jeudi 5 février 2009

7 novembre 1998

Il me serait bien difficile de vous expliquer pourquoi je n’étais pas de ceux qui se sont précipités dans la salle la plus proche pour déguster “Breaking the waves” de Lars Von Trier. Toujours est-il que ce n’est que dimanche dernier et grâce à notre Télé à nous qu’il m’a été donné d’enfin découvrir ce pur joyaux, et je pèse à peine mes mots. Je ne vais pas vous faire l’affront de vous raconter l’histoire, j’aime croire que vous êtes nombreux à la connaître déjà. Simplement et comme à mon habitude je m’en vais vous faire part des considérations que ce film m’inspire. Il y a donc la rencontre de deux êtres, un homme et une femme. Rien que de très banal; il ne se passe pas de jour sans que cet événement ne survienne un peu partout sur cette sacrée planète, du nord au sud et d’est en ouest, à la ville et à la campagne. Mais la banalité de cet événement, qui survient toujours avec la complicité du hasard, se trouve complètement retourné, chamboulé et chahuté dès lors que ceux qui se trouvent au centre de cet incroyable tourbillon portent en eux, au plus profond de ce qui les constituent, le formidable et inaltérable élan qui les fait devenir encore plus ce qu’ils étaient, transforme radicalement leur rapport au monde et les entraîne vers la fusion la plus absolue, celle dont, au sens le plus strict, on ne revient pas. Pour le dire autrement, l’amour qui rassemble certains les rassemble de telle façon que, pour eux, il n’est d’autre manière de vivre cet amour que dans l’excès à la fois le plus destructeur et le plus rédempteur. Car, oui, il y a dans certaines amours, de la rédemption et de la sainteté, du païen et du sacré; il y a, entre ceux qui ont fait le pari éternellement recommencé du toujours et de l’à jamais, le désir d’aller au delà des frontières confortables des choses paisiblement acquises et l’irrépressible tentation de la perte et du don total. Et que peut-on offrir de plus grand et de plus irréparable que la vie elle-même, que sa vie propre, à celui ou à celle dont on sait que jamais rien ne pourra nous séparer vraiment? Quel don plus absolu que le battement de ce coeur, que ce souffle et ce regard qui toujours se pose sur le visage aimé et jamais ne s’en détourne? Il y a eu et il y aura toujours, chez les humbles et chez les rupins, des Roméo et des Juliette, des Tristan et des Yseult dont les yeux voient au delà de l’infini, dont le coeur bat bien après que la mort soit passée et dont le souvenir seul suffit à remplir les siècles. Ces deux là, qui passent dans cette rue ou que l’on regarde, émus, dans ce café, qui sont vieux, déjà et qui se regardent et se touchent des lèvres et se parlent à voix basse et puis se taisent, ces deux là, tard, si tard venus l’un à l’autre, comme ils sont beaux, comme est sensible l’intense et inexplicable vibration qui les lie et les enchaîne, comme est évidente et éclatante la couleur et la chaleur de leur destinée. Ces deux là, et ces deux autres et ceux-là encore, combien ils sont reconnaissable, à quel point il est évident qu’ils sont inséparable, que la mort sera pour eux bien autre chose que la commune déchirure. Amour, bel amour, terrible et fascinante perspective qui étend sa route incertaine dans le plus lointain, dans le plus improbable devenir et qui, pourtant porte en elle la plus exigeante des promesses; surtout amour, quand sera venu le moment de nous séparer, gardons en nous, gravons dans notre chair et dans notre esprit l’impérissable, l’inaltérable trace de ce que nous fûmes afin que, plus tard, beaucoup plus tard, cette brûlure réchauffe ce monde glacé...



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