mercredi 11 mars 2009

21 septembre 2008

Quand je disais, l'autre dimanche, que le cinéma était le reflet de la vie et de l'époque, ce n'était pas là paroles présomptueuses ni péremptoires et j'ai d'ailleurs encore pu le vérifier en allant voir ce délicieux film qu'est «Happy go lucky» du britannique Mike Leigh. Traduction approximative du titre: «C'est pas toujours évident, la vie, mais bon, autant s'accrocher et prendre les choses du bon côté». Ceci étant ma traduction et pas celle d'un spécialiste de la langue de Shakespeare, faut-il que je le précise. L'héroïne de cette charmante histoire, c'est Pauline, que l'on appelle Poppy – ce qui veut dire coquelicot – qui fait profession d'instutrice, qui vit avec sa colocataire, Zoé et mène sa vie avec un optimisme désarmant et une bonne humeur comunicative. Encore que. Il y en a qui n'apprécient pas, vous pourrez le vérifier en allant voir ce film, que je vous conseille. Je n'en dirais pas plus, sauf qu'il s'agit d'une comédie sans prétention avec des personnages tout ce qu'il y a de parfaitement banal; vous pourriez rencontrer Pauline ou sa jeune soeur ou Zoé, à Londres ou dans n'importe quelle autre grande ville. Et c'est bien là pourquoi je vous rappelait, en commençant ce billet, la phrase de l'autre jour. J'aime assez, voyez vous, les gens ordinaires, ceux qui ne font pas de vagues, qui ne pète pas plus haut que leur cul, qui vont tranquillement et sans éclats particuliers, leur vie, leurs passions discrètes, leurs amitiés et leurs amours. J'aime celles et ceux qui font face à l'infortune avec courage et savent saluer et accueillir les brumes légères et fugaces des joies qui leur viennent de ce qui est important à leurs yeux. J'en ai rencontré et connus des ces femmes et de ces hommes qui ont le sourire et le rire faciles, que la vue d'un beau nuage émerveillent, qu'une chansonnette ou un quintet de Schubert enchantent. Celles-là et ces autres, qui sont passés dans ma vie, qui y ont encore leur place, je n'ai pu et je ne peux les aimer que parce qu'en eux, j'ai reconnu cette part de moi-même que je persiste à croire présente en chacun de nous. Il se fait seulement que, pour certains, les circonstances et les accidents, les drames de l'enfance, l'inégale répartition de la chance ou de l'occasion, vivre est devenu un jour cette douleur et cette grande et harrassante épreuve. J'en sais qui luttent contre de vieux démons grimaçants et ricanants, des souvenirs d'anciennes et irréparables blessures qui saignent encore et ne se refermeront peut-être jamais. Nous naissons, paraît-il, égaux en droit. Et libres. Mais il est communément admis que d'aucuns sont plus égaux que d'autres; les armes et les arguments que nous donne la naissance ne sont pas les mêmes pour tous. Quant à la liberté... ici, comme ailleurs, il y en a qui sont plus libres que d'autres. Des chaînes invisibles entravent ceux là que le hasard a fait naître dans ce milieu plutôt qu'en un autre. Et, du reste, qu'est-ce que cette liberté strictement formelle dont on ne peut faire l'usage que dans le cadre des conventions et des interdits que la structure d'état installe avec de plus en plus de rigueur ? De tout cela, Poppy s'en balance. Elle va et chantonne, sourit à tout le monde, va son chemin en gambadant, jolie fleur têtue et un rien rebelle qui ne voit pas les caméras de surveillance aux carrefours de la grande ville. Mais qui aurait l'idée de surveiller la délicieuse créature ? Comme vous comme pour moi et des millions d'autres, elle ne présente aucun des troubles qui peuvent être reconnus comme présentant le moindre danger pour la si parfaite et rigoureuse harmonie universelle. Et il est, peut-être, hélas, désormais impossible de lui échapper. Nous allons devoir donc vivre encore sous son empire. Et faire bonne figure. Et rire et se réjouir de la douceur des amitiés qui nous sont offertes. Et puis, plus tard, un jour, tirer sa révérence. Et laisser là la beauté des choses... les souvenirs des sourires, des battements de coeur, des tendres étreintes qui mettaient du soleil au plus profond de l'âme.

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