jeudi 5 février 2009

18 septembre 1999

A la suite des nombreuses protestations consécutives à ma chronique de la semaine dernière, dans laquelle je me glorifiais de ma longue absence des salles obscures, je tiens à affirmer haut et fort que, pas plus tard que très bientôt et sauf accident ou autre empêchement majeur, je ne tarderai pas, sous peu, dans les prochains jours à me rendre dans un cinéma où les hot-dogs sont proscrits pour aller voir le dernier, vraiment, hélas, dernier Kubrick dont je sais déjà l’essentiel grâce à ce vieux Léon et à d’autres critiques de la presse écrite ce qui n’empêche. Cela dit, l’autre soir, à la télé, il y avait du foot ET du cinéma. Le foot, passons, que des bouts de matches et, pour ce qui est du cinéma, sur la chaîne la plus intelligente du monde libre, Arte, des films d’Andy Warhol, le célèbre portraitiste de Marylin Monroe, d’Elisabeth Taylor et de Mao-Zé-Dong, entre autres célébrités. Le cinéma d’Andy Warhol, c’est, d’une certaine manière un anti-cinéma dans la mesure où, bien qu’on y trouve un début et une fin, comme vos vie et la mienne, il ne s’ y passe abso-lu-ment rien. Et quand je dis rien, c’est vraiment rien. Encore que... Prenons, par exemple cet interminable séquence, en un seul plan et sans raccord apparent ou l’on voit un type, un ami de l’autre ou un mec ordinaire, assis dans un fauteuil et qui grignote un champignon, le regard absent, qui va d’un coin à l’autre de son champ de vision dont on ne sait ni ne devine rien et pour cause. En plus, c’est en noir et blanc, ce qui ajoute encore au dépaysement et à l’étrangeté de la chose. Ce qui ressort de tout cela, selon moi, c’est la manifestation et la démonstration d’un ennui absolument phénoménal et j’ajoute, tout de suite, pour que mes propos ne souffrent d’aucune ambiguïté, que je tiens l’ennui pour la plus parfaite manifestation du génie humain. Vous me rétorquerez que les chats, les vaches, les lézards, les lions, quand ils sont repus, et tous les animaux, en connaissent un bout sur la question ce en quoi vous n’avez pas tout à fait tort. Si vous avez un animal de compagnie, perruche, tortue, épouse fidèle ou caïman en bas âge, effectivement, vous avez tout le loisir d’apprécier à quel point ces bestioles sont douées d’un don tout à fait remarquable pour ce que nos amis italiens appellent très joliment le farniente. Mais attention, réfléchissez un instant, je vous prie. Je sais que c’est le week-end, vous vous êtes donné à fond pendant toute la semaine pour plaire à votre chef de service et à sa secrétaire, mais est-ce une raison pour se laisser aller ? Non. Donc, réfléchissons. Ensemble, ce sera plus facile. Pouvons-nous raisonnablement nous comparer à des animaux? Non, bien sûr. La plupart d’entre-eux vont à quatre pattes, exception faite des oiseaux et des araignées sans parler des animaux aquatiques qui barbotent stupidement dans l’eau. Ce qui distingue l’homme de l’animal c’est la conscience. Les animaux s’ennuient mais ils ne le savent pas, les pauvres. L’ennui, pour eux, est une donnée naturelle, comme l’envie de manger, la nécessité de tuer ses proies et donc de s’en aller à la chasse quand la faim se fait trop envahissante. A part ça, les animaux ne font pas grand chose d’intéressant, à part jouer à se poursuivre dans l’ herbe et se chamailler pour les femelles alors que nous, nous avons une foule d’activités tout à fait passionnantes dans lesquelles nous investir; que ce soit le travail jusque soixante-cinq ans, le jogging, le tir à l’arc, la broderie anglaise, la guerre mondiale, la femme du voisin ou de notre meilleur ami, ou que sais-je encore... L’ ennui, mes bons amis, est un don du ciel, un merveilleux arc-en-ciel qui se lève dans les ténèbres de l’activité et du mouvement, un philtre magique qui nous rapproche de l’essentiel et nous fait goûter aux délices de l’éternité paisible à laquelle nous aspirons tous... Prolétaires de tous les pays, ennuyez vous !



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