lundi 2 février 2009

27 janvier 1996


C’est l’histoire d’un jeune homme. Un médecin militaire lui annonce tout de go et sans prendre de gants qu’il est atteint, le jeune conscrit, de la maladie qui va si bien avec cette belle et enthousiasmante fin de millénaire. D’abord, il craque, le jeune homme, mettez vous à sa place; il pleure, se débat hurle, prie, se frappe le front sur le bord de la cuvette des W.C., enfin, c’est dur. Mais ce n’est que du cinéma, n’allez pas vous mettre à le plaindre, en vrai il se porte comme un charme, comme moi. C’est un film, disais-je, de Xavier Beauvois et qui est plein d’enseignements, à commencer par celui-ci : la mort c’est difficile à encaisser, de nos jours, alors qu’il fut un temps où elle faisait partie du quotidien, chez les princes aussi bien que chez les bûcherons tout couverts de ramées. Le grand Bossuet s’est un jour écrié: “Qui sont ces gens qui pleurent un mortel ?”,je ne me souviens pas très bien; j’étais tout au fond de la cathédrale de Chartres, il n’avait pas de micro et pour cause, l’électricité n’avait pas encore été inventée, pas plus que la radio et la télévision. Attention, je ne prétends pas et je ne dis pas qu’en ces temps reculés les gens applaudissaient quand on leur annonçait qu’ils allaient avoir la tête tranchée ou qu’ils allaient subir le supplice du pal; pas plus qu’ils ne se mettaient à rire comme des bossus quand le grand père ou le dernier né passait de vie à trépas. Mais enfin, il leur semblait naturel, normal que leur existence ici-bas s’arrête un jour ou l’autre. J’ai même eu l’occasion de découvrir, il y a quelques années, un opuscule où étaient relatés les bons mots de personnages plus ou moins illustres au moment où leur âme s’apprêtait à se faire la malle. Par exemple, cette pirouette d’un gentilhomme du XVIII ème, en cure dans une ville d’eau de nos Ardennes et qui rendit son dernier soupir en murmurant: “ Hé bien, mes bons amis, je m’en vais de ce pas...”.Donc, l’histoire de ce jeune homme. Passé le premier choc, il se découvre une passion irrépressible pour la came sous toutes ses formes et le choix ne manque pas, il se met, en plus, à picoler, à sniffer et fumer de tout et même à pratiquer le coït avec son ami Omar; enfin, je veux dire que Omar et lui pratiquent le coït avec une créature Amsteldaloise dans une chambre d’hôtel, quelque part en Hollande. Il se lance dans le trafic de la cocaïne du plat pays à Paris, il se fait un paquet de fric et file en Italie. Et comme il est aussi étudiant en histoire de l’art, il est doublement séduit par ce merveilleux pays où les ruines de l’Empire romain se rencontrent à chaque coin de rue. Enfin et pour faire court, il brûle ce qui lui reste de vie par tous les bouts dont l’un, puisqu’il tombe éperdument amoureux d’un belle Romaine, ou Florentine, je ne sais plus. Donc, c’est l’histoire d’un jeune homme qui attend de savoir qu’il va mourir pour se mettre à vivre.Je n’aurai pas grand-chose à ajouter, sinon ceci : la vie, en bout de course, nous amène quelque-part, devant un paysage paradisiaque, ou un mur, un trou sans fond ou un écran de lumière aveuglante ou ce que vous voudrez; à un moment, nous nous trouvons devant tout le contraire de la vie, son négatif, si vous voulez, et puis c’est tout. Faut-il attendre d’éventuellement savoir quand nous allons mourir pour nous mettre à vivre ? Et vivre, pour beaucoup, dans ce colossal maelström de misère, d’ennui et de futilités, est-ce encore vivre ? N’est-ce pas dans l’acceptation joyeuse et grave de la vie, dans la conscience de notre fin à venir, que nous pourrons, un jour, inéluctablement, faire face à la mort, la nôtre, plutôt que lui tourner le dos et lui dénier son absolue et radicale réalité ? Vous avez toute la semaine pour y penser...



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