vendredi 20 février 2009

5 mai 2007

Qu’est-ce que j’essaye de vous dire, au fond? Au travers des histoires que je vous raconte, en relatant les petits évènements de ma vie de tous les jours, en m’emportant contre le monde et certains de ceux qui y vivent? Ceci, il me semble; et très simplement. Que nous n’avons qu’une vie à vivre. Et que cette vie a un prix, celui que nous sommes en mesure de lui donner ou non. Mais aussi qu’il dépend de nous et seulement de nous, de chacune et chacun de nous, de lui donner du sens. C'est-à-dire, de ne pas en rester à tout cela que la naissance et les circonstances ont déposés en nous à notre insu et qui forme le socle premier de la manière dont nous avons découvert et appréhendé le monde et ce qu’il contient. A l’origine, nous sommes un matériau parfaitement vierge, un petit enfant aux yeux gourmands qui voit bouger les êtres et les choses qui l’entourent et qu’il ne peut nommer puisque le langage lui manque, que les mots ne lui viendront que plus tard. Bienheureux petits enfants que je rencontre dans ma rue, sagement installés dans leur poussette et qui me regardent au fond des yeux et que je regarde en souriant. Un peu comme me regarde l’animal; le chat sur mes genoux, le cheval en bordure de barrière, le chien dont je caresse la tête. Petit d’homme qui, selon la fortune, aura des parents qui parleront de ceci plutôt que de cela en utilisant ces mots-ci plutôt que d’autres, indiqueront tel chemin, déposeront dans l’âme du petit être en devenir des trésors ou de sombres dépouilles. J’en vois parfois, hélas, de ces bambins qui semblent déjà abîmés, déjà si vieux. Et alors, je vois leurs parents. Abîmés eux aussi par la vie qu’ils ont menée et qu’ils mènent encore vaille que vaille, soumis aux caprices du sort, meurtris par les injustices et les contrariétés, ballottés malgré eux de la marge à l’exclusion. Et ces autres encore, hommes et femmes, qui paraissent avoir eu un peu plus de chance; soucieux de leur paraître, vêtus à la dernière mode, comme des milliers d’autres, que l’on croise aux terrasses des cafés, dans les rues où sont les boutiques, qui se pavanent et font les beaux, avec les mêmes coiffures, les mêmes lunettes solaires sur les yeux ou au dessus du front. Tout ceux-là paraissent sortis d’une même usine à fabriquer de ces mannequins que l’on voit dans les vitrines. Et déjà leurs petites filles et leurs petits garçons leurs ressemblent, ils n’ont eu qu’une trop brève enfance, ce sont des adultes en miniature avec, déjà, les mêmes manières, les mêmes envies et les mêmes rêves étriqués et mesquins. Ils sont de ces enfants à qui l’on offrira un émouvant chiot vu à l’étalage et que, devenu chien encombrant, on abandonnera l’été suivant au bord de l’autoroute, en partant pour les plages espagnoles. Mais de cela, de ce constat amer, je ne peux ni ne veux tirer de conclusion d’aucune sorte. Car, parfois, il s’en faut de si peu pour qu’une destinée, un avenir se dessine autrement que ce qui semblait si terriblement aller de soi. Ce gamin aura un maître d’école qui saura éveiller en lui l’intérêt pour telle ou telle chose de la vie, cette discipline-ci ou cette autre. Il aura un compagnon de jeu qui le mènera vers de petites aventures anodines où se découvrent subitement l’attrait et le désir d’un de ces ailleurs qui conduisent l’esprit au-delà des choses convenues. Et alors, la fragile chrysalide, découvrant ses ailes lumineuses et colorées, prend son envol et s’en va conquérir cela pour quoi il ne semblait pas être fait et à quoi rien ne l’avait préparé. L’enfant, dès cet instant, commencera de s’appartenir et entreprendra de gravir les étapes de ce que devrait être pour tous l’âge adulte. J’entends, la claire et sereine conscience de ce que nous ne faisons que passer, même si certaines heures semblent parfois nous mettre en présence de l’éternité. J’entends, aussi, qu’être adulte c’est savoir que nous sommes capables de choisir et que toutes nos actions sont placées sous le signe de l’arbitraire. Nous passons, oui; et de ce passage nous sommes les maîtres, nous avons à en être les maîtres. Je ne vois pas que les seules contingences sociales ou une quelconque prétendue prédestination génétique puisse suffire à rendre compte ou justifier notre incapacité à chercher le vrai, à vivre gaiement et courageusement ce que nous n’aurons à vivre qu’une seule fois. Nous sommes comptables de nos richesses comme de nos manques, de nos échecs comme de nos réussites. Mais nous le sommes, surtout, de ces fameuses «poussières de bonheur» que nous n’avons qu’à savoir et, surtout, vouloir saisir.










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