Vous ne le répéterez à personne mais je suis entré depuis le début de l’été, dans une phase cruciale et, je le sens bien, irréversible, de ma trop brève existence. Je suis sur la voie qui mène à la plus exquise des paresses, celle que l’on choisit en toute connaissance de cause et qu’on attend pendant des dizaines d’années sans oser se l’avouer. Tenez, par exemple:je ne suis pas allé une seule fois au cinéma depuis... depuis au moins quatre mois. Et si vous pensez que je souffre du moindre remords, vous vous trompez lourdement. Rien ne m’y oblige par ailleurs, je vais au cinéma si ça me chante, sans blague. Et si, d’aventure, l’envie me démange de voir ou revoir ceci ou cela, il y a la télé qui n’a pas été inventée pour le seul plaisir des ménagères qui se gavent de télé-achat à l’insu de leurs maris et, plus grave encore, de leurs enfants ni, non plus, pour les obsédés qui font croire à leurs insomnies et qui, en vérité je vous le dis, quittent la chambre conjugale le samedi sur le coup de minuit, gagnent le salon sur la pointe des pieds et se paient une tranche de cul cryptée en prenant soin de couper le son qui, de toute façon, est exécrable sur cette chaîne payante. Mercredi soir, justement, il y avait ce délicieux divertissement, “Trainspotting” et j’ aime autant vous dire que je n’en ai pas raté une miette. Voilà, n’est-ce pas, une implacable démonstration, en un peu plus d’une heure de ce que les éducateurs, les policiers et les psy de toutes sortes sont incapables de faire comprendre à notre belle jeunesse. A savoir qu’il n’ y a plus grand chose à attendre de notre incomparable civilisation, avec sa culture en boîte et en sachet, son acharnement à niveler les consciences et à faire taire toute velléité de révolte contre les effets désastreux de son infini développement, avec ses autoroutes, ses trains à grande vitesse, sa technologie de pointe et le net, et le web et sa prétendue communication et ce ridicule village planétaire, laissez moi rire... Comment voulez vous que des êtres aussi fragiles, aussi démunis que le sont nos gosses ne finissent pas par craquer lorsqu’ils découvrent l’étendue de l’ horreur qui, jusque là, se tenait sagement cachée à leurs regards innocents, comment échapper à l’adversité, à la déglingue, à la misère sinon par l’ alcool, les drogues douces ou dures, quand ce n’ est pas, plus radicalement encore, par le suicide. Savez vous, amis du cinéma, que cinq milles jeunes de treize à vingt ans se font sauter le caisson, chaque année, en France, qui est pourtant un beau pays remplis de merveilleux paysages, d’heureux socialistes emmenés par un Jospin guilleret et sûr de son avenir; et je ne parle pas de ceux qui se ratent... Les jeunes qui se suicident, pas les heureux socialistes , ni les heureux écologistes de ce gouvernement pluriel qui ressemble comme un grand frère au nôtre, les libéraux en moins. Attention, amis du cinéma, je ne suis pas en train (spotting) de dire que ça y en a bon la drogue et qu’elle attend vos enfants et les miens et qu’elle serait une fatalité comme une autre à laquelle on n’échappe que par un gros effort de volonté. Je ne suis pas en train (spotting) non plus de prétendre qu’il ne puisse y avoir d’autre alternative que celle que je viens d’évoquer, tout de même, non, grâce au ciel ou à je ne sais qui ou quoi, on peut imaginer une foule d’autres façons de ne pas être dévoré, englouti, digéré et recraché par ce monde. Et il appartient à chacun d’entre nous d’imaginer d’autres voies, de débusquer les chemins de traverse qui mènent aux marges du monde et de les montrer à ceux dont nous sommes responsables. Quant à savoir avec certitude si les chers petits seront un jour dans les dispositions de les emprunter, ces chemins qui nous paraissent si beaux et verdoyant, c’est évidemment tout autre chose. Bon, il se fait tard, il est minuit passé et un petit joint m’aidera à bien m’ endormir...
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