jeudi 5 février 2009

8 janvier 1999

Ah, la famille, le travail, la patrie et les grands idéaux d’amour maternel, paternel et filial... Il ne se passe pas de jour sans que l’un ou l’autre fait divers ne nous raconte dans le détail la mort d’un bébé dans les cuvettes d’un W.C., le passage à tabac d’un gosse de deux ans par un père ou un beau père alcoolique ou l’abandon d’un nouveau né au beau milieu d’un carrefour en plein centre de Bruxelles... Sans compter les horreurs de toutes natures dont on n’a jamais rien su, dont on ne saura jamais rien et qui se passent aussi bien dans les milieux écrasés par la misère que dans ce qu’on appelle “les bonnes familles”. La réaction habituelle, dans le bon peuple est, bien sûr, de se demander comment est-ce donc possible, mon bon monsieur, qui aurait cru ça, avec tout ce qu’on voit dans les journaux, tenez, ça ne m’étonne pas, j’ai toujours dit que ce type avait l’air louche, et sa femme, ne m’en parlez pas, tenez, vous me croirez si vous voulez, je l’ai vue, l’autre jour dans un café avec un homme qui pourrait être son père, alors, hein, ce qui est arrivé à cette pauvre gosse, moi, je vous le dis, ça devait arriver, ah, Madame, à qui le dites-vous...Quant à certains scientifiques, dans le genre bio-ceci ou neuro-cela, il s’en trouve pour débusquer dans le cerveau des rats et des humains les traces tangibles de dysfonctionnements entre les neurones et les synapses ou encore, dans les tréfonds de la matière grise, les traces plus ou moins visibles de malformations cellulaires quand ce n’est pas carrément atomiques qui pourrait expliquer de façon absolument rationnelle, les comportements les plus aberrants comme les plus triviaux, la capacité de celui-ci de torturer à mort un enfant ou un vieillard ou la tendance de cet autre à baisser son pantalon à l’entrée des écoles et d'exhiber son service trois pièces devant les petites filles. Dans l’un comme dans l’autre cas - chez les braves gens et chez les scientifiques - le problème est d’essayer de comprendre, de mettre un nom sur qui distingue le bien du mal, l’acceptable ou l’insupportable ou, pour le dire autrement, le normal du monstrueux. Jusqu’ à preuve irréfutable du contraire, il paraît évident qu’aucune explication ne peut être avancée qui permettrait de déterminer avec certitude les sombres méandres de la conscience humaine individuelle. Bien sûr, on sait déjà que, par exemple, le désir sexuel est provoqué par de subtiles combinaisons chimiques au sein de glandes déterminées chez l’homme et chez la femme; il est clairement établi que les facteurs olfactifs jouent un rôle dans le rapprochement amoureux, à l’instar, d’ailleurs de la plupart des vertébrés, pour autant, je ne suis pas prêt à accepter que les fluides, les réactions chimiques qui se bousculent en moi soient les seuls éléments à prendre en compte pour expliquer pourquoi celle-ci et non cette autre, pourquoi ce chemin-ci plutôt que celui-là, pourquoi mon dégoût et ma répugnance devant toutes les formes d’injustice, de violence et de bêtise.Que je sois traversé par une infinité d’éléments subtils et repérables par l’observation ne fera jamais que je saisisse autrement que par l’émotion pure tel ou tel moment de grâce absolue dans ma relation avec l’autre, cette femme et pas une autre, ce ciel étoilé, la mer grise et indéfiniment changeante ou le sentiment vague, en certains lieux et en des moments quasiment parfaits, d’une présence transcendante et unificatrice. Oui, le malheur existe. Et le bonheur aussi. Il y a du pire et du meilleur, du jour et de la nuit, du positif et du négatif, du salé et du sucré, des naissances et des morts. Il y a des choses devant lesquelles nous ne pouvons que nous incliner et d’autres que nous avons la possibilité, quand ce n’est pas le devoir, de nous insurger. A ce propos, qu’il me soit permis de recommander à ceux qui nous font l’honneur de nous écouter, mes camarades et moi, d’aller, séance de cinéma tenante, découvrir la révélation de ce début d'année : Festen.



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