Il y avait donc, l’autre soir à la télé, ce film de Robert Kramer. Il y avait ce voyage en Amérique, ce voyage au plus profond de cette Amérique qui a fasciné et façonné tant et tant de gens et qui, aujourd’hui encore, fascine et façonne tant et tant de gens de tous âges. Moi, je vais vous dire, l’Amérique, je la débecte, je n’aime pas l’Amérique, je ne supporte pas cette grande et arrogante et stupide nation, cet Empire qui s’est répandu sur toute la surface du globe, qui a infecté jusqu’aux cultures les plus anciennes et les plus irremplaçables avec ses stupides marchandises, ses fast-food, ses films, ses chansonnettes à la mord-moi-le-machin, ses armées et sa technologie de pointe. L’Amérique, ce continent envahi par des cohortes de va-nu- pieds venus de la lointaine Europe, des foules d’ignares et de brutes en proie à la fièvre de l’or, se répandant partout comme des nuées de sauterelles et saccageant tout ce qui était saccageable, au nom de la prétendue mission civilisatrice dont les colons blancs, catholiques et protestants prétendaient être l’avant garde. Lesquels colons se sont d’abord signalés à la conscience universelle en pourchassant et massacrant sans merci les fières et nobles tribus qui peuplaient ces terres majestueuses et riches. Et il aura fallu attendre les années cinquante pour que quelques audacieux cinéastes, au travers de quelques films fondateurs, réhabilitent la nation indienne et donnent, de ces peuples méthodiquement exterminés et dont les survivants ont été repoussés dans d’ignobles réserves où ils végètent encore, une image conforme à la réalité de ce qu’ils furent. Lorsque j’étais petit garçon, comme tous les petits garçons, je jouais aux cow-boys et aux indiens et je voulais toujours être un indien, jamais un cow-boy et toujours, dans les jeux, je décochais mes flèches et attachais au poteau de torture ces fourbes et grossiers visages pâles qui voulaient me déposséder de ma terre, tuer mes enfants et emmener ma femme en esclavage. Je me fabriquais mes parures de plumes avec des bouts de papier coloré, je couvrais mon visage des peintures de guerre, j’aiguisais mon tomahawk avant la bataille et je me battais comme un lion avant de succomber et de rejoindre les vastes prairies où le grand Manitou veillait sur mes ancêtres. Et puis, je ne supporte absolument pas Las-Vegas, je ne supporte absolument pas le mode de vie américain qui est devenu, qui devient de plus en plus le mode de vie universel, je ne supporte absolument pas cette stupide lutte à outrance à laquelle se livrent les bons américains pour gravir les prétendus sommet de la ridicule échelle sociale, je n’ai que mépris pour les imbéciles du Klu-Klux-Klan, la tête de Georges Bush junior ne me revient absolument pas, je garde un très mauvais souvenir de ma rencontre avec Edgard Hoover et je trouve indécent que la grande oreille installée par les services secrets américain soit constamment aux aguets de mes moindres coups de téléphone. Non, je n’aime pas l’Amérique. Mais j’adore Woody Allen, j’ai une tendresse infinie pour la poésie et les mots de Richard Brautigan, j’ai dévoré quelques-uns des meilleurs livres de Jim Harrison, Je suis un inconditionnel de John Coltrane, mes cheveux ont commencé à pousser dans le même temps que les étudiants de Berkeley faisaient brûler leurs papiers militaires et que les filles enfonçaient des fleurs dans les canons des fusils de la garde nationale et j’ai vu dix fois le festival de Woodstock au cinéma. Je n’aime pas l’Amérique mais j’adore Terry Gillian et Brazil qui est, selon mon coeur, le plus grand film américain des cinquantes dernières années. Je n’aime pas l’Amérique mais quand j’étais à l’aube de mon adolescence, j’étais amoureux de Lauren Baccal...
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