Dans très exactement quatorze jours on sera dans un autre siècle, dans un nouveau millénaire ou, plus prosaïquement, on sera l’année prochaine. Tout de même et quoiqu'on puisse en dire, le très attendu et très médiatisé an 2000 ne manquera pas, en matière de cinéma, d’accoucher de prodiges en tous genres et de révolutions qui ne pourront qu’être surprenantes, c’est moi qui vous le dis. Ces dernières années ont déjà vu l’apparition de nouveaux supports images, les bandes magnétiques digitales, qui offrent des possibilités radicalement novatrices à quelques réalisateurs; pensez à ce groupe de jeunes gens du nord qui ont marqué d’une empreinte audacieuse la manière de filmer, qui, résolument, entendent se passer des vieux artifices, qui refusent le concours de la lumière, qui travaillent caméra à l’épaule avec de minuscules engins qui tiennent dans la paume de la main, qui, enfin, ouvrent des perspectives qui n’étaient même pas imaginables il y a dix ans d’ici. En cela, ils rejoignent une fort vieille et prégnante de mes obsessions, dont j’ai fait état ici même, jadis et qui est partagée par un grand nombre d’entre vous, à savoir cette idée que l’oeil est la caméra idéale et première et que, couplé à un système d’enregistrement aujourd’hui tout à fait imaginable, il pourrait, l’oeil, donc, raconter la totalité d’une vie, avec ses ivresses et ses drames, ses victoires et ses défaites, ses amours et ses peines de coeur jusqu’à la mort, fondu au noir absolument authentique. Les formidables et parfois effrayantes applications des découvertes scientifiques de ces dernières années, je pense à la nano-technologie, par exemple, qui met en jeu, véritablement, la partie la plus microscopique de la matière, inerte ou vivante, qui manipule, agence et reconstruit les molécules, cette nouvelle incursion dans un monde qui nous était fermé et étranger, permettra, sous peu, de pénétrer encore un peu plus dans les secrets de l’univers qui nous entoure et dont nous sommes aussi constitué. Ajoutez à cela la connaissance et donc la manipulation génétique et tâchez d’imaginer à quelles étonnantes applications on est en droit de s’attendre... Allez, rions un peu et laissons-nous aller à rêver. Demain ou après demain, enfin, un de ces jours, nous apprenons le décès inopiné de l’escogriffe Gérard Depardieu; accident de la circulation automobile ou sanguine, longue et pénible maladie, suicide ou cirrhose du foie, paf, voilà notre Gérard passé de vie à trépas, Jacques Chirac publiant un communiqué officiel depuis le palais de l’Elysée, Béatrice Dalle s’épanchant sur le plateau d’Ardisson et Claude Berry reçu par Patrick Poivre d’Arvor au J.T de TF 1... Sérillon se répand en stupidités post-mortellifères, Paul Germain convoque un “Écran témoin” à la mesure de la perte subie, bref, la France est veuve, Carole Bouquet aussi et on fait au gros grimaçant des funérailles nationales avec Marseillaise, minute de silence et gerbes en tous genres que portent, avec la mine de circonstance Alain Delon, Miou-Miou, Isabelle Huppert, Léon Michaux, Jean-Lou Dupont, Claude Zidi. Et moi, je ne suis pas invité aux festivités et je m’en tamponne royalement, Albert. Comment remplir ce vide immense, comment combler ce trou béant, c’est très simple. Avant la mise en bière - Guy, met un verre à tout ce qui bouge - on prélève un bout de la chose du macchabée, un cil, un poil de cul, une infime parcelle de la peau de son zob, on met le tout en culture mais pas transgénique et on le clonifie. Un certain temps s’écoule - le temps ne peut pas faire autre chose que s’écouler, j'en connaîs un bout sur la question - et revoici Gérard, debout à la proue du Titanic ou au balcon de l’hôtel de ville d’Alger, levant ses bras immenses et disant “Je vous ai compris” à la foule rassemblée. Et si d’aventure, le machin déraille, restent les images virtuelles... Bon courage à celui ou à celle qui devra reconstituer la monstruosité...
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