lundi 9 mars 2009

7 septembre 2008

Il se trouve que, dernièrement, je me suis vu bien installé dans mon misérable canapé, martyrisé par les griffes de mes chats, à suivre, sur le petit écran, avec émerveillement, ce film tout à fait à part qui porte ce titre: «Le filmeur», dont j'estime devoir vous parler au moment où, j'ose l'espérer, vous êtes tout de même quelques-unes et quelques-uns à être à l'écoute de cette émission, nouvelle manière et nouvel emplacement sur la grille de notre chaîne bien-aimée. Fin de la digression, revenons-en à Alain Cavalier et à cet objet filmé non identifié. Précision qui a son importance, Cavalier fut, dans sa jeunesse et son âge mûr un fort bon réalisateur; il a tourné «L'Insoumi», en 63, «La chamade», plus tard, d'après le roman de Françoise Sagan, entre-autres très honorables productions. Il a donc fait du cinéma de manière tout à fait orthodoxe, avec grosse caméra, équipe de tournage au grand complet, acteurs choisis, scénario, dialogue et montage. Et puis un jour, tout simplement, il en a eu marre de tout ce fatras qu'il a joyeusement balancé et, profitant de l'arrivée des mini caméras digitales, il s'est mis à son nouvel ouvrage. Ce faisant il a réalisé, dans une certaine mesure, un de mes vieux phantasmes, auquel, il y a bien longtemps, j'ai, ici même, consacré une chronique. Pour rappel, ce phantasme consiste dans l'hypothèse qu'un appareillage électronique soit relié à mes yeux, permettant l'enregistrement en continu de tout ce qui tomberait sous mes regards et, cela, jusqu'à la fin de la fragile existence qui est la mienne. Un peu de la même façon, Cavalier, déclenche son minuscule appareil de prise de vues au gré des circonstances, des lieux, des moments et de ses envies. Pour le dire simplement, sa démarche tient de la rédaction d'un journal intime, dans lequel il note les faits les plus marquants comme les plus anodins auxquels il est confronté quotidiennement. Il y a, dans cette démarche, qui est le fruit de plusieurs années de travail, un peu de ce très Montanien «retour à soi» que justifie amplement l'état de plus en plus navrant du monde dans lequel nous avons été jeté par pur hasard ou aveugle nécessité. Il se trouve, selon moi, autant de très bonnes raisons de filmer la bien aimée dormant dans la pénombre d'une chambre douillette, la mère vieillissante chantant à tue-tête, un chat assoupi à l'entrée d'un jardin, quand ce n'est pas la dépouille mortelle du père baignant dans une lumière blafarde, plutôt que les improbables aventures de personnages nés de l'imagination de scénaristes diversement inspirés. Ne vous méprenez pas, je n'ai rien contre le cinéma d'auteur, bien au contraire, il m'a bien souvent enchanté ou enthousiasmé, comme il m'a tout aussi souvent déçu, énervé ou profondément ennuyé. Le cinéma, expression la plus élaborée de l'art de la réprésentation, incomparable machinerie au service du rêve, de la poésie, de la petite et de la grande histoire est, en même temps, le reflet d'une époque, la nôtre, qui sera peut-être la dernière que l'humanité aura à vivre sur cette terre irrémédiablement vouée à l'exctinction. De là, sans doute, la légéreté, la gaudriole, les paillettes et les chansons, les comédies en tous genres, l'adulation dont sont l'objet les vedettes du spectacle de la réussite et, en même temps, sur d'autres registres, la mise en scène de l'autre versant du monde, où sont dénoncés, avec une bonne foi désarmante, les cruelles conditions de survie des paumés et des nouveaux pauvres, des clochards et des désoeuvrés. De mille façons, le cinéma nous dit le monde. Et nos mondes à nous sont noyés dans la cohue et le vacarme ambiant. Que celui-ci nous offre sa vie en partage et que nous puissions, ne serait-ce qu'un peu, nous y reconnaître et la partager, me semble être une belle manière de résister à la désespérance et à la lassitude d'être. Ici et nulle-part ailleurs.



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