisse présenter de ces agréments, largement partagés, comme ces techniques qui permettent d'aller vite en besogne, de correspondre avec celles et ceux qui comptent pour moi, de m'informer de ce qui advient comme événement, ici ou là dans le vaste monde et qui me réjouis ou me terrifie. Et ces outils sont à double tranchants; s'ils ont partie liée avec la domination, ils peuvent tout aussi bien voir se forger et véhiculer les armes susceptibles de la combattre. C'est là le mince espoir que j'entretiens vaille que vaille, sans illusions aucunes. Que celles et ceux qui me reprocheraient d'être par trop pessimiste sachent seulement qu'il m'arrive encore de rire, d'être ému et enchanté par ces «riens du tout» de la vie de tous les jours, par un sourire, un regard posé sur moi, homme parmi les hommes, éperdu de vie, enivré par les simples bonheurs qui surviennent encore à certaines heures, petits soleils qui percent les nuées ombrageuses.





16 novembre 2008

L'avenir des films catastrophe est bien sombre désormais, c'est moi qui vous le dit. Tout ce que les scénaristes les plus inventifs pourrait encore pondre comme histoire de cataclysmes, fin du monde et autres calamités se verrait immanquablement dépassé par la réalité qui vient et à laquelle, je le crains fort, nous ne pourrons pas échapper. Pour commencer, la prétendue crise économique - en vérité, la faillite de la pensée économique qui se pense elle-même – va aller en s'aggravant malgré les dérisoires emplâtres que les Etats s'échinent à lui consentir, incapables qu'ils sont d'oser reconnaître cette historique défaite. Ensuite, l'extrême confusion de tout, le marasme universel qui va en découler de plus en plus, va avoir pour conséquence que les enjeux les plus pressants, les échéances les plus graves vont s'en trouver encore plus gravement ignorées et, conséquemment, repoussées. Il y avait, l'autre soir, ce téléfilm, qui relatait l'imbécile aveuglement des pouvoirs publics français devant l'imminence de graves disfonctionnements d'une centrale nucléaire modèle dont les gestionnaires perdaient le contrôle au fil d'une suite d'incidents imprévisibles, qui menacaient de se transformer en un désastre de première grandeur pour les habitants de la région et pire encore. L'on voyait les habitants, terrorisés par l'annonce de l'alerte, prendre la fuite par tous les moyens malgré les injonctions des autorités locales de se calfeutrer en lieux sûr, l'on insistait sur les moyens dérisoires dont disposaient les forces de gendarmerie et de protection civile chargées de garantir la sûreté publique mais, surtout, apparaissait l'inconscience, la morgue, le mépris affichés par le pouvoir central devant l'ampleur que les évènements risquaient de prendre. Précision qui a son importance dans cette histoire, le gouvernement s'apprêtait et se réjouissait de vendre à une grande puissance émergeante l'équivalent de la centrale en perdition. Il s'agissait donc, d'une part, d'éviter la panique des populations et de ne pas ébruiter la chose et, surtout, de tenir sous le secret les problèmes rencontrés par la centrale jumelle de celle qui devait rapporter des sommes rondelettes à l'Etat et au constructeur du futur site. Une mienne amie me faisait remarquer que cette fiction était certainement bien en deça de la vulgaire réalité et que, très certainement, les choses risquaient bien d'être encore plus dramatiques si de telles occurrences se présentaient ici ou ailleurs. On a vu, il y a de cela un peu plus de vingt ans, comment on a réussi à rendre parfaitement insignifiante l'explosion du réacteur de Tchernobyl, comment les prétendus spécialistes de ces questions minimisaient l'impact du nuage radioactif au dessus des régions qu'ils survolait; on a vu, surtout, le mensonge érigé en système de gouvernement. On a tenu pour négligeable les milliers de morts par cancers de toutes sortes, les bébés atteints de malformations dans les années qui ont suivis, on a négligé les rapports qui faisaient état de ce que les ravages continuaient aux alentours immédiat du site, on a fermé les yeux sur les épidémies de cancers et autres disfonctionnements de la thyroïde jusque dans les régions les plus éloignées des lieux de l'accident. Pour en terminer sur une note un peu plus ironique, l'autre jour, dans la gazette locale, à la page «Pouvoir d'achat», un brave étudiant avouait qu'il faisait des économies sur la manière de s'alimenter pour pouvoir remplir le réservoir de sa petite automobile vroum-vroum. Voilà où nous en sommes. Mais qu'importe, après tout. Ce soir, la lune souveraine éclairait les rues et les places, les champs et les forêts, les plages et les déserts. Et un jour prochain, peut-être, il n'y aura plus de regards pour se poser sur la beauté des choses. Il y a aura ce silence et cette paix que nous assure la mort.