vendredi 6 février 2009

4 février 2000

Bon. Pinochet est rentré au pays; tous nos faits et gestes sont enregistré par le super big brother installé par nos chers alliés d’outre-atlantique, ceux qui ont le privilège de bosser dans des boîtes d’une certaine envergure sont surveillé, suivi à la trace, accompagné dans chacun de leurs déplacements par des puces magnétiques enfouies dans le badge qui porte leur nom et leur photographie, l’ordinateur dont ils se servent est équipé d’une caméra qui enregistre le plus infime de leurs mouvements et s’ilsont le malheur d’être amoureux de leur secrétaire, ils ont tout intérêt à se tenir à bonne distance, la moindre approche sera enregistrée et pourra servir d’argument pour un éventuel rappel à l’ordre avant des sanctions plus sévères. Tout baigne. Tenez, je ne serais pas étonné que dans certaines salles de cinéma on ai déjà installé des caméra d’une absolue discrétion, infra-rouge pour voir dans la pénombre et surveiller les mouvements des spectateurs; s’assurer, par exemple qu’ils grignotent leur pop-corn sans en répandre la moitié sur les genoux de leur voisin de fauteuil, ou bien encore, dans l’éventualité de la diffusion d’un film à l’atmosphère d’un érotisme brûlant, que l’un ou l’autre ne s’adonne à des plaisirs par définition solitaires au vu et au su d’une partie de l’assistance. Ca vous étonnerais, vous ? Ce genre de dispositif est installé à tous les carrefours des grandes villes, sur les toits des immeubles de l’administration et des banques et, dans les beaux quartiers, les propriétés entourées de parc grands comme des terrains de football, sont, aux grilles d’entrée, munis de dispositifs d’accueil, avec bouton de sonnette ET mini-caméra pour s’assurer que la personne qui s’annonce est de bonne famille au sang bleu ou que le livreur de caviar est bien celui auquel on est habitué et n’a pas été remplacé par un individu vaguement coloré. Je le redis, tout baigne.Certes, tout n’était pas rose du temps des locomotives à vapeur et des tramways. Ce n’était pas le paradis sur terre, je veux bien en convenir mais, à l’attention des moins de trente ans, il me plaît tout de même de dire qu’il y avait une indescriptible poésie dans le fait que le film, au beau milieu de la séance en venait à se rompre ou à bégayer, avec ce bruit de ronflement dans les haut-parleurs, les cris dans les travées, les filles, que nous troussions dans la demi-obscurité et qui réajustait leur mise en rougissant. Et à l’entracte, nous allions au bar du cinéma et il fallait sortir, faire quelques pas sur le trottoir avant de s’attabler devant les boissons gazeuse, Jean-Claude, Michel, José, Raymond et sa soeur Régine et la copine de Régine, qui venait d’un autre quartier qui faisait sa mijaurée et dont nous étions tous amoureux. Et puis, tout de même, il me semble que nous avions le temps... Du temps pour quoi ? Je ne saurais le dire autrement qu’avec les mots d’un autre, ce cher, si cher Robert Walser qui écrivit ces lignes bien avant moi, en 1925 et que je veux vous livrer...Oui, il y a encore des hommes qui grandissent, qui ne sont pas devenus en un tour de main, à une vitesse à faire peur, des produits finis extérieurement et intérieurement, comme si les hommes étaient des petits pains qu’on fabrique en cinq minutes et qu’on vend aussitôt afin qu’ils soient consommés. Il y a encore, Dieu merci,des gens qui doutent, certains même qui ont l’instinct d’hésitation. Comme si tous ceux qui y vont carrément, qui savent mettre l’affaire dans le sac, qui font valoir des prétentions, étaient pour nous un exemple à suivre et, pour le pays auquel ils appartiennent, de bons citoyens. Eh bien justement non! Et il y a des non-prêts mieux préparés que les déjà prêts, et des inutiles souvent beaucoup plus utiles que les utilisables, et finalement il n’est pas besoin que n’importe quoi soit immédiatement ou dans les plus brefs délais mis à la disposition des besoins. Je souhaite, moi, joyeuse vie, dans notre temps aussi, à un certain luxe de l’homme, et une société tombe entre les mains du diable quand elle prétend éliminer toute forme de nonchalance et de relâchement.”



4 février 2000

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