samedi 14 mars 2009

Ici, les chroniques de 2007 - il en manque quelques-unes, désolé - et celles de 2008, au complet.
Et voilà...

mercredi 11 mars 2009

21 décembre 2008

C'est chaque année la même chose; on n'y échappe pas. En décembre il fait plus froid qu'en juillet et Noël tombe le 24. Ou le 25, je ne sais pas très bien. Enfin, Noël tombe, nous serons au moins d'accord là dessus. Et, à cette occasion, chaque année à la même époque depuis les débuts de ma présence dans cette émission que le monde entier nous envie, je me sens tenu de vous parler d'amour, de solidarité, de villages de Noël, de petit Jésus, de boeuf, d'âne et autres rois mages. Aussi bien, pour cette fois - je vais vous étonner - je vais m'en tenir à cette déjà vieille tradition. Car enfin, je vous le demande, pourquoi bousculer les bonnes habitudes, changer son fusil d'épaule ou échanger un baril de poudre à canon contre un bidon de lessive liquide – ou le contraire - quand rien ne le justifie. Maintenant, et à la demande générale, je vous fait le coup du film qui m'inspire les commentaires qui vont suivre. Vous avez pu le voir ou le revoir la semaine dernière, sur la chaîne franco-allemande qui ne prend pas les téléspectateurs pour des cons ou des demeurés; c'est une histoire qui m'a ému aux larmes, je veux parler de «Lost in translation» de Sofia Coppola. Tokio, là où naît cette merveilleuse rencontre, est une ville qui, la nuit, avec ses néons géants, cette débauche de lumières, ces reflets dans les vitres des immeubles d'acier, les vêtements colorés et chamarés des jeunes japonaises et japonais, ressemble étrangement à un arbre de Noël bruissant et fantasque. C'est là, dans un grand hôtel, que vient au monde la singulière et tendre aventure qui va lier, pour quelques soirs, ce quinquagénère et cette jeune femme, tous deux perdus et solitaires; au bar de l'hôtel, d'abord, puis dans la ville à la rencontre de laquelle ils vont, en même temps que d'eux-mêmes. Remercions le Père Noël, le dieu Pan, Eros et tous ses saints – S A I N T S - et pas nichons, roberts ou roploplos, louons ensemble l'incomparable manière avec laquelle la fille de son père nous emmène au plus profond de ces êtres qui, se regardant comme on regarde les étoiles, entendent monter en leur coeur la douce musique de l'éblouissement et de la ferveur. Qui n'a rien à voir avec le coup de foudre qui met les sens en émoi et commence et se termine dans la moiteur de draps dévoilant, selon le bon vouloir des comités de censure, telle ou telle partie de l'anatomie des amants de passage. J'ai pensé à ces mots, et je les ai peut-être écrit déjà, mais pas à votre intention. Ce sont des mots et une image : il y a des ces émotions, de ces moments, si rares et si chauds, qui font comme des ronds dans l'eau de l'âme de ceux qui en viennent à se reconnaître. Des ronds dans l'eau de l'âme... imprégnez vous de cela. Regardez en vous, écoutez ce que disent vos souvenirs. Sûrement, vous avez connu, vous connaissez peut-être encore - bonheur à vous - cette félicité qui se passe de mots, qui ne demande que des gestes mesurés où n'entre aucune langueur, qui soulève le coeur vers des sommets grandioses d'où l'on ne voit que nuages floconneux et atomes de lumière. Cîmes d'où l'on ne voudrait jamais redescendre; vallées où glissent les rivières; arbres, oiseaux et insectes, frémissement des feuilles, tiédeur de l'air; et cette main que l'on tient en silence, les yeux clos, les lèvres nourries d'un sourire aimable et confiant. Je revois encore, et je savoure la dernière séquence de ce film, que je tiens pour un des plus beaux que j'ai vu ces dix dernières années. Lui est dans le taxi qui le mène à l'aéroport, ils se sont fait leurs adieux dans le hall de l'hôtel, tout à l'heure et, de la fenêtre de la voiture, il la voit, là, dans cette artère piétonnière. Il demande au conducteur de s'arrêter, il court presque vers elle, que l'on voit de dos, il la rejoint. Ils se regardent une dernière fois, d'un regard qui pénètre l'âme entière; ils s'étreignent, debouts, au milieu de la foule et puis, il se détache d'elle et s'en va. Ce qui advient de beau et de grand entre les êtres ne s'efface pas; c'est à chaque fois comme un nouveau soleil. Qu'il vous réchauffe et vous réconforte...







14 décembre 2008

C'était en 1953; j'avais huit ans et je fréquentais l'école communale de ce quartier populaire, très populaire qui m'a vu passer une enfance heureuse quoique dénuée de toute forme d'opulence matérielle; et je pèse mes mots. Notre insituteur de troisième année primaire s'appelait Monsieur Swennen et je l'aimais bien. Il était juste, un peu artiste, attentif, merveilleusement gentil et patient envers les innocents garnements que nous étions. Et puis, surtout, comme vous, il aimait le cinéma. Au point que, le samedi après-midi, après la matinée consacrée à l'étude, il organisait, pour toutes les classes, des séances de projection de films dans le corridor du rez-de-chaussée, parallèle aux classes, dont les fenêtres étaient occultées vaille que vaille. Je ne doute pas que mon amour pour le septième art me vienne de ces merveilleux moments. Il y avait le gros projecteur bourdonnant, les hauts-parleur crachotant des sonorités métalliques et, pour commencer, le joyeux brouhaha qui précédait la projection. C'est un de ces samedi là que nous avons vu ce film, qui ressort ces jours-ci dans une nouvelle version et que j'ai hâte de découvrir: «Le jour où la terre s'arrêta». Nous avions déjà entendu parler des soucoupes volantes qui se manifestaient beaucoup en ce temps là, dont les journaux et revues parlaient abondamment et qui, je dois bien le dire, m'intriguaient et me faisaient beaucoup rêver. Mais c'était bien la première fois que nous en découvrions un exemplaire formidable, sur le grand écran de fortune. Après l'atterrissage de l'énorme engin métallique, une porte s'ouvrait, un être à notre ressemblance venu d'une lointaine planète apparaissait, saluait le comité d'accueil composé, comme d'habitude, essentiellement de militaires en arme et puis, à la suite d'un geste mal interprété par l'un des soldats, le malheureux était blessé et s'effondrait. A la suite de quoi, un énorme robot entrait en action et, d'une fente dans ce qui lui tenait lieu de visage, jaillissaient des rayons mortels, balayant les engins de toutes sortes et leurs occupants. La machine à figure humaine prenait ensuite dans ses bras mécaniques l'infortuné ambassadeur venu d'ailleurs et le ramenait à l'intérieur de l'imposant vaisseau spatial dont la porte glissait lentement sur les deux visiteurs. Pour ce qui est de ce qui arrive après, vraiment, je n'en garde pas de souvenirs assez précis que pour vous raconter la suite de l'histoire, ce qui d'ailleurs n'est pas dans mes intentions. Je me rappelle seulement de cette séquence où, partout sur notre globe, les montres et les horloges publiques s'arrêtaient toutes en même temps et que tout mouvement se figeait universellement de la même façon. Ce que je n'ai pas oubilé non plus c'est le message que l'extra-terrestre arrivait tout de même à nous faire connaître, nous, pauvres et parfois si stupides créatures que nous sommes. Message qu'il faut restituer à cette époque déjà lointaine qui voyait la guerre froide opposer les deux seules gandes puissances d'alors à posséder des arsenaux nucléaires déjà bien fournis: les USA et l'ancienne URSS. Le noble visiteur de l'espace nous mettais donc bien gentiment en garde de ne pas et même de ne jamais en venir à l'utilisation de ces armes. Jusqu'ici, c'est un fait, mis à part la grave crise de Cuba, en 1962, cette sinistre éventualité n'a jamais réellement été brandie par quelque gouvernement que ce soit. Mais, tout de même, on ne sait jamais, n'est-ce pas. L'arme atomique est entre les mains de militaires de nombreux pays, du nord au sud et d'est en ouest, la masse totale de ces bombes et missiles de toutes sortes représentent une force de destruction colossale qui, mise en mouvement, pourrait faire sauter la planète entière en quelques heures. Il n'est nul besoin que des visiteurs des étoiles se chargent de nous le faire savoir. Comme pour tout le reste, c'est à nous, quand nous le voulons vraiment, de peser sur les évènements, quels qu'ils soient. Cela s'est vu, cela se voit et cela se verra encore...


7 décembre 2008

Pas besoin de vous faire un dessin, vous connaissez. Au cinéma et plus encore à la télé, il n'y en a que pour eux. Je veux dire, les flics, les poulets et les poulettes de choc, les unités d'élite et autres sections d'assaut. Faites-le compte vous même, la grosse majorité des séries mettent en scène les exploits, les déboires, les états d'âme et les passionnantes aventures des gardiens de l'ordre sous toutes ses formes. A l'écran, le petit ou le grand, tout cela peut bien sûr être amusant, distrayant, passionnant, drôle à l'occasion, je n'en disconviens pas. Dans la réalité, les choses ne sont évidemment pas aussi idylliques, il y en a qui en on fait l'expérience ces temps derniers pas loin de chez nous et tout près aussi. Je pense à ce groupe de jeunes gens, qui vivaient à la campagne, en toute intelligence et harmonie avec les habitants du lieu, à Tarnac, petit village de France dont ils avaient réouverts l'épicerie, distribuaient des repas aux vieux du coin, menant paisiblement leur vie loin de la ville, une manière de vie différente, en marge de celle que nous vivons. A l'aube du 9 novembre dernier, des dizaines de policiers cagoulés et armés, investissent le petit village, s'engouffrent dans la maison occupée par le petit groupe et embarquent tout le monde avec le ménagement qu'il est facile d'imaginer. Motif de cette arrestation spectaculaire, suivie de près par les caméras, les micros et les calepins de journalistes opportunément invités à rendre compte de l'opération: terrorisme. C'est aussi simple que cela. La ministre de l'Intérieur de la République, Madame Alliot-Marie, parle de mouvance ultra-gauchiste prête à organiser le chaos, explique doctement que les jeunes gens sont vraisemblablement les auteurs des entraves à la circulation des trains à grande vitesse des jours précédents; enfin, le coup de filet qui fait suite à une longue période de surveillance et de filatures par les services idoines va permettre de démontrer le caractère insurrectionnnel des activités de ces gens. Ce qu'il en est de tout cela en vérité, c'est qu'il semble bien que les prétendus indices, les preuves apportées par les enquêteurs, apparaissent de plus en plus minces, que rien ne permet d'affirmer que le groupe projetait d'en venir à des actions violentes. Et rien, non plus, n'indique avec certitude qu'ils seraient les auteurs des actes de sabotage le long des voies ferrées de la sncf. Devant les outrances, les accusations les plus folles relayées complaisamment par le gros de la presse hexagonale, des voix ont commencé de se faire entendre, et pas des moindres. Des comités de soutien aux jeunes de Tarnac se sont formés très vite, un peu partout en France et chez nous, à Bruxelles. Ces voix tentent de nous dire ceci, qui a son importance et que je vous invite à méditer: un étau froid et calculateur est tout doucement en train de fermer ses pinces et d'y enfermer tout ce qui prétendrait défier l'ordre présent. Des lois d'exception ont été approuvées par des assemblées élues, qui ont pour but de criminaliser toute forme de solidarité envers celles et ceux qui, d'une façon ou d'une autre, écrivent, agissent et tentent de propager autre chose que ce que nous sommes tenus de croire. La crise que nous traversons et qui va bien au-delà d'un dysfonctionnement passager des choses de l'argent, est l'occasion, pour les maîtres qui nous gouvernent, d'agiter de commodes épouvantails de toutes sortes et d'en appeler à l'union sacrée autour de valeurs qui n'en finissent pas de s'effondrer les unes après les autres. On pourra bien intimider et arrêter ceux qui se mobilisent contre cela, au palais de justice de Paris comme à Bruxelles, tout dernièrement; le pavé est dans la mare et l'on ne pourra l'en sortir qu'avec encore plus d'aveugle répression. Il n'est bien sûr pas nécessaire d'instaurer une société totalitaire pour venir à bout des mauvaises pensées qui viennent à certains. L'apathie et le silence général y suffisent amplement. Mais faut-il que l'on s'y résigne, je ne le pense pas.

30 novembre 2008

Vous connaissez le goût que j'ai des petites choses insignifiantes, qui font les jours plus gais et qui mettent au coeur de cette joie enfantine qui, pour ma part, et malgré tout le reste, ne m'a jamais quittée. C'était au début de la semaine qui se termine ce soir. J'en étais à balayer, passer le torchon, enfin, à faire, comme on dit, le ménage. Mon appartement n'est pas bien grand, le tour en est vite fait et, chantonnant, j'en étais à nettoyer ma cuisine lorsque, soudain, mon regard fut attiré par une minuscule petite chose ailée qui allait de là à là, tournait autour de la lampe, passait devant la fenêtre et puis repartait vers le plafond pour s'y poser, la tête à l'envers. Une mouche. En plein mois de novembre et alors que, dehors, la neige tourbillonnait et couvrait de blanc les toits et les trottoirs de ma rue. Tout à fait légitimement, je me suis demandé, tout en suivant ses déplacements, mais qu'est-ce qu'elle fout là, cette petite bestiole ? Question à laquelle je suis bien en peine de répondre, bien évidemment, n'étant pas spécialiste en matière d'insectes d'aucunes sortes. Pour le moins, je m'étonne, à l'entrée de la saison froide, que ce petit animal ait pu survivre alors que l'été n'est plus qu'un lointain souvenir. Mais enfin, passons; à l'heure de rédiger ce billet je n'ai plus eu l'occasion d'entendre le léger bourdonnement, et il il y a gros à parier que mon amie la mouche repose quelque-part, après avoir rendu à la création son âme minuscule. Si je vous raconte cela, bien conscient de la légèreté de mes propos, c'est simplement pour bien vous faire entendre que, selon moi, la vie n'a pas à être vue seulement comme activités plus ou moins bien rétribuées, que le travail moderne n'est pas une valeur morale et que, de toute façon, de quelque manière qu'on l'appréhende, au bout du compte, il participe aveuglément à la perpétuation d'un système dont vous savez tout le mal que j'en pense. Je ne suis d'ailleurs pas le seul, fort heureusement et d'ailleurs, en ce moment, passe sur nos écrans «La très très grande entreprise» de Pierre Jolivet qui traite allégrement de ce genre de questions. A savoir que, si les usines tournent, si elles continuent de fabriquer les milliards de tonnes de choses pour la plupart parfaitement inutiles – nom d'un petit chroniqueur, regardez autour de vous ! - elles sont, aussi pour une large part, responsables du fameux déréglement qui affecte de plus en plus gravement la mince pellicule qui nous tient lieu d'atmosphère. A ce propos, j'ai découvert, l'autre jour, cette interviewe de la secrétaire d'état à l'écologie de la République; Française, bien entendu, concernant le colloque organisé à Paris cette semaine, au cours duquel d'éminents spécialistes avaient à débattre de la grave question de la perte de qualité du sperme de nos voisins. Où l'on découvre que les Parisiens, éternels distraits, ont perdus, en quelques années, 40% de leurs spermatozoïdes. Pour ce qui est des vôtres, camarades auditeurs, je ne sais pas. Quant aux miens, il y a belle lurette que je ne les comptes plus. On peut raisonnablement penser, en tout cas, que les substances qui affectent ainsi nos services trois pièces sont largement et partout présentes et qu'il n'y a pas de raison que nous y échappions. Ce genre d'information n'est pas pour m'horrifier outre-mesure, je peux bien vous le dire. Si l'épidémie allait en s'aggravant, cela ne pourrait avoir pour conséquence qu'une lente, irréversible et bienvenue chute de la natalité dans nos contrées industrielles. Ombre au tableau, tout de même, il est avéré, maintenant, à la suite de recherches très pointues, que de nombreuses et innocentes espèces animales, tous genres confondus, sont elles aussi victimes de ces déréglements endocriniens. Mais à part ça, tout va très bien; les chefs d'état et de gouvernement en sont encore à faire tout et n'importe quoi pour relancer le mirage de l'économie. Et puis, pour finir, heureuse surprise, mon amie la mouche se porte comme un charme; elle tournait, tout à l'heure, autour du verre de vin de mon souper...


23 novembre 2008

Vous fûtes quelques-unes et quelques-uns a réagir, parfois rudement, à mes propos de la semaine dernière. De diverses manières, on me prie d'être moins atteint de sombritude ou, à tout le moins, de na pas abuser de ma position de chroniqueur et de cesser de déverser dans les canaux de vos oreilles délicates de ces mots fatidiques que, manifestement, vous préférez ne pas entendre. Bien. Ce soir, donc, je vous épargnerais mes rugueuses et condamnables exhortations. Entre nous, vous avez de la chance. Je m'apprêtais – ce sera pour une fois peut-être - à vous parler d'un film dont la noirceur n'a d'égale que le plus effrayant pessimisme, eu égard à notre condition. Condition humaine, bien évidemment, puisque nous n'avons pas la chance d'être de gentils papillons, d'adorables petits oiseaux ou d'émouvants éléphanteaux bien à l'abris entre les grosses papattes de leurs mères. Et je dis cela sans rire, je vous prie de le croire. Pour le reste, laissez moi tout de même, non pas me justifier mais, bien plutôt, vous éclairer quelque peu, rapport à ce qui a pu paraître outrancier dans mon billet de l'autre dimanche. Il se trouve que je m'honore d'appartenir à cette famille d'esprit qui s'est fait connaître il y a une quarantaine d'années d'ici et qui, par des écrits, des manifestes, des interventions sur le terrain le plus pratique, a prétendu faire savoir au monde ce qu'il en était de sa réalité et de ses prétendus succès dans à peu près tous les domaines, liés, de près ou de loin, à ce vague concept que l'on continue de tenir pour intangible: le progrès. Que cette part majeure de la critique de la modernité n'ait pu s'imposer, que peu de ceux qui firent partie prenante de ce mouvement s'expriment encore aujourd'hui, ne s'explique que parce que les forces en présence étaient par trop inégales et que le parti dominant alors s'est, depuis et partout, imposé avec la force et la persuation que l'on sait. Maintenant, les recherches menées par ces aventuriers, les conclusions qu'ils ont tirés de la critique radicale qu'ils menaient à la marge de la bonne conscience qui s'étalait partout, ne sont pour autant pas tombés dans l'oubli. Des voix se font encore entendre, des livres circulent et sont lus et commentés, parfois par de très jeunes gens; des libelles grinçants sont placardés à la façade de vieux immeubles, des grafitis rageurs sont traçés par des mains anonymes; de loin en loin, souffle comme un léger et rafraîchissant vent de fronde. Et, voyez vous, je ne puis me départir de cette certitude qu'il est légitime et parfaitement justifié que de continuer à mettre au jour des mots, des phrases, des idées, des actes aussi, allant à contre courant des litanies lénifiantes diffusées de mille façons par la propagande que l'époque entretient sur elle-même. Bien sûr, comme pour la plupart d'entre vous, je suis bien forçé de «faire avec» les réalités présentes ; pour notre malheur, nous sommes de ce temps et il nous emprisonne. Mais aussi, je ne me cache pas que l'époque puisse présenter de ces agréments, largement partagés, comme ces techniques qui permettent d'aller vite en besogne, de correspondre avec celles et ceux qui comptent pour moi, de m'informer de ce qui advient comme événement, ici ou là dans le vaste monde et qui me réjouis ou me terrifie. Et ces outils sont à double tranchants; s'ils ont partie liée avec la domination, ils peuvent tout aussi bien voir se forger et véhiculer les armes susceptibles de la combattre. C'est là le mince espoir que j'entretiens vaille que vaille, sans illusions aucunes. Que celles et ceux qui me reprocheraient d'être par trop pessimiste sachent seulement qu'il m'arrive encore de rire, d'être ému et enchanté par ces «riens du tout» de la vie de tous les jours, par un sourire, un regard posé sur moi, homme parmi les hommes, éperdu de vie, enivré par les simples bonheurs qui surviennent encore à certaines heures, petits soleils qui percent les nuées ombrageuses.





16 novembre 2008

L'avenir des films catastrophe est bien sombre désormais, c'est moi qui vous le dit. Tout ce que les scénaristes les plus inventifs pourrait encore pondre comme histoire de cataclysmes, fin du monde et autres calamités se verrait immanquablement dépassé par la réalité qui vient et à laquelle, je le crains fort, nous ne pourrons pas échapper. Pour commencer, la prétendue crise économique - en vérité, la faillite de la pensée économique qui se pense elle-même – va aller en s'aggravant malgré les dérisoires emplâtres que les Etats s'échinent à lui consentir, incapables qu'ils sont d'oser reconnaître cette historique défaite. Ensuite, l'extrême confusion de tout, le marasme universel qui va en découler de plus en plus, va avoir pour conséquence que les enjeux les plus pressants, les échéances les plus graves vont s'en trouver encore plus gravement ignorées et, conséquemment, repoussées. Il y avait, l'autre soir, ce téléfilm, qui relatait l'imbécile aveuglement des pouvoirs publics français devant l'imminence de graves disfonctionnements d'une centrale nucléaire modèle dont les gestionnaires perdaient le contrôle au fil d'une suite d'incidents imprévisibles, qui menacaient de se transformer en un désastre de première grandeur pour les habitants de la région et pire encore. L'on voyait les habitants, terrorisés par l'annonce de l'alerte, prendre la fuite par tous les moyens malgré les injonctions des autorités locales de se calfeutrer en lieux sûr, l'on insistait sur les moyens dérisoires dont disposaient les forces de gendarmerie et de protection civile chargées de garantir la sûreté publique mais, surtout, apparaissait l'inconscience, la morgue, le mépris affichés par le pouvoir central devant l'ampleur que les évènements risquaient de prendre. Précision qui a son importance dans cette histoire, le gouvernement s'apprêtait et se réjouissait de vendre à une grande puissance émergeante l'équivalent de la centrale en perdition. Il s'agissait donc, d'une part, d'éviter la panique des populations et de ne pas ébruiter la chose et, surtout, de tenir sous le secret les problèmes rencontrés par la centrale jumelle de celle qui devait rapporter des sommes rondelettes à l'Etat et au constructeur du futur site. Une mienne amie me faisait remarquer que cette fiction était certainement bien en deça de la vulgaire réalité et que, très certainement, les choses risquaient bien d'être encore plus dramatiques si de telles occurrences se présentaient ici ou ailleurs. On a vu, il y a de cela un peu plus de vingt ans, comment on a réussi à rendre parfaitement insignifiante l'explosion du réacteur de Tchernobyl, comment les prétendus spécialistes de ces questions minimisaient l'impact du nuage radioactif au dessus des régions qu'ils survolait; on a vu, surtout, le mensonge érigé en système de gouvernement. On a tenu pour négligeable les milliers de morts par cancers de toutes sortes, les bébés atteints de malformations dans les années qui ont suivis, on a négligé les rapports qui faisaient état de ce que les ravages continuaient aux alentours immédiat du site, on a fermé les yeux sur les épidémies de cancers et autres disfonctionnements de la thyroïde jusque dans les régions les plus éloignées des lieux de l'accident. Pour en terminer sur une note un peu plus ironique, l'autre jour, dans la gazette locale, à la page «Pouvoir d'achat», un brave étudiant avouait qu'il faisait des économies sur la manière de s'alimenter pour pouvoir remplir le réservoir de sa petite automobile vroum-vroum. Voilà où nous en sommes. Mais qu'importe, après tout. Ce soir, la lune souveraine éclairait les rues et les places, les champs et les forêts, les plages et les déserts. Et un jour prochain, peut-être, il n'y aura plus de regards pour se poser sur la beauté des choses. Il y a aura ce silence et cette paix que nous assure la mort.





9 novembre 2008

C'était très drôle, l'autre jour... enfin, drôle, c'est une façon de parler. Mais je vous raconte. J'avais du temps devant moi et, soudainement, sans crier gare, l'envie me prend d'aller au cinéma. Etonnant, non ? Je me laisse gentiment aller à ce simple désir, je prends le bus, je marche juste ce qu'il faut et me voici devant le beau cinéma «Sauvenière» que le monde entier nous envie. J'entre, j'exhibe modestement mon laissez-passer et me voici dans cette grande salle aux sièges mauves et violets à l'heure où les gens raisonnables sont au bureau, à l'atelier, à la bourse et autres lieux de perditions. Et qui vois-je, là, assis à la dernière rangée, son bloc-notes sur les genoux ? L'ami Jean-Lou, pour les intimes, Dupont pour les autres. Qui était là pour les besoins de la cause, à savoir le film de la semaine de l'autre dimanche, le dernier Woody Allen que j'avais hâte de découvrir et qui m'a inspiré les commentaires que voici. Les deux héroines de cette histoire, dont vous connaissez l'essentiel, sont à mon sens bien plus emblématiques que ce qu'il paraît au premier abord. Si l'une s'inscrit résolument dans la tradition séculaire du mariage prochain et se pose en exemple de vertu et de sérieux, pendant que l'autre ne s'encombre pas de considérations moralisatrices et vit sa vie avec légèreté, dans l'attente joyeuse de l'aventure sous toutes ses formes, elles sont ici l'une et l'autre, selon moi, bien sûr, comme l'incarnation de deux manières de s'inscrire dans le monde. D'un côté l'esprit de lourdeur, l'adhésion aux normes dominantes; de l'autre, le visage de l'insouciance et de l'ouverture enjouée aux êtres, aux évènements, à ce qui fait une vie artiste. Cela dit, les choses ne sont bien sûr pas aussi simples que cela et je me dois de nuancer mes propos. Car enfin, dans cette histoire, la jolie brune promise à son futur époux, tombe tout de même sous le charme ravageur du vilain séducteur, n'est pas loin de remettre en question le rassurant statut qui est le sien pour, finalement, rentrer dans le rang mais, je vous le demande, dans quel état ? Elle a franchi la dangereuse frontière des interdits, la voici troublée devant les mystères de la passion, éblouie par de dangereuses mais ô combien attirantes perspectives et de cela, elle ne guérira pas. Goûter à la liberté ne va pas sans le désir d'y goûter d'avantage, que le ciel se dégage des lourds nuages des certitudes et voici qu'un soleil nouveau éclabousse l'azur. Nous voici devant le parfait inconnu, les vieilles convictions paraissent des barrières qui ne demandent qu'à être franchies, le charmant précipice fait figure de paradis et puis, soudain, la belle aurore s'assombrit, il faut redevenir sérieux. Et les regrets, peut-être se mêleront-ils aux remords ? Mais on s'installera dans le confort douillet des habitudes et la vie, morne parfois et sans surprises, ira son cours paisible. Et pourquoi pas, après tout ? Il n'y a pas de certitudes ni de vérités valables pour tous. A chacune et à chacun d'aller son chemin. On peut-être heureux dans une vie à deux et partager un quotidien dont l'éclat et la valeur n'ont de compte à rendre à aucune instance. On peut aussi assumer une solitude relative, et laisser venir à soi la part d'imprévus, les rencontres heureuses et les sourires éphémères. On peut aussi bien se bercer des illusions de sa liberté qu'accepter sereinement les menues contraintes et servitudes de la vie courante. Ceux-ci, chaque matin, se retrouvent ensemble, à peine changé du jour d'avant et le soir s'endorment dans un même lit. Celui-là, à certaines heures, lui manque le bonjour d'un visage aimable, le bonsoir d'une âme réconfortante, le partage du repas, la main glissant sur sa joue quand il part pour l'atelier, l'usine ou les champs. Il n'y a pas de vie exemplaire. Il y a la vie tout court. Il faut seulement la vivre avec courage et sérieux et saisir cela qui advient pour le meilleur et pour le pire. Mais surtout, surtout, qu'il y ait de l'amour, encore de l'amour, toujours de l'amour... Le reste est sans importance.




2 novembre 2008

Ce soir, je ne commencerai pas cette chronique en vous parlant de cinéma. Désolé, j'ai mieux à vous raconter... cette soirée de samedi dernier, par exemple, qui m'a vu fouler les augustes trottoirs de notre belle capitale et, en particulier, ceux de la place Flagey aux abords de laquelle se trouve encore les superbes bâtiment de l'ancien INR désormais voués aux manifestations culturelles de toutes sortes. En temps ordinaire, je ne suis pas un grand consommateur de culture. Ni un grand consommateur de quoi que ce soit d'autre, d'ailleurs, vous le savez. Mais pour le coup j'avais accepté l'invitation d'un honorable et fidèle auditeur et correspondant à le retrouver, lui, sa compagne et leurs deux charmants enfants, au café Belga, qui étale ses terrasses au pied du vénérable bâtiment d'où les voix de tant d'illustres pionniers se sont envolées au gré des ondes électriques. Le prétexte, ou le motif, si vous préférez, de cette rencontre, c'était le spectacle d'une jeune personne aux talents multiples, la prénommée Maia, qui se produisait dans un des anciens studios de la vieille radio télévision de service public. Arrivé sur les lieux en peu en avance, après un voyage en train sans histoire, je me suis donc installé à la terrasse, le temps le permettait, pour attendre l'arrivée de mes hôtes d'un soir que j'ai, un peu plus tard vu venir vers moi, tout sourires, évidemment. On s'est fait la bise, comme si on s'était vu le jour d'avant, on a papoté à bâton rompu devant une bière et puis, l'heure de nous sustenter étant venue, nous nous sommes placé dans la file ininterrompue de la célèbre baraque à frites et avons, après une attente somme toute raisonnable, dégusté, au bords des étangs d'Ixelles, un délicieux cornet de frites à l'ancienne avec, pour moi, sauce tartare et du sel bien partout, merci camarade friturier de votre savoir faire et de votre amabilité. Ce sympatique et frugal repas terminé, la maman des bambins s'en est allée les mettre au lit pendant que mon tout nouvel ami et moi prenions place dans la salle, dans l'attente de la prestation de cette jeune femme qui, je dois le dire, m'a drôlement amusé mais aussi, par moment, merveilleusement ému et je ne puis que vous recommander de ne pas manquer les occasions que vous pourriez avoir de découvrir son spectacle. Où elle nous raconte de petites histoires qui ont trait à nos vie et à la sienne, à celles de ces gens, que nous croisons au gré de notre cheminement dans un monde dont elle dit, avec ironie, tendresse et, parfois, férocité, combien il peut-être cruel et injuste, combien aussi nous sommes parfois les jouets de l'aveugle fatalité et les victimes abasourdies de la bêtise qui se manifeste partout. Par moment, je n'ai aucune honte à le confesser, j'ai eu de grosses larmes d'émotion au bord des yeux tant ce petit bout de femme possède le merveilleux talent de l'écriture et de la parole. J'ai ri aussi, et très fort, à l'irrésistible manière qu'elle a de brosser le portrait des figures auxquelles ils nous arrive d'avoir à faire, dans l'administration, les bureaux d'embauche et autres lieux infernaux que nous sommes tenus de fréquenter sous peine de sanctions de toutes sortes. Hé oui, mes bons amis, la poésie, la tendresse, la compassion et le talent sont mal vus par les temps qui courent, il va nous falloir trousser nos manches pour venir en aide au pauvre capital et au malheureux marché, qui sont bien mal en point. Et à ce propos, je n'arrive pas à comprendre comment il est possible qu'à l'instar des italiens, nous ne soyons pas encore quelques centaines de milliers à descendre dans la rue, pour gueuler très fort et secouer le vieux cocotier vermoulu et insane que devient de plus en plus puissamment la funeste mascarade du monde de l'argent-roi. Mais, l'expérience nous l'a appris, il suffit parfois d'une toute petite étincelle pour que naissent et se propagent les plus beaux incendies. Laissez moi rêver un peu...

26 octobre 2008

S'il est bien une chose qui me ravisse absolument dans le fait d'aller au cinéma, c'est de m'installer dans une salle pas trop grande, avec pas trop de monde (les séances de l'après-midi, représentent l'idéal en cette matière) et avec juste ce qu'il faut d'avance sur l'horaire que pour jouir pleinement de cette attente dans la pénombre propice. C'est une attente délicieuse. Les sens sont en éveil; les yeux parcourent l'espace à peine éclairé par de petites ampoules, il y a la musique, souvent insipide, un grand calme autour de soi, si ne ne sont quelques légers chuchotements à gauche ou à droite, on se prend à rêvasser en attendant les bandes annonces (ça j'adore, les bandes annonces !) et de petites pensées parfois incongrues font des vaguelettes à la surface du cerveau. Tel moment particulier du jour d'avant, fragments de souvenirs lointains qui surgissent à l'improviste, chanson désuette qui se met à résonner aux oreilles sans prévenir, on est dans le plus parfait abandon jusqu'à ce que le noir s'installe et que les premières images apparaissent. Mais comme il est peu raisonnable de se déplacer quotidiennement pour goûter à ces menus plaisirs, il est parfaitement possible, chez soi, de se détacher, ne serait-ce qu'un peu, des contigences de toutes sortes qui nous éloigne de nous mêmes. C'est un exercice pour lequel je suis particulièrement doué. Aucun bruit de fond, ni radio, ni musique, mes appareils auditifs sont sagement rangés dans le tiroir idoine et les sons du dehors ne me parviennent qu'étouffés et feutrés, je traînaille pendant de longues minutes avant de me décider à passer à la salle de bain pour mes ablutions matinales, les déplacements lents et silencieux des chats sont comme des nuages à quatre pattes effleurant le plancher de plastoc, la lumière du dehors est filtrée par les tentures fermées. Je sirote mon ennième breuvage café-chicorée bien sucré, j'en suis à ma quatrième cigarette et je ne suis pas loin d'un état proche de celui que connaissent les praticants du yoga ou de la méditation transcendentale. Oui, bon, d'accord, j'exagère un tout petit peu... les adeptes de la position du lotus sont raisonnables, ils ne fument pas et ne mettent pas de sucre dans leur thé au jasmin, ils mangent plutôt des trucs bio et font du jogging le dimanche matin. Je n'ai rien contre le bio, sois dit en passant. Mais enfin, c'est plutôt quand ça se trouve et que je passe du côté de chez Paul, place du xx août. Au reste j'affectionne les promenades à pas lents plutôt que la course à pied, avec arrêts fréquents pour admirer telle façade ou tel arbre aux feuilles aussi rousses que la tignasse de Lauren Bacall, ou longue station sur un banc public, le temps de m'en rouler une petite avant de repartir avec la même nonchalance. Ce n'est pas bien raisonnable, mais soit. Vous aurez remarqué que les réclames pour les barres chocolatées et autres boissons qui font Pschit sont, à chaque fois, à la télé, accompagnée d'un bandeau qui indique qu'il faut manger trois légumes et trois fruits par jour. C'est un excellent conseil. Pour autant que l'on ne perde pas de vue qu'ils sont bourrés à fortes doses de pesticides et autres substances hautement toxiques. L'air que nous respirons ne vaut guère mieux et des enquêtes récentes et concordantes montrent que 25 à 40 % des décès dans le monde dit civilisé sont dût à notre environnement, au sens le plus large. Je vais donc me décider à manger les trois petites poires de chez Paul avant qu'elles ne se transforment en compote à l'insu de leur plein gré, c'est toujours ça de pris. De toute manière, aliment ceci ou cela, au bout du compte, il faudra bien en passer par notre dernière heure. Bien sûr, il est préférable de mourir en bonne santé que très malade mais n'en faisons pas toute une affaire, non plus. Vivre, c'est, chaque jour qui passe, mourir un peu. En attendant, soyons légers; buvons, rions, chantons et, surtout, aimons. C'est, selon moi, la meilleure alimentation qui soit...


19 octobre 2008

Vous en penserez ce que vous voulez mais, pour ma part, j'ai toujours eu un faible pour le cinéma de Monsieur Spielberg. E.T m'a ému aux larmes, les rencontres du troisième type font partie de mon univers fantasmagorique et, l'autre soir, à la télé (on a le cinéma qu'on peut certains jours et à certaines heures) je me suis régalé de la version Spielbergienne de la guerre des mondes. Et, petit détail en passant, trois nuits après, j'ai fait un rêve extraordinaire où j'ai assisté et même failli être victime d'une apocalyptique attaque de vaisseaux gigantesques venu d'ailleurs. Avec pluie de grelons de métal en fusion, oiseaux de métal aux ailes tranchantes hachant menu les viandes humaines et autres incendies à tous les horizons. Difficile, bien évidemment, d'échapper à la tentation de voir dans ce cauchemar comme dans certaines scènes de la guerre des mondes, la préfiguration de ce qui nous attends peut-être dans les semaines et les mois à venir; et qui n'aurait rien à voir avec la science fiction ni les rêves. Je ne vais pas vous faire l'affront de vous informer de ce que nous vivons des temps troublés, à commencer pour ceux qui ont pendant trop longtemps tenu le haut du pavé avec l'assurance et l'arrogance que l'on sait et qui, tout à coup, pour des raisons qui échappent aux communs des mortels, se retrouvent aujourd'hui dans une sacrée panade. Je vais peut-être vous choquer mais tant pis, toute ces affaires de faillites bancaires, de dégringolades des bourses, de la ruine qui guette les agioteurs, manipulateurs d'argent et autres filous en costumes trois pièces qui jouent sur la misère du monde pour se remplir les poches, qu'ils ont très profondes, tout cela me réjouis grandement. Cette débandade montre en effet à quel point la sience économique n'est une science que pour ceux qui en détiennent les misérables petites astuces et sordides calculs. Lesquels s'avèrent soudainement parfaitement inadéquats aux buts que poursuivaient les propriétaires du monde et qui consistaient dans la prétention à mettre sous la coupe du mythique marché la totalité de ce qui existe. Il apparaît bien clairement que cette prétention est universellemnt battue en brèche et que les flots d'insanités répandues partout pour tenter de justifier des mesures à prendre se heurtent à une réalité qui prend chaque jour qui passe des allures de colossale plaisanterie. Car enfin, si les recettes des spécialites dans la manière de s'enrichir font faillite partout, il serait tout de même cocasse et bien mal avisé que de compter sur eux pour remédier à l'état des choses présent. Et que les états redeviennent subitement partie prenante dans cette affaire avec l'approbation émue des gangsters désargentés ne doit pas nous bercer de la moindre illusion. Si les choses en venaient à s'arranger, on les verrait reprendre avec allégresse leur sale boulot et spéculer à tout va sur tout ce qui peut l'être. Mais en vérité, il apparaît bien que la faillite de l'odieux système est bien plus profonde que ce qu'en disent les innombrables spécialistes chargés de nous expliquer doctement de quoi il retourne. Nous assistons peut-être aux derniers soubresauts de cet animal féroce au delà de toute expression. Et alors, une chance peut-être saisie de passer à tout autre chose, de voir s'ouvrir des perspectives proprement inouïes et aujourd'hui impensables. Peut-être, tout aussi bien, allons nous en passer par une longue période de troubles de toutes sortes qui toucheront nos manières de penser, d'échanger, de vivre, enfin. Nous sommes, peut-être, encore, à un tournant décisif, comparable à celui qui voit advenir de nouvelles formes de civilisation dont l'Histoire montre tant d'exemples. D'où viendra l'étincelle de ce gigantesque bouleversement, quels incendies provoquera-t-elle ou non, il serait bien présomptueux de prétendre le savoir. Comme dans les livres et au cinéma: ceci est, maintenant, une autre histoire...


5 octobre 2008

Il y en a tout de même qui ont le talent pour vous mettre le nez dedans. Je pense à ce jeune metteur en scène allemand, Florian von Donnersmarck, auteur de cette sombre et édifiante histoire, «La vie des autres» qu'Arte rediffusait l'autre soir. J'avais stupidement manqué ce film au moment de sa sortie et je me félicite de ce que la chaîne franco-allemande ait eu la bonne idée de le programmer au moment où je me trouvais dans les meilleures dispositions pour en apprécier toute la portée. Pour rappel et brièvement, l'action se passe au début des années quatre-vingt, quand le bloc est-européen était encore sous la coupe de l'Empire soviétique et que l'allemagne orientale était, comme les autres alliés de Moscou, soumise à un régime et une caste, celle du parti communiste, qui défendait ses prérogatives et un prétendu socialisme avec le meilleur moyen qui soit, une police politique - la tristement célèbre Stasi. Laquelle avait pour mission de mettre rigoureusement au pas toute forme de contestation, d'où qu'elle vienne. En l'occurrence, ici, c'est le milieu du théatre, un auteur en particulier et sa compagne, comédienne, qui sont, sur ordre du ministre de la culture officielle, placé sous surveillance avec tous les moyens techniques que cette époque permettait et qui étaient déjà d'une redoutable efficacité. Qu'il soit vraisemblable ou non qu'un officier de la Stasi, en l'occurrence le capitaine Gerd Wiesler, ait pu se prendre de compassion pour le couple qu'il était chargé d'espionner et aller jusqu'à falsifier les rapports destinés à ses supérieurs n'entre pas en ligne de compte. La leçon de ce film, selon moi, est à trouver dans les faits qu'il dénonce et que, naïvement, vous pourriez penser qu'ils ne sont que de ce temps et de ces contrées. Le sénat romain avait ses délateurs, qui signalaient à l'Empereur les agissements des intrigants qui menacaient son autorité et son prestige, les royaumes de France avaient leur police et leurs mouchards, Napoléon était servi avec abnégation et redoutable efficacité par le sombre Joseph Foucher, le sinistre Béria avait instiué la gépéou sur ordre de Staline et le régime nazi la gestapo, dont nombre d'officiers rescapés de la débâcle du troisième Reich se retrouvèrent dans la stasi. Tout état constitué, tout régime politique qu'il soit autoproclamé démocratique ou non, a pour ambition de durer et cette ambition se traduit par la mise en place d'une foule de services et de structures de coercition plus ou moins officielles qui tous poursuivent un même objectif: faire taire et au besoin éliminer de mille façons toute forme de remise en cause d'un état des choses qui se berce de l'illusion de durer toujours. Et si les méthodes divergent quelques fois, si d'une époque à l'autre les moyens mis en oeuvre sont plus rigoureux et se transforment en terreur, le but reste le même et se traduit par la même et universelle volonté de tenir les foules sous une suspicion permanente. Pour le dire autrement, le vulgum pecus, le vulgaire n'a pas à mettre son nez dans les affaires des états, les élus ou les tyrans n'ont de compte à rendre qu'à eux mêmes. Au reste, la marche du monde est entre les mains du marché, ce fantôme commode et capricieux dans l'ombre duquel des hommes de chair et de sang s'adonnent à la folie de l'argent. Et cela au risque de faire sauter la planète, de la mettre à feu et à sang, ou de la laisser aller à l'empoisonnement généralisé, elle et ses malheureux milliards de zombis gagnés par la même fièvre de l'expansion infinie dont se rengorgent les managers et les classes politiques, toutes tendances confondues. Mais finissons par une note plaisante: il a neigé sur mars, nous apprend-t-on. Qu'on y expédie donc les parachutés dorés faire du ski. Et qu'on en soit débarrassé...


28 septembre 2008

Pour une bonne nouvelle, c'est une bonne nouvelle ! Je dirais même plus, c'est une nouvelle qui éclipse toutes les autres, en ce vendredi d'après enregistrement de l'émission et de mon billet hebdomadaire. C'est par le truchement d'une gazette bruxelloise bien connue pour son sérieux que cette information m'est tombée sous les yeux et je me réjouis de ne pas l'avoir manquée. Figurez vous qu'un certain Alexis Lavillat, réalisateur de son état, a eu la très ecellentissime idée de faire bouger le cher Gaston Lagaffe, ce qui est une entreprise qui demande une fameuse dose de patience et de talent. En un mot comme en cent, on va pouvoir suivre, dès la rentrée prochaine et sur France 3, la diffusion des premiers gags de ce sympathique garçon de bureau, né de la féconde et même, en l'occurrence, géniale imagination de ce grand, talentueux et regretté André Frankin. Ah ! Gaston ! Que je vous raconte une histoire absolument authentique dont je n'ai la preuve que dans mes lointains souvenirs, les petits camarades de classe de ce temps là s'étant à peu près tous dispersés dans la nature, depuis le temps. C'était à la fin des années cinquante, 58, 59, je ne sais plus très bien. Je fréquentais alors la prestigieuse école d'hôtellerie de Liège, caressant avec Serge Baumans, condisciple de mes glorieuses études primaires, que je croise encore de loin en loin, le rêve de longs et aventureux voyages à bord de bateaux sillonnant les mers, en qualité de cuistot. Dois-je préciser que je n'ai mis les pieds sur un bateau qu'une seule fois, vers mes huit ans, avec maman, enceinte de ma petite soeur Simone, rejetant à la mer le potage à la tomate ingurgité un peu avant cette grande aventure à bord de ce chalutier qui tanguait et roulait au milieu des flots impétueux. Comme toute école hôtellière digne de ce nom, nous avions droit à de luxueux vestiaires, sous le niveau de la mer et je nous revoit, toute la classe, collant sur les armoires métalliques d'un vert douteux, les effigies patiemment dessinées et coloriées du héros qui venait tout juste de faire son entrée dans les pages du journal de Spirou. Non seulement, nous affichions le portrait de la nouvelle idole mais, en plus, nous scandions son nom sur l'air des lampions, comme on dit. Une manifestation spontanée, si vous voulez «Gaston ! Gaston ! Gaston !»... C'est dire combien le personnage en espadrilles et pull informe avait frappé nos jeunes et déjà pré-soixante-huitardes imaginations. Il faut se souvenir que l'époque était rien moins que très conformiste, les professeurs austères et les élèves respectueux de l'autorité. Nos parents travaillaient à la future société d'abondance de tout et de n'importe quoi, De Gaulle venait de revenir aux affaires et l'exposition universelle de fermer ses portes et puis voilà que surgissait cette silhouette maigrichonne, qui traînait les pieds, accumulait les gaffes en tous genres, s'endormait à son bureau plutôt que de se crever à des tâches ingrates et, à sa manière, tendre et pacifique, défiait insollemment les conventions en vigueur partout. Et si les Marcuse, Marx, Lefèbvre et autres Debord ont eu une influence certaine sur des évènements dont on n'a pas fini de parler, nul doute que Gaston Lagaffe porte aussi, à sa façon, une part de joyeuse responsabilité dans la naissance d'un mouvement de remise en cause de ce qui se voulait impérissable. Et si ces années étaient tout empreintes de plat conformisme, les choses n'ont, hélas, guère changés et tout reste encore à faire pour dénoncer les futiles et mornes performances, la morgue, la suffisance et la bêtise des prétendus modèles dont notre belle jeunesse est invitée à suivre l'exemple. Puisse les prochaines images animées de cet impérissable héros donner de vilaines et rigolotes idées aux générations futures autant qu'à ceux qui, à l'instar de votre serviteur, ont définitivement jugé cette époque nauséabonde.


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(Je l'avais laissée filer, celle-là. Ca ne vous ennuie pas qu'elle ne soit pas à la bonne place ?)

8 décembre 2007

Vous connaissez la dernière ? Il y a un type, au Ministère Wallon de l'équipement et de je ne sais plus quoi qui s'est mis en tête de vouloir supprimer les bonnes vieilles baraques à frites que l'on trouve sur les petites routes de la campagne de chez nous, au motif qu'elles représenteraient un danger pour la circulation. C'est lundi dernier, en prenant l'apéro et en feuilletant la gazette locale que cette nouvelle m'est tombée sous les yeux et je ne doute pas un seul instant que vous en mesurez, là tout de suite, toute l'importance voire même le caractère proprement historique. Force est bien de reconnaître les risques majeurs auxquels les malheureux automobilistes sont confrontés aux alentours de ces lieux, d'où s'échappent les effluves de frites plongées dans la graisse chauffée à environ 180 degrés, effluves qui vont sans vergogne se loger dans les fosses nasales des conducteurs de 4x4 ou de modestes berlines brinquebalantes, sans parler de celles des femmes et des enfants d'abord, qui se mettent à réclamer leurs cornets de frites mayonnaise à corps et à cris. Vous imaginez sans peine le coup de frein brutal, la marche arrière intempestive, quand ce n'est pas le dérapage sur flaque de sauce tartare inopinément répandue sur la chaussée par un touriste hollandais distrait par la beauté du paysage. Donc, les baraques à frites, fini, terminé, rayées de la carte; silence le petit peuple, tout ça c'est pour votre bien, votre sécurité, votre santé et votre intégrité physique. Remarquez, je n'ai rien contre le fait que l'état et les gouvernements locaux se soucient du bien-être des citoyens que nous sommes et que, dans ce but, tel ou tel responsable prenne sur lui d'aménager au mieux l'environnement par nature hostile qui est le nôtre. Et que des lois, des décrets, des directives soient mis en oeuvre pour garantir une relative harmonie dans les rapports que nous entretenons les uns avec les autres, me paraît aller de soi. Le problème, car problème il y a, c'est que les bonnes intentions de quelques-uns, les réelles innovations des autres se voient imanquablement transformées en leur contraire dès lors que survient un changement notable dans la composition des assemblées. Un ministre a voulu ceci et l'a obtenu, le suivant, d'un autre parti et pour de nouvelles raisons, défait ce qui était acquis et à quoi on s'était résigné et met en chantier une autre réforme. C'est ainsi que, de changements en changements, de disputes en chamailleries, d'avancées en reculades dans à peu près tous les secteurs de la vie publique et privée, on en arrive à voir des majorités chahutées, des gouvernements perdre la confiance des citoyens, des crises de plus en plus aiguës ronger les fondements des simples habitudes et coutumes qui, jusque là, faisaient l'affaire du plus grand nombre. Mais le plus grave, on peut le constater aujourd'hui, c'est quand la sphère politique et ses représentants se voient désavoués et perdre tout crédit aux yeux de ceux qui les avaient élus. Devant l'impéritie des uns et des autres, de quelque sensibilité qu'ils se réclament et à de très rares exceptions près, il est de plus en plus manifeste que les néo-citoyens de ce pays en sont aujourd'hui à considérer que l'on se moque d'eux. Et que la colère, larvée encore et diversement exprimée, est bel et bien là. Et elle peut s'avérer bien plus dangereuse, pour tous les pouvoirs, que la lassitude ou le désenchantement. A Louis le seizième, inquiet des troubles dans Paris et qui se demandait s'il s'agissait d'une révolte, il fut répondu: non, Sire, c'est une révolution. Le même Louis Capet notait dans son journal, le 14 juillet 1789, jour où fut prise la Bastille: aujourd'hui, rien.



21 septembre 2008

Quand je disais, l'autre dimanche, que le cinéma était le reflet de la vie et de l'époque, ce n'était pas là paroles présomptueuses ni péremptoires et j'ai d'ailleurs encore pu le vérifier en allant voir ce délicieux film qu'est «Happy go lucky» du britannique Mike Leigh. Traduction approximative du titre: «C'est pas toujours évident, la vie, mais bon, autant s'accrocher et prendre les choses du bon côté». Ceci étant ma traduction et pas celle d'un spécialiste de la langue de Shakespeare, faut-il que je le précise. L'héroïne de cette charmante histoire, c'est Pauline, que l'on appelle Poppy – ce qui veut dire coquelicot – qui fait profession d'instutrice, qui vit avec sa colocataire, Zoé et mène sa vie avec un optimisme désarmant et une bonne humeur comunicative. Encore que. Il y en a qui n'apprécient pas, vous pourrez le vérifier en allant voir ce film, que je vous conseille. Je n'en dirais pas plus, sauf qu'il s'agit d'une comédie sans prétention avec des personnages tout ce qu'il y a de parfaitement banal; vous pourriez rencontrer Pauline ou sa jeune soeur ou Zoé, à Londres ou dans n'importe quelle autre grande ville. Et c'est bien là pourquoi je vous rappelait, en commençant ce billet, la phrase de l'autre jour. J'aime assez, voyez vous, les gens ordinaires, ceux qui ne font pas de vagues, qui ne pète pas plus haut que leur cul, qui vont tranquillement et sans éclats particuliers, leur vie, leurs passions discrètes, leurs amitiés et leurs amours. J'aime celles et ceux qui font face à l'infortune avec courage et savent saluer et accueillir les brumes légères et fugaces des joies qui leur viennent de ce qui est important à leurs yeux. J'en ai rencontré et connus des ces femmes et de ces hommes qui ont le sourire et le rire faciles, que la vue d'un beau nuage émerveillent, qu'une chansonnette ou un quintet de Schubert enchantent. Celles-là et ces autres, qui sont passés dans ma vie, qui y ont encore leur place, je n'ai pu et je ne peux les aimer que parce qu'en eux, j'ai reconnu cette part de moi-même que je persiste à croire présente en chacun de nous. Il se fait seulement que, pour certains, les circonstances et les accidents, les drames de l'enfance, l'inégale répartition de la chance ou de l'occasion, vivre est devenu un jour cette douleur et cette grande et harrassante épreuve. J'en sais qui luttent contre de vieux démons grimaçants et ricanants, des souvenirs d'anciennes et irréparables blessures qui saignent encore et ne se refermeront peut-être jamais. Nous naissons, paraît-il, égaux en droit. Et libres. Mais il est communément admis que d'aucuns sont plus égaux que d'autres; les armes et les arguments que nous donne la naissance ne sont pas les mêmes pour tous. Quant à la liberté... ici, comme ailleurs, il y en a qui sont plus libres que d'autres. Des chaînes invisibles entravent ceux là que le hasard a fait naître dans ce milieu plutôt qu'en un autre. Et, du reste, qu'est-ce que cette liberté strictement formelle dont on ne peut faire l'usage que dans le cadre des conventions et des interdits que la structure d'état installe avec de plus en plus de rigueur ? De tout cela, Poppy s'en balance. Elle va et chantonne, sourit à tout le monde, va son chemin en gambadant, jolie fleur têtue et un rien rebelle qui ne voit pas les caméras de surveillance aux carrefours de la grande ville. Mais qui aurait l'idée de surveiller la délicieuse créature ? Comme vous comme pour moi et des millions d'autres, elle ne présente aucun des troubles qui peuvent être reconnus comme présentant le moindre danger pour la si parfaite et rigoureuse harmonie universelle. Et il est, peut-être, hélas, désormais impossible de lui échapper. Nous allons devoir donc vivre encore sous son empire. Et faire bonne figure. Et rire et se réjouir de la douceur des amitiés qui nous sont offertes. Et puis, plus tard, un jour, tirer sa révérence. Et laisser là la beauté des choses... les souvenirs des sourires, des battements de coeur, des tendres étreintes qui mettaient du soleil au plus profond de l'âme.

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mardi 10 mars 2009

14 septembre 2008

Il n'y a pas si longtemps, le cinéma d'animation – on disait «dessins animés» - était tout entier réservé aux jeunes enfants que les parents emmenaient au cinéma pour suivre les aventures de Mickey Mouse, Donald Duck, Cendrillon et autre Bamby. Les choses ont bien changés. Les techniques d'animation, pour commencer, où l'ordinateur a remplacé les dessinateurs qui, image par image, sur des cellophanes, traçaient et coloriaient des millions de figures et de décors. Les histoires, les thèmes et les héros, ensuite, qui se sont vu assigner des rôles plus en rapport avec les préoccupations des adultes en même temps que celles de l'époque. C'est ainsi que, suivant en cela les critiques élogieuses venant de partout, je me suis décidé à aller suivre, sur grand écran et dans le superbe et tout neuf cinéma «Sauvenière», à Liège, les aventures futuristes de ce charmant petit robot, Wall E dont, sûrement, vous avez entendu parler. En deux mots et histoire d'en informer ceux qui n'auraient pas fait le déplacement, l'histoire se passe dans un monde désolé d'où toute trace d'humanité a disparu; et où l'on voit ce petit assemblage de mécanique et d'électronique, s'affairer inlassablement à la tâche qui lui est dévolue depuis sept-cents ans et qui consiste dans le ramassage et le stockage de millions de tonnes de détrituts de toutes sortes, laissés là à la suite dont on ne sait quel universel cataclysme. Les décors plantés là, sinistrements grandioses, il est loin d'être exclu que nos proches descendants sinon nous même, n'en découvrions l'épouvantable étendue. Il va s'en falloir de peu. Les alertes et les mises en garde n'ont pourtant pas manqué, ces dernières années. A chaque rapport alarmant des scientifiques et des experts en climatologie, la presse, sous toutes ses formes, y va de titres tapageurs, d'articles et d'analyses, de prospectives et de possibles et hypothétiques solutions à un état de fait catastrophique. Et puis, passée l'émotion de la première heure, les inquiétudes qui se font jour et dont on parle à l'arrêt de l'autobus, les déclarations et les vagues engagements de quelques-uns des représentants du peuple, le soufflé retombe sagement et l'on passe à autre chose. Certes, on organise bien, ça et là, de grandes messes médiatiques, où l'on donne la parole à quelques experts, où l'on promet de prendre les problèmes à bras le corps et de décider d'énergiques mesures, qui s'avèrent être comme de piteuses emplâtres sur un organisme dévoré par le cancer. En attendant, tous, peu ou prou, nous allons nos vies banales et sans éclats. Il y a, n'est-ce pas, déjà tant à faire pour affronter les petits et grands soucis du quotidien et, chacun à notre manière, nous faisons bonne figure, malgré tout. Nous allons chez des amis, nous mangeons et buvons, de beaux éclats de rire éclairent la nuit, on se surprend à être heureux de ces moments où la chaleur des retrouvailles fait briller les yeux et chanter les coeurs. Et puis aussi, la saison offre encore de beaux soirs avec leur majestueux cortèges de nuages, on peut encore flâner au jardin, se risquer à l'une ou l'autre promenade pour s'assurer de ce que l'herbe et le feuillage des arbres sont encore verts et que des oiseaux chantent encore dans les sous-bois. Empoisonnée de mille façons, la nature offre encore son visage rassurant et l'illusion tient encore la rampe, de même que les illusions que l'époque entretient encore sur elle-même, vaille que vaille et qui garantissent que la servitude ne risque pas d'être remise en cause. Ce n'est que «l'accumulation de détails, et qui sont tout sauf des détails» qui font l'existence quotidienne de tous, ainsi que l'écrivait Siegfried Kracauer en 1929, qui ajoutait «Il faut se défaire de l'idée chimérique que ce sont les grands évènements qui déterminent les hommes pour l'essentiel». Heureux, donc, celles et ceux qui, à la nuit tombée, prient en silence devant leurs jardins embaumés...


14 septembre 2008

lundi 9 mars 2009

7 septembre 2008

Il se trouve que, dernièrement, je me suis vu bien installé dans mon misérable canapé, martyrisé par les griffes de mes chats, à suivre, sur le petit écran, avec émerveillement, ce film tout à fait à part qui porte ce titre: «Le filmeur», dont j'estime devoir vous parler au moment où, j'ose l'espérer, vous êtes tout de même quelques-unes et quelques-uns à être à l'écoute de cette émission, nouvelle manière et nouvel emplacement sur la grille de notre chaîne bien-aimée. Fin de la digression, revenons-en à Alain Cavalier et à cet objet filmé non identifié. Précision qui a son importance, Cavalier fut, dans sa jeunesse et son âge mûr un fort bon réalisateur; il a tourné «L'Insoumi», en 63, «La chamade», plus tard, d'après le roman de Françoise Sagan, entre-autres très honorables productions. Il a donc fait du cinéma de manière tout à fait orthodoxe, avec grosse caméra, équipe de tournage au grand complet, acteurs choisis, scénario, dialogue et montage. Et puis un jour, tout simplement, il en a eu marre de tout ce fatras qu'il a joyeusement balancé et, profitant de l'arrivée des mini caméras digitales, il s'est mis à son nouvel ouvrage. Ce faisant il a réalisé, dans une certaine mesure, un de mes vieux phantasmes, auquel, il y a bien longtemps, j'ai, ici même, consacré une chronique. Pour rappel, ce phantasme consiste dans l'hypothèse qu'un appareillage électronique soit relié à mes yeux, permettant l'enregistrement en continu de tout ce qui tomberait sous mes regards et, cela, jusqu'à la fin de la fragile existence qui est la mienne. Un peu de la même façon, Cavalier, déclenche son minuscule appareil de prise de vues au gré des circonstances, des lieux, des moments et de ses envies. Pour le dire simplement, sa démarche tient de la rédaction d'un journal intime, dans lequel il note les faits les plus marquants comme les plus anodins auxquels il est confronté quotidiennement. Il y a, dans cette démarche, qui est le fruit de plusieurs années de travail, un peu de ce très Montanien «retour à soi» que justifie amplement l'état de plus en plus navrant du monde dans lequel nous avons été jeté par pur hasard ou aveugle nécessité. Il se trouve, selon moi, autant de très bonnes raisons de filmer la bien aimée dormant dans la pénombre d'une chambre douillette, la mère vieillissante chantant à tue-tête, un chat assoupi à l'entrée d'un jardin, quand ce n'est pas la dépouille mortelle du père baignant dans une lumière blafarde, plutôt que les improbables aventures de personnages nés de l'imagination de scénaristes diversement inspirés. Ne vous méprenez pas, je n'ai rien contre le cinéma d'auteur, bien au contraire, il m'a bien souvent enchanté ou enthousiasmé, comme il m'a tout aussi souvent déçu, énervé ou profondément ennuyé. Le cinéma, expression la plus élaborée de l'art de la réprésentation, incomparable machinerie au service du rêve, de la poésie, de la petite et de la grande histoire est, en même temps, le reflet d'une époque, la nôtre, qui sera peut-être la dernière que l'humanité aura à vivre sur cette terre irrémédiablement vouée à l'exctinction. De là, sans doute, la légéreté, la gaudriole, les paillettes et les chansons, les comédies en tous genres, l'adulation dont sont l'objet les vedettes du spectacle de la réussite et, en même temps, sur d'autres registres, la mise en scène de l'autre versant du monde, où sont dénoncés, avec une bonne foi désarmante, les cruelles conditions de survie des paumés et des nouveaux pauvres, des clochards et des désoeuvrés. De mille façons, le cinéma nous dit le monde. Et nos mondes à nous sont noyés dans la cohue et le vacarme ambiant. Que celui-ci nous offre sa vie en partage et que nous puissions, ne serait-ce qu'un peu, nous y reconnaître et la partager, me semble être une belle manière de résister à la désespérance et à la lassitude d'être. Ici et nulle-part ailleurs.



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28 juin 2008

Je suis un petit peu embêté, là. C'est que, voyez vous, au milieu des explosions de joie de telle ou telle communauté à l'occasion de la victoire de l'une ou l'autre équipe dans l'actuel championnat de foot, que je ne boude pas, il se passe aussi des choses qui ne sentent décidément pas très bon. Je pense à la mise à l'ombre de ces gens, ex-militants et sympathisants d'une cause à mes yeux perdue, au motif qu'ils auraient eu des contacts avec des membres d'une association terroriste italienne. Que les choses soient claires monsieur le fonctionnaire de la sûreté qui m'écoutez peut-être je n'ai aucune sympathie pour les mouvements de libération de quoi que ce soit, je réprouve résolument l'action violente sous toutes ses formes et, surtout, je ne supporte absolument pas que le premier révolutionnaire venu prétende agir au nom du peuple en général et du mien en particulier. Donc, s'il vous plaît, ne venez pas me réveiller lundi matin avec vos sections d'assaut comme au cinéma. D'ailleurs, la sonnette ne marche plus à mon premier étage et je risque fort, déficient auditif que je suis, de ne pas entendre le vacarme de la porte d'en bas défoncée à coup de je ne sais quel objet contondant. Ce que je ne supporte pas non plus, je peux bien vous le confier, monsieur le fonctionnaire de la sûreté de l'état, c'est la légèreté avec laquelle sont taxés de terrorisme ceux qui, c'est bien leur droit, tout de même, manifestent leurs convictions et leur engagement dans le cadre de la lutte de classes qui, selon moi, reste tout à fait d'actualité quoi que puisse en dire Madame Milquet à la télévision. Certes, je ne peux que trouver bien obsolète la phraséologie de certains en cette matière, je le répète, je ne partage en aucune manière leurs modes d'action passés, cela ne m'empêche pas d'éprouver pour eux, au moins un sentiment de sympathie. Cela dit, j'ai, en outre, la désagréable impression que ce fameux et bien vague terrorisme dont les journaux nous assurent qu'il fait peser sur notre tranquillité de graves menaces, est aussi bien un excellent repoussoir et qu'il tombe à pic. On se souviendra de la mise en alerte de certaines forces de police, il y a quelques mois, sensée dissuader de sombres et mystérieux comploteurs, au moment où la situation politique intérieure en était au sommet de l'absurdité et que des voix commencaient à s'élever un peu partout pour dire que la comédie n'avait que trop duré. Pour le coup, la prétendue menace n'a semblé émouvoir que ceux qui nous assurait de sa réalité et de son imminence alors que le bon peuple continuait de vaquer à ces mesquines et vaines occupations que sont le travail et la dilapidation du pouvoir d'achat qu'il permet. Plus visiblement que jamais, cette époque est sordide, cruelle et loufoque, le monde de l'argent-roi et du commerce est peut-être ce qui est arrivé de pire dans l'histoire de cette pauvre chose hébétée qu'est devenue l'humanité de ce côté-ci du globe et enfin, oui, il est parfaitement licite que d'aucuns et moi avec, s'insurgent contre cela et le fassent savoir. Ces gens ont au moins le courage de leurs convictions et de leur engagement et ils le paie chèrement. Mais enfin... les vacances sont toutes proches pour beaucoup; je vais encore bien m'amuser de voir les aéroports pris d'assaut par des foules d'inconscients et les avions en retard, les bouchons géants sur les autoroutes et autres manifestations du génie propre à notre race. J'irai, quant à moi, un peu à la campagne, mon pas tranquille et nonchalant me mènera auprès de celle que j'aime par dessus-tout et qui sait si bien m'accueillir: la tendre, douce et apaisante Nature.







21 juin 2008

Mercredi dernier, sur le coup de 13H., je n'avais toujours pas écrit le moindre petit morceau de mot, pas la plus petite syllabe de cette chronique. Alors qu'en règle générale, dès le dimanche ou, au plus tard, dans la matinée de lundi, une petite idée me vient qui me permets d'en commencer la rédaction. Aïe, me dis-je, en mon fort antérieur, va falloir s'y mettre, sinon on va encore cavaler toute la nuit de jeudi pour être fin prêt le lendemain à affronter le micro dans des conditions plus ou moins décentes. Le problème, c'est que, en général et même en particulier, 13H; pour moi, c'est l'heure de la sieste à laquelle je m'adonne avec délectation depuis que, l'âge venant, mes obligations envers l'économie et la production se sont considérablement et fort heureusement réduites. J'étais donc placé devant un insoluble dilemne et il me fallait trancher. Ce que je fis, sans aucune hésitation, en me jetant sur ce qui me sert de divan en ayant pris soin, préalablement, d'ôter des orifices qui se trouvent à gauche et à droite de ma belle et gentille petite tête, les appareils qui, depuis plus d'un an maintenant, me permetttent de mieux suivre les conversations, que j'y sois mêlé ou non et d'apprécier le vacarme de la circulation, dans mon quartier et ailleurs. Au reste, loin du bruit des moteurs de toutes sortes, lors de mes promenades dans les campagnes, ces astucieux produits de la technique moderne, me donnent l'occasion d'apprécier bien mieux qu'auparavant, le chants des oiseaux et le souffle léger du vent dans les feuilles. En passant, cette charmante anecdote, qu'il me plaît de vous conter. J'étais dans un autobus qui va de mon quartier à la ville où je me rendais pour de fort bonnes raisons. Le véhicule public était plein d'une charmante kirielle de tout jeunes enfants et juste en face de moi, un petit garçon en ciré jaune, qui me regardait avec la touchante insistance de son jeune âge. A un moment, il me demande “C'est quoi que tu as dans les oreilles, Monsieur ?” ce à quoi je réponds, “C'est pour mieux t'entendre, mon petit”. Silence de quelques secondes et puis le bambin, intrigué: “Et ça te fais pas mal ?”... Vous pensez bien que j'ai eu un large sourire et que je me suis empressé de rassurer le charmant garconnet que j'ai laissé à ses graves questions sur la vie des grandes personnes. Lesquelles grandes personnes, par les temps qui courent, sont de plus en plus nombreuses à organiser des rassemblements de toutes sortes pour protester contre ceci ou cela. Et, justement, pendant que, allongé dans la pénombre de ce qui me tient lieu de salon et de bureau, j'attendais que Morphée veuille bien faire un peu attention à moi, j'ai eu une pensée pour les camionneurs et les producteurs de lait qui, à la même heure, parcouraient les grandes avenues de la capitale, les uns au volant de leur bahu, les autres, montés sur leurs tracteurs. Je me suis endormi avec en tête des images de chaos et de pagaille monstre, de gigantesques bouchons, de face à face entre camions et auto-pompes des forces de police, de hordes paysannes armées de fourches et de faux affrontant les défenseurs de la paix publique au milieu des nuages de gaz lacrymogène. Au réveil, une petite heure plus tard, faisant une rapide revue de presse via internet, j'appris que, contrairement aux sombres prévisions, les choses s'étaient plutôt bien passées et qu'on ne déplorait aucun incident notoire à l'issue de ce curieux rassemblement motorisé. Oserais-je dire ici que les temps ont bien changés et que je le déplore ? Oui, j'ose. Et j'ajoute qu'il n'est pas très audacieux ni bien original de manifester en faisant vroum vroum bien à l'abri de la juste réprobation des honnêtes gens qui font vroum vroum au volant de leurs automobiles. On ne le dira jamais assez: on vit une époque formidable, hein, Léon ?




14 juin 2008

C'est pas pour cafter, mais je n'ai pas vu les frères Dardennes, l'autre lundi, à la manif'... Remarquez, il se peut aussi que, vu l'affluence et considérant, par ailleurs, leur proverbiale modestie, ils se soient volontairement fondus dans la foule. D'un autre côté, on peut imaginer qu'ils avaient à faire ailleurs - cela dit sans jeu de mots – ce qui est bien naturel quand il s'agit de promouvoir un dernier film ou, pourquoi pas, d'en être déjà à la préparation du prochain. Cela dit, si je n'ai pas eu la chance de croiser les deux frangins et de prendre une bière avec eux, c'est que moi, j'y étais, à cette manif', vous l'aurez compris. Il y en a, autour de moi, qui gentiment me taquinent à cause de cela, s'en allant prétendre que, par ma présence, j'ai pu cautionner des revendications qui sont à mille lieues de mes préoccupations et de mes choix. Car, bien entendu, d'une part, il me semble absolument légitime que les premiers concernés par les très réelles difficultés de l'heure descendent dans la rue, j'ai même envie de dire qu'il était temps mais, d'autre part aussi, je ne me cache pas que pour certains, cette affaire de pouvoir d'achat n'est préoccupante que dans la mesure ou elle touche à ce que je tiens pour parfaitement dérisoire. Je veux dire, cette folle et vaine course à la nouveauté sous toutes ses formes qui entraîne les mêmes à désirer toujours plus et n'importe quoi. Les écrans plats géants, la nouvelle bagnole, l'avion pour aller se brûler la peau à Ibiza ou plus loin encore, le luxe de pacotille des boutiques à la mode, toutes choses qui me sont parfaitement étrangères et que je regarde comme tout aussi parfaitement méprisables, dois-je y insister. Maintenant, pour en revenir à la légitimité des rassemblements de cette semaine, elle me paraît indiscutable dans la mesure où, quoi qu'on puisse en avoir, il apparaît tout de même de plus en plus clairement que la crise que nous traversons depuis de longues années et qui n'est pas loin de son apogée, est bien plus profonde et pose beaucoup plus de questions que ce que les discours convenus des dirigeants syndicaux en laisse paraître. S'il était à la fois drôle et affligeant de voir des manifestants tirant et poussant une voiture au réservoir vide et allant se plaignant du coût de plus en plus exorbitant des carburants, il faudra aussi comprendre et intégrer le fait que, de mille manières, nos habitudes, les choix faits dans un proche passé devront, nécessairement, nous mener à une vaste et radicale remise en question de ce à quoi l'aveugle nécessité du commerce nous a jusqu'ici irrésistiblement façonné. Nous sommes, à cet égard, bien loin de voir se profiler, dans la pensée et les décisions politiques, la plus petite esquisse de réflexion un tant sois peu probante. On a vu ce qu'il en a été du “printemps de l'environnement” annoncé à grand renfort de réclame; on peut apprécier, chaque jour qui passe, l'indigence catastrophique de la plupart de nos responsables politiques, plus occupés à préparer les prochaines et peut-être ultimes échéances électorales de ce petit pays en voie de disparition qu'a réellement prendre en compte les alarmes qui montent de partout et se font de plus en plus pressantes. Il faudra bien que ce qui prétend contester l'ordre présent de ce monde, qui tourne de plus en plus de travers, comme le dis si justement une amie très chère, rompe radicalement avec les pensées convenues d'un autre temps. A défaut de quoi, il serait temps de s'en convaincre, ce que nous pouvons encore aimer dans le silence et le recueillement, le doux frémissement des feuilles, l'odeur des fleurs sauvages, le bourdonnement des insectes, les signes que tracent au ciel les oiseaux, ne seront un jour plus que mirages virtuels aux écrans de nos ordinateurs...






7 juin 2008

Je ne sais pas ce qui se passe en ce moment. Un bien étrange et ô combien réconfortant phénomène dont les raisons objectives m'échappent absolument et qui se manifeste depuis maintenant deux ou trois semaines, à intervalles irréguliers voire même parfaitement aléatoires. Je vais tâcher de vous expliquer, à l'aide d'exemples concrets. Bien. Par exemple, je marche dans une rue de mon quartier périphérique. Une dame vient dans ma direction, elle promène un tout petit chien de rien de tout, mignon et attendrissant vers lequel je baisse les yeux quand la dame arrive à ma hauteur. Sourire de la dame, sourire de moi et petit papotage à propos de l'animal, de son régime, de son âge et autres minuscules banalités. L'important, en l'occurrence, ce n'est pas cette conversation sans grand intérêt mais le fait qu'elle ait pu avoir lieu. Qu'il y ait eu ce regard premier, ce sourire, ce temps d'arrêt et cette disponibilité de l'un et de l'autre. Des petites histoires comme ça il m'en arrive quasi quotidiennement et, ce que je voulais dire, c'est qu'il me semblait qu'une telle fréquence n'était pas commune, qu'il me semblait voir, dans l'air du temps, un “je ne sais quoi” et des “presques riens” tout à fait inhabituels. Certes, vous me connaissez, j'ai une certaine tendance à déduire des évènements les plus infimes de vastes et formidables perspectives, d'imaginer que ces quelques moments pourraient être les prémisses du fameux bavardage universel que nous sommes quelques-uns à appeler de nos voeux. Je vais donc être très raisonnable et simplement constater qu'un sourire sur un visage et une entière disponibilité aux situations naissantes valent mieux qu'un visage renfrogné et que l'enfermement sur soi qui est, tout de même, la règle en ces temps troublés. Si vous êtes un temps soit peu attentif aux flots d'informations venant de partout, vous savez, comme moi que l'on se réunit beaucoup et partout en ce moment, pour tenter de remédier, dans l'extrême urgence, aux graves problèmes de pénurie alimentaire, à ceux, cruciaux, que pose le réchauffement du climat, à la crise pétrolière qui va augmentant des mécontentements divers; enfin, des chefs d'Etats, des experts en de nombreuses matières en sont à se pencher, semble-t-il enfin avec sérieux, sur les grands problèmes auxquels est confrontée l'ensemble de la population du globe. Oui, je comprends vos mines un tantinet tristounettes ou accablées, mes chers contemporains. Il n'y a pas de quoi pavoiser, c'est bien évident. Nous pouvons seulement espérer que la raison prendra, un jour prochain, peut-être, le pas sur les funestes et mortifères menées des princes et des petites mains de la finance, pour lesquels il n'y a ni raison, ni compassion, ni même la plus petite parcelle d'amitié qui puisse valoir. Et c'est bien, pourtant, au nom de l'amour du tout la vie, au nom de l'amitié et du respect que tout homme doit à son semblable, qu'il s'agit maintenant de rassembler, fédérer et réorienter les nécessaires décisions. Le temps des constats est passé, il faut agir et faire des choix sur le très long terme, au plus vite et universellement. Et pour le reste, ma foi... pour ce qu'il en est de nos si fragiles existences, cultivons nos émerveillements, sachons nous émouvoir encore, que rien ne nous éloigne de la beauté des choses, allons doucement et posément notre petit chemin; je ne vois pas d'autre alternative. Pour en terminer, je me dois de porter à votre connaissance que Jacques Laurent, ancien de la grande maison et ex-directeur de l'unité documentaires d'Arte, me fait remarquer que “La visite de la fanfare” a été en sélection officielle “un certain regard” à Cannes, en 2007 et a reçu de nombreux prix au festival de Berlin, en décembre de la même année. Je ne peux que m'en réjouir; et faire amende honorable de ma coupable légéreté en cette occurrence...




31 mai 2008

Cannes, c'est fini; rideau et félicitations aux heureux lauréats, belges et autres; je veux, moi en revenir à ce petit film de rien du tout même pas palmé et qui est passé sur nos écran bien moins longtemps que le film de Dany Boon et qui n'aura pas déplaçé autant de public ce que vous me permettrez de trouver regrettable. Je n'ai rien contre les ch'tis, bien au contraire et sûrement, j'irais voir cette histoire dont le succès doit bien avoir d'excellentes raisons à commencer par le fait que l'on rit beaucoup ce qui n'est pas pour me déplaire. Le petit film en question, c'est “La visite de la fanfare” de l'Israélien Eran Kolirin, avec une tout petite brochette d'acteurs qui, certainement, n'auront jamais le privilège insigne de gravir les marches du palais du Festival recouverte de tapis rouge mais qui, tous, nous donnent à déguster l'histoire parfaitement banale de cette fanfare de la police égyptienne, invitée à l'inauguration d'un centre culturel arabe dans un coin perdu de l'Etat Hébreux et qui, de déboires en minuscules contrariétés, se retrouve perdue et larguée dans ce qui n'est qu'à peine un village. Un village avec quelques habitants dont la tenancière de ce qui ressemble vaguement à un restaurant et qui tous, avec une gentillesse désarmante, se partage le soin d'offrir l'hospitalité à ces pauvres garçons en uniformes bleu-clair, eux même d'une touchante et fort bienvenue candeur. A se demander si l'on est bien dans ce petit pays, né il y a tout juste soixante ans et qui, depuis ce temps, si bref, finalement, est déchiré entre ses désirs de paix et de réconciliation avec ses proches voisins de Palestine et la réalité d'un conflit dont l'issue reste bien incertaine, traversé qu'il est par la violence, la crainte de l'autre et des millions de tonnes d'incompréhension et de méfiance. Ici, donc, dans ce petit bled, la guerre est bien loin, il n'y est pas fait allusion une seule fois et les ennemis d'hier se retrouvent à parler, manger, dormir et rire ensemble. Cette histoire est bourrée de tendresse, d'un humour tendre et complice et, pour ma part, je suis sorti de la petite salle verte du Churchill, le coeur tout chaviré et heureux de cette délicieuse et réconfortante rencontre. Un peu comme je garde au coeur d'autres chaleureuses rencontres à l'occasion des deux invitations auxquelles j'avais répondu dans l'après midi et la soirée de samedi, parmi lesquelles celles d'auditrices et d'auditeurs de notre émission jusqu'alors inconnus au bataillon avec lesquels il n' a fallu guère plus de deux minutes pour que s'installe ce trop rare “courant” qui passe comme par enchantement des uns aux autres, qui nous voit parler de tout et de rien dans un joli désordre, rire aux éclats et s'émouvoir, raconter un tas d'histoires, enfin, être ensemble aussi pleinement et résolument que l'on peut être aussi bien, seul avec soi-même, comme je l'ai été le lendemain, dimanche, au cours de la longue promenade que j'ai faite, l'esprit clair, les narines, les yeux et les oreilles aux aguets. Il y avait les senteurs suaves de robiniers en fleur, un merle tout en haut d'un bouleau qui chantait comme un fou, plus loin dans le ciel une buse tournait, partout alentour des feuillages dans toute la gamme des verts et, en moi, cette paix et cette sérénité qui me gagne dans ces moments-là. Vous dirais-je aussi comment mon coeur semble monter dans ma poitrine comme un petit mongolfière de chair et de sang, combien parfois il s'en faut que des larmes de pur bonheur me viennent aux paupières, à quel point la vie me paraît belle et chaude et le monde encore habitable, malgré tout. Et comme il serait plus beau encore, le monde, si toutes les femmes et tous les hommes pouvaient avoir le loisir comme ils devraient en avoir le droit, de se laisser aller de la sorte au fil de la beauté des choses et flâner et rêver...


31 mai 2008

24 mai 2008

J'avais très envie de vous parler de Cannes, de dire quelques mots à propos de Boulli Lanners et de son film, de vous parler un peu de cinéma, de celui que j'aime et qui me touche et puis, voilà, d'étranges circonstances sont venues qui ont complètement bouleversé mes projets. Il faut donc que je vous parle de cela. Samedi dernier, seul et bien peinard chez moi, lisant puis regardant je ne sais plus très bien quoi à la télé, la soirée s'écoule, je passe un peu de temps à l'ordinateur pour mettre à jour mon courrier et faire ma revue de presse quotidienne; et puis, sur le coup d'une heure du matin, je me décide à regagner ma chambre, je lis encore un peu, quelques pensées vagabondes s'en vont vers leurs destinataires, extinction des feux et le sommeil s'en vient. Huit heure du matin, je sort de ma léthargie, je descend à la cuisine, me prépare un café-chicorée soluble, allume une cigarette, jette un oeil à la fenêtre. Tout va bien. Les gens s'en viennent acheter les petits pains et les croissants du dimanche, il y a un beau soleil, les chats viennent me dire bonjour. Et puis, me voici pensant que, tiens, tout compte fait, je me remettrais bien un peu sous la couette, une heure ou deux, comme ça, seulement parce qu'il me semble que j'en ai besoin et juste envie, que c'est dimanche et que je n'ai aucun projet ni obgligation d'aucune sorte. Et donc, je rejoins ma chambre, m'installe dans mon lit à une place, je remonte la couette sous le menton, je me retourne sur le côté gauche, pour commencer et puis j'adopte ma position favorite: couché sur le ventre, les mains croisées sous la poitrine, et, en quelques minutes à peine, je me rendors. N'étant pas passé de vie à trépas, tout à fait comme à l'habitude, je me réveille, je regarde l'heure à l'horloge:20H15. J'ai redormis pendant presque dix heures. Stupeur, étonnement et même, je peux bien vous l'avouer, une crainte diffuse, un je ne sais quoi d'angoissant me gagne pendant que, pour être bien sûr de ne pas être la victime d'une hallucination ou de je ne sais quelle sombre machination, je vérifie l'heure à l'horloge murale de la bijouterie d'en face, au portable posé sur mon bureau et en bas de l'écran de mon ordinateur. Pas de doute il est bien l'heure qu'il est si j'ose ainsi m'exprimer. Je me dois de préciser que, dans les jours qui ont précédés, je ne me suis adonné à des excès d'aucune sorte; ni alcools ni nuits blanches dans des lieux de perdition, enfin, rien que de très banal dans ma conduite durant les heures précédentes. Il y a là un mystère. Qui a fait que je me suis vu m'égarant dans les plus folles et irrationnelles supputations. Ai-je vraiment dormi tout ce temps ? N'ai-je pas plutôt rêvé que je dormais et ne me suis-je pas égaré dans des espaces-temps à des milliards d'années d'ici ? Et si, victime d'une crise de somnabulisme, j'avais commis d'horribles méfaits: assassiné un ministre fédéral ou l'autre, enlevé et séquestré une innocente jeune fille, mangé dans un grand restaurant sans payer la note, roulé à deux cent à l'heure sur de toutes petites routes dans une grosse voiture volée et écrasé un groupe d'enfants en promenade dans nos vertes campagnes ? Que voilà un bien beau sujet de film, mon bon Bouli Lanners, non ? Je dis bon parce que, voyez vous et pour en revenir à des choses un tantinet plus sérieuses, j'ai eu le plaisir de croiser sa route, il y a juste vingt ans de cela, quand il était encore parfaitement inconnu et tout aussi parfaitement anonyme et que, déjà, je lui trouvais cette humanité tendre, joyeuse et attentive dont il fait preuve dans ses films et dans les rôles qu'il joue pour d'autres cinéastes. Et je vais vous dire, je serais très, mais alors très heureux que cette estimable et attachante personnalité décroche un prix au présent festival. Une belle palme d'or, par exemple. C'est tout le bien que je lui souhaite. Jean-Louis, vous pouvez le lui dire de ma part. Et lui faire la bise, en passant...