Il y a des domaines où j’estime qu’il ne faut faire preuve d’aucune précipitation. L’amour, par exemple. Qui exige - selon moi bien sûr, je ne demande à personne de partager mon opinion - qui exige, disais-je, que soit aiguisée la faculté de savoir attendre; d’être, en quelque sorte, comme le chat qui, repérant sa proie, passe de longues minutes à savourer par avance le moment de la prise...De même, certains films, que le bon peuple, suivant l’enthousiasme de la critique, se presse d’aller voir au plus vite avec, pour conséquence, des files interminables et des salles bondées où se mêlent les odeurs de pieds et de pop-corn. C’est ainsi que j’avais remis, de semaine en semaine, l’opportunité d’aller voir le film des frères Dardenne, “La promesse”; jusqu’ à ce que, le jour où, enfin, je me sentais d’attaque pour affronter les trottoirs, le film, bien entendu, ait été retiré de l’affiche. C’est donc avec la plus extrême attention que, l’autre soir, j’ai saisi l’occasion qui m’était offerte de voir le petit dernier des deux frangins, à la télé, en charmante compagnie, sans odeurs et sans pop-corn. Qu’en dire sinon que, par le hasard de la programmation et de ce qu’on appelle pudiquement les dysfonctionnement des services de l’état, ce film tombait parfaitement à pic. La fiction et la pratique de l’art, bien entendu, ne feront jamais que la vie puisque être rendue à l’infortunée jeune fille, dont la dépouille rejoindra bientôt la terre de ses ancêtres. Mais, à tout le moins, voilà tout de même une jolie fable et une belle leçon d’amour et d’humanité qui aura peut-être permis à ceux que ces dramatiques événements avaient laissé indifférents, de reprendre pied avec une actualité particulièrement sordide. Où l’on a eu l’occasion, une fois encore -et ce ne sera sans doute pas la dernière- d’apprécier la hauteur de vue, le courage moral mêlé à la fermeté de l’âme et les plus hautes vertus qu’ont exprimés, dans les jours qui ont suivis le déplorable accident, quelques-uns, parmi les plus représentatifs des élus de la nation. Sans parler de ce serviteur de l’Eglise catholique et romaine, aumônier de son état, dont on put entendre et lire l’intervention tout empreinte de charité chrétienne à l’égard, surtout, des membres du collectif contre les exclusions. Et les réfugiés, chouchoutés avec tant de délicates attentions dans les centres fermés, auront très certainement salué par des cris d’allégresse et de vibrantes ovations, le discours du prêtre de Zaventem... Quant à moi, qui ne suis ni catholique ni romain, je me souviens, tout de même, des cours de catéchisme de mon enfance, qui me préparaient à la communion solennelle, remis aux calendes grecques faute de moyens... Et j’ai souvenance d’un Christ hargneux, colérique et juste, qui s’en prenait aux riches, aux puissants, aux oppresseurs et aux marchands. Qui disait que nous venons d’une souche commune, que nous sommes tous frères et soeurs en ce bas monde et que rien, jamais, ne justifie que les enfants de Dieu soient persécutés, chassés, emprisonnés et tués. Si Jésus de Nazareth revenait aujourd’hui sur terre, je suis persuadé que, par la force de son verbe, la puissance de sa conviction, l’irrésistible brûlure de son regard, il mettrait à bas tous les édifices de la tyrannie. Je crains, hélas, qu’au moment même où il poserait ses pieds martyrisés sur une place quelconque, il se verrait entouré d’une cohorte de fonctionnaires en uniforme qui l’emmènerait séance tenante et l’enfermerait en lieu sûr en attendant qu’une enquête approfondie et impartiale statue sur son sort. Après quoi, peut-être, dans le cadre strict de la loi et conformément au respect des droits reconnus universellement, d’autres fonctionnaires reconduiraient l’intrus à la frontière. Oui, mais laquelle ?...
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