mercredi 11 mars 2009

23 novembre 2008

Vous fûtes quelques-unes et quelques-uns a réagir, parfois rudement, à mes propos de la semaine dernière. De diverses manières, on me prie d'être moins atteint de sombritude ou, à tout le moins, de na pas abuser de ma position de chroniqueur et de cesser de déverser dans les canaux de vos oreilles délicates de ces mots fatidiques que, manifestement, vous préférez ne pas entendre. Bien. Ce soir, donc, je vous épargnerais mes rugueuses et condamnables exhortations. Entre nous, vous avez de la chance. Je m'apprêtais – ce sera pour une fois peut-être - à vous parler d'un film dont la noirceur n'a d'égale que le plus effrayant pessimisme, eu égard à notre condition. Condition humaine, bien évidemment, puisque nous n'avons pas la chance d'être de gentils papillons, d'adorables petits oiseaux ou d'émouvants éléphanteaux bien à l'abris entre les grosses papattes de leurs mères. Et je dis cela sans rire, je vous prie de le croire. Pour le reste, laissez moi tout de même, non pas me justifier mais, bien plutôt, vous éclairer quelque peu, rapport à ce qui a pu paraître outrancier dans mon billet de l'autre dimanche. Il se trouve que je m'honore d'appartenir à cette famille d'esprit qui s'est fait connaître il y a une quarantaine d'années d'ici et qui, par des écrits, des manifestes, des interventions sur le terrain le plus pratique, a prétendu faire savoir au monde ce qu'il en était de sa réalité et de ses prétendus succès dans à peu près tous les domaines, liés, de près ou de loin, à ce vague concept que l'on continue de tenir pour intangible: le progrès. Que cette part majeure de la critique de la modernité n'ait pu s'imposer, que peu de ceux qui firent partie prenante de ce mouvement s'expriment encore aujourd'hui, ne s'explique que parce que les forces en présence étaient par trop inégales et que le parti dominant alors s'est, depuis et partout, imposé avec la force et la persuation que l'on sait. Maintenant, les recherches menées par ces aventuriers, les conclusions qu'ils ont tirés de la critique radicale qu'ils menaient à la marge de la bonne conscience qui s'étalait partout, ne sont pour autant pas tombés dans l'oubli. Des voix se font encore entendre, des livres circulent et sont lus et commentés, parfois par de très jeunes gens; des libelles grinçants sont placardés à la façade de vieux immeubles, des grafitis rageurs sont traçés par des mains anonymes; de loin en loin, souffle comme un léger et rafraîchissant vent de fronde. Et, voyez vous, je ne puis me départir de cette certitude qu'il est légitime et parfaitement justifié que de continuer à mettre au jour des mots, des phrases, des idées, des actes aussi, allant à contre courant des litanies lénifiantes diffusées de mille façons par la propagande que l'époque entretient sur elle-même. Bien sûr, comme pour la plupart d'entre vous, je suis bien forçé de «faire avec» les réalités présentes ; pour notre malheur, nous sommes de ce temps et il nous emprisonne. Mais aussi, je ne me cache pas que l'époque puisse présenter de ces agréments, largement partagés, comme ces techniques qui permettent d'aller vite en besogne, de correspondre avec celles et ceux qui comptent pour moi, de m'informer de ce qui advient comme événement, ici ou là dans le vaste monde et qui me réjouis ou me terrifie. Et ces outils sont à double tranchants; s'ils ont partie liée avec la domination, ils peuvent tout aussi bien voir se forger et véhiculer les armes susceptibles de la combattre. C'est là le mince espoir que j'entretiens vaille que vaille, sans illusions aucunes. Que celles et ceux qui me reprocheraient d'être par trop pessimiste sachent seulement qu'il m'arrive encore de rire, d'être ému et enchanté par ces «riens du tout» de la vie de tous les jours, par un sourire, un regard posé sur moi, homme parmi les hommes, éperdu de vie, enivré par les simples bonheurs qui surviennent encore à certaines heures, petits soleils qui percent les nuées ombrageuses.





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