vendredi 6 février 2009

16 septembre 2000

Ah ! quand on y réfléchit un tout petit peu et avec pas mal de recul, on se dit que, tout de même, les types qui se sont creusé les méninges pour pondre de ces histoires de buildings avec eau, gaz et incendie à tous les étages, de bateaux, de sous-marins ou d' hommes grenouilles perdus au milieu d'éléments déchaînés, liquides ou autres, d' avions détournés, de camions sans chauffeur, doués d'une intelligence supérieure à celle des patrons-transporteurs, enfin, vous savez bien, ces films catastrophes qui ont marqués les années 70, on se dit, disais-je, que ces braves garçons ne soupçonnaient pas à quel point, trente ans plus tard, leurs histoires pourraient paraître d'une banalité aussi affligeante compte-tenu de ce dont nous assomme quotidiennement le flot incessant des nouvelles et autres prétendues informations. Car je ne sais pas si vous avez pris la peine de mesurer ne serait-ce que sommairement le temps qui a été consacré, en radio et en télé, les quantités d'encre et de papier, dans la presse écrite, qui ont étés nécessaires pour faire le point, chaque jour, de l'étendue de cette catastrophe universelle ou presque, de, n'est-ce pas, cette horreur sans nom d'un monde sans pétrole, sans essence, sans diesel... Moi j'ai mesuré et pesé; vous n'imaginez pas, en une semaine, ce que ça représente... En super sans plomb, ça doit chercher dans les trois cent millions d'hectolitres et j'exagère à peine... Dans les siècles anciens, les damnés de la terre se jetaient dans l'émeute pour le pain, la troupe tirait sur le peuple qui réclamait du pain et on a entendu une Reine de France, vers qui montait la rumeur de la faim, dire qu'à défaut de pain, l'on jette au peuple des brioches; et, aujourd'hui, de mauvaises langues rapportent qu'un ministre, excédé et coincé dans les bouchons et les embouteillages (toujours ces histoires de bouteilles et de bouchons) ce ministre se serait exclamé: "nom de dieu, qu'on foute des moteurs de vélo aux camions et que ces emmerdeurs pédalent !" Que voulez vous, il faudra bien supporter encore pendant un certain temps, les ennuis, petits et grands, qu'engendre ce monde si plaisant et si plein de belles et jolies choses, de tonnes de bouffes emballées sous vide, de fraises qui ne viennent plus de Wépion mais du moyen-orient, d'asperges mises en boîte à Istanbul ou à Séoul et qui, d'une manière ou d'une autre, se doivent d'arriver dans nos assiettes; si nous voulons continuer à vivre comme des pachas sans voir plus loin que le bout de notre nez, hé bien tant pis, faudra continuer à payer et continuer, à n'importe quel prix, à être payé, à être plus ou moins bien payé quel que soit le degré d'idiotie du boulot que nous sommes tenus d'abattre, sur la terre ferme ou coincé, pendant des heures et au long de centaines de kilomètres, dans une cabine de poids lourd, pour amener à bon port des tonnes de sardines, de poudre à lessiver ou de produits hautement toxiques. Le plus drôle, là dedans c'est ce sociologue bien connu de nos services et qui, dans un journal, mercredi dernier, disait voir, derrière le remue-ménage provoqué par les routiers, des relents soixante-huitard et un ras-le-bol devant l'inhumanité de l'horreur économique. Ce qui moi m'a frappé et touché, ce sont ces ouvriers de je ne sais quelles entreprises qui, spontanément, ont cessé le boulot pendant quelques heures pour bloquer l'un ou l'autre tronçon d'autoroute, sans camions, à la force des mollets, pour attirer l'attention des pouvoirs publics sur la situation des chômeurs et des minimexés qui, dans les semaines à venir, auront à faire le plein de leurs cuves de mazout en prévision de l'hiver, qui sera là bientôt et qu'aucun barrage, routier ou autre ne pourra empêcher et qui, les pauvres, avec un peu de chance, auront tout juste de quoi se payer dix ou quinze litres de précieux liquide, pour ne pas crever de froid pendant un jour ou deux. Ce qu'ils ont fait là, ces quelques centaines de types en bleus de travail, je vais vous dire, c'est peut-être le signe que quelque chose est en train de bouger. Attendons voir, nous avons jusque la semaine prochaine...



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