jeudi 5 février 2009

3 avril 1999

A quoi sert le printemps, se demandait le philosophe Ariplanide, né à Alexandrie en 234 avant Jésus-Christ et mort tragiquement au large des côtes égyptiennes, à peine âgé de quarante-huit ans, au moment où le navire qui l’emmenait à Syracuse fut pris dans une violente tempête, ce qui eut pour effet de provoquer une panique indescriptible au sein d’un équipage peu aguerri, engendra une bousculade au cours de laquelle le pauvre voyageur fut piétiné par quelques dizaines de paires de pieds pour la plupart nus et sales et rendit son âme au principe créateur de toutes choses, bercé par le capitaine du fier vaisseau, lui même disciple de son maître et qui passa le reste de sa vie, à terre, à transcrire, de mémoire, l’enseignement du grand esprit trop tôt disparu, comme d’habitude dans ce genre d’histoire. A quoi donc sert le printemps se demandait l’élève, à la suite de son maitre, ce à quoi il répondait par cette formule restée célèbre: “A pas grand chose”; si ce n’est à provoquer, chaque année, à la même saison des centaines de milliers d’allergies de toutes natures que la médecine de cette lointaine et pourtant si riche époque ne pouvait soigner et encore moins guérir. Les nez picotaient, les yeux pleuraient donc, chaque année dans tout le bassin méditérranéen, berceau de notre belle civilisation qui donna au monde Napoléon, Hannibal, Vespasien et Vespasienne, les jumeaux romains qui inventèrent les kiosques à journaux, Hitler, le maréchal Pétain, Mussolini et Staline, Pinochet et Pinochette, les siamois chiliens, créateurs du guitariste sans les doigts et du saut en hélicoptère sans élastique, Le Pen et Mégret qui n’est même pas commissaire, Robespierre et Jeannette, ne pleure pas nous te pendouillerons aussi et autres grandes figures dont la naissance ne peut-être reprochée à Ariplanide, soyons sérieux, ce n’est pas à l’âge qu’il aurait aujourd’hui qu’il serait capable de procréer et surtout pas Milosevic, le boucher des Balkans, bien connu pour sa recette du Kosovar fumé au milieu de la cour de sa ferme incendiée. A part ça, le printemps, comme le faisait remarquer très justement celui que la sagesse populaire et grecque surnommait Bernard Ari, à cause de sa belle chevelure noire et brillante et de ses toges immaculées, à part ça, le printemps, ça a du bon aussi. C’est le moment où la nature se réveille, après une longue léthargie, où les petits oiseaux font “tchip-tchip” dans les branches des arbustes qui longent les chemins de campagne, où les taureaux courent après les vaches et, à l’occasion, après les toréadors, où les femmes ont des vapeurs aux terrasses des cafés en me voyant passer et où moi-même, indifférent à leurs commentaires élogieux et foutrement printanier, je vais de mon pas rapide et un tantinet chaloupé, un peu comme Jean Gabin de son vivant, pour rejoindre l’objet de mes désirs et de mes plus inavouables phantasmes qui m’attend dans la chaleur odorante de sa chambre sur les murs de laquelle j’ai moi-même posé le merveilleux papier-peint à grosses fleurs, sans l’aide de personne et pour les raccords, sans blague, j’ai sué mais pas autant qu’à l’heure où je compose cette immortelle chronique et où, se faufilant subrepticement dans les méandres de mon cerveau, les souvenirs de nos ébats d’un érotisme brûlant voire, même, très franchement empreints de la plus affolante perversité, me mettent le rouge au front, aux joues et au ce n’est pas vos oignons, écoutez devant vous, polissonnes et polissons. Enfin et brefle, c’est le printemps. Avec ou sans le rhume des foins, c’est la saison que je préfère, celle qui me fait joyeux et insouciant, frétillant, déterminé et audacieux au point que je me sens d’attaque à courir à nos frontières pour empêcher de mugir ces féroces soldats qui sont bien capables de venir jusque dans mes bras pour égorger mes fils et surtout ma compagne. Allez, à la semaine prochaine, n’oubliez pas de stocker le sucre, j’en met beaucoup dans mon café.



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