mardi 10 mars 2009

14 septembre 2008

Il n'y a pas si longtemps, le cinéma d'animation – on disait «dessins animés» - était tout entier réservé aux jeunes enfants que les parents emmenaient au cinéma pour suivre les aventures de Mickey Mouse, Donald Duck, Cendrillon et autre Bamby. Les choses ont bien changés. Les techniques d'animation, pour commencer, où l'ordinateur a remplacé les dessinateurs qui, image par image, sur des cellophanes, traçaient et coloriaient des millions de figures et de décors. Les histoires, les thèmes et les héros, ensuite, qui se sont vu assigner des rôles plus en rapport avec les préoccupations des adultes en même temps que celles de l'époque. C'est ainsi que, suivant en cela les critiques élogieuses venant de partout, je me suis décidé à aller suivre, sur grand écran et dans le superbe et tout neuf cinéma «Sauvenière», à Liège, les aventures futuristes de ce charmant petit robot, Wall E dont, sûrement, vous avez entendu parler. En deux mots et histoire d'en informer ceux qui n'auraient pas fait le déplacement, l'histoire se passe dans un monde désolé d'où toute trace d'humanité a disparu; et où l'on voit ce petit assemblage de mécanique et d'électronique, s'affairer inlassablement à la tâche qui lui est dévolue depuis sept-cents ans et qui consiste dans le ramassage et le stockage de millions de tonnes de détrituts de toutes sortes, laissés là à la suite dont on ne sait quel universel cataclysme. Les décors plantés là, sinistrements grandioses, il est loin d'être exclu que nos proches descendants sinon nous même, n'en découvrions l'épouvantable étendue. Il va s'en falloir de peu. Les alertes et les mises en garde n'ont pourtant pas manqué, ces dernières années. A chaque rapport alarmant des scientifiques et des experts en climatologie, la presse, sous toutes ses formes, y va de titres tapageurs, d'articles et d'analyses, de prospectives et de possibles et hypothétiques solutions à un état de fait catastrophique. Et puis, passée l'émotion de la première heure, les inquiétudes qui se font jour et dont on parle à l'arrêt de l'autobus, les déclarations et les vagues engagements de quelques-uns des représentants du peuple, le soufflé retombe sagement et l'on passe à autre chose. Certes, on organise bien, ça et là, de grandes messes médiatiques, où l'on donne la parole à quelques experts, où l'on promet de prendre les problèmes à bras le corps et de décider d'énergiques mesures, qui s'avèrent être comme de piteuses emplâtres sur un organisme dévoré par le cancer. En attendant, tous, peu ou prou, nous allons nos vies banales et sans éclats. Il y a, n'est-ce pas, déjà tant à faire pour affronter les petits et grands soucis du quotidien et, chacun à notre manière, nous faisons bonne figure, malgré tout. Nous allons chez des amis, nous mangeons et buvons, de beaux éclats de rire éclairent la nuit, on se surprend à être heureux de ces moments où la chaleur des retrouvailles fait briller les yeux et chanter les coeurs. Et puis aussi, la saison offre encore de beaux soirs avec leur majestueux cortèges de nuages, on peut encore flâner au jardin, se risquer à l'une ou l'autre promenade pour s'assurer de ce que l'herbe et le feuillage des arbres sont encore verts et que des oiseaux chantent encore dans les sous-bois. Empoisonnée de mille façons, la nature offre encore son visage rassurant et l'illusion tient encore la rampe, de même que les illusions que l'époque entretient encore sur elle-même, vaille que vaille et qui garantissent que la servitude ne risque pas d'être remise en cause. Ce n'est que «l'accumulation de détails, et qui sont tout sauf des détails» qui font l'existence quotidienne de tous, ainsi que l'écrivait Siegfried Kracauer en 1929, qui ajoutait «Il faut se défaire de l'idée chimérique que ce sont les grands évènements qui déterminent les hommes pour l'essentiel». Heureux, donc, celles et ceux qui, à la nuit tombée, prient en silence devant leurs jardins embaumés...


14 septembre 2008

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