C‘est une histoire que j’ai entendue sur une radio française, il y des années de cela et qui m’est revenue l’autre soir alors que, selon une vieille habitude, j’avais les yeux levés vers le ciel, vers les étoiles, plongé dans une intense méditation. Alors je vais vous la raconter à ma façon, en la condensant quelque peu, compte-tenu du temps qui m’est imparti - mais pas socialiste - et je vous autorise à la raconter à vos camarades de travail, si vous avez du travail et si vous avez des camarades. Il était une fois un astronome qui avait la chance de posséder un engin de taille tout à fait respectable - je veux parler de son télescope, vous l’aurez compris - grâce auquel et depuis de longues années il passait d’interminables nuits à observer une magnifique étoile, là haut, très loin, qu’il avait découverte tout à fait par hasard et dont il était, en quelque sorte, tombé follement amoureux... Une nuit qu’il contemplait une vaste portion de l’astre cher à son coeur, il s’aperçut que, sur la surface de ce qui ressemblait à un immense désert de sable bleu, des lettres blanches, qui devaient avoir de gigantesques proportions, commençaient à s’aligner... lesquelles lettres, au fil des jours, des mois et des années, finirent par former une phrase, qui disait : “BONJOUR, COMMENT ALLEZ-VOUS ?”. Stupéfait, abasourdi, émerveillé, bouleversé, fou de bonheur notre astronome, estimant ne pas pouvoir garder pour lui seul cette extraordinaire découverte, alla rendre visite au Président - de la République, par exemple - lui raconta tout, l’invita chez lui à prendre connaissance du stupéfiant message, à la suite de quoi le Président, estimant que l’humanité tout entière était concernée, envoya partout des émissaires chargés, avec ce qu’il fallait de discrétion toute diplomatique, de faire connaître aux chefs d’Etat du monde entier l’incroyable nouvelle. Dès lors, les gouvernements, les partis -même socialistes- les patrons, les syndicats et autres partenaires sociaux unirent leurs forces et leur bonne volonté et, après négociations avec le roi du Maroc, on se mit d’accord pour louer une portion gigantesque du Sahara, où d’immenses moyens en matériels, infrastructures de toutes sortes et millions de chômeurs enthousiastes remis au travail, permirent qu’en un peu moins de deux ans, la réponse à la question venue du fin fond de l’espace s’inscrive à son tour en lettres colossales, bleues sur fond de sable blond : “PAS MAL, ET VOUS ?” Les années qui suivirent furent, on s’en doute, les plus exaltantes que l’humanité ait connues; plus encore que les deux septennats de Mitterrand et que les accords de Val-Duchesse. Rendez vous compte : une intelligence nous interpellait, à des millions de kilomètres de distance, nous lui avions répondu par une autre question et, dans la fièvre, les humains attendaient la suite. Une suite qui, en toute logique, devait s’inscrire sur la surface dont nous parlions tout à l’heure mais qui, on allait s’en apercevoir bientôt, avait changé de couleur, par pure coquetterie, peut-être, allez savoir...Toujours est-il que, pendant trois ans, un embargo rigoureux fut imposé partout et on ne sut plus rien de ce qui se passait là haut, il fallait que la surprise fut totale. Enfin, à la Noël de la troisième année, le télescope fut relié à toutes les chaînes de télévision du monde et, peu avant minuit, des milliards d’hommes, de femmes, d’enfants et de vieillards étaient rivés à leurs récepteurs, les uns la bouche pleine de dinde, les autres attablés devant rien du tout et les yeux, conséquemment, plus gros que le ventre fixés avec passion et incertitude sur l’image d’une jolie speakerine qui se mit à décompter les secondes, 10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1, 0, Top. Et l’image agrandie de la phrase inscrite là haut s’étala devant les milliards de paires d’yeux mouillés par l’émotion : “C’EST PAS À VOUS QU’ON CAUSE !”...
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