vendredi 6 février 2009

29 avril 2000

Il y avait, jeudi matin, dans deux des journaux que j’ai eu sous les yeux, de très saisissantes photographies transmises par le télescope “Hubble” qui, vous ne l’ignorez pas, gravite à 620 kilomètres d’altitude et qui, de tout là haut, scrute notre univers avec un regard d’une acuité phénoménale et nous donne l’opportunité de voir bien au delà ce ce qui était imaginable il y a à peine vingt ans. Or donc, jeudi soir, après le repas amoureusement préparé par mes soins, nous en étions, ma chérie et moi à fumer la cigarette d’après souper lorsque, à la suite de je ne sais quel échange, j’en vins à lui parler de ces photographies et à monter dans mes appartements dans le but de me saisir d’un des deux journaux en question -”Le monde”, plus précisément, daté du mercredi 26 avril, où, en pages 26 et 27, apparaissaient ces fameuses photographies accompagnées d’un texte explicatif d’un très bon niveau. En sortant le journal de la serviette de cuir qui me suit partout dans mes déplacements, sans y réfléchir, je mis en marche la petite radio, posée sur l’appui de fenêtre à l’instant précis où une voix dont j’ignorais le propriétaire parlait de physique, de métaphysique, de théorie générale de la relativité et de Big Bang... Le journal à la main, j’entrepris le déplacement en sens inverse, de mes appartements, donc, à la cuisine des appartements de la femme de ma vie, au rez-de-chaussée et, déposant le journal sous ses beaux yeux, je l’informai du fait que je venais de vivre un de ces moments éminemment surréaliste mettant en jeu le hasard objectif cher à André Breton et ses amis et, là dessus, j’allumai sa petite radio à elle, posée sur la machine à laver le linge, pour suivre la suite de la discussion dont les premières bribes m’avaient irrésistiblement mené à cette étrange alchimie qui fait se rencontrer les éléments, les mots, les images, le temps et l’espace pour nous mener au devant de la seule vraie poésie. La voix continuait de se faire entendre, il était question des débuts de l’univers quand, il y a des milliards d’années, la gigantesque, incommensurable et incroyable concentration de matière et d’énergie se mit à se répandre à des vitesses inimaginables, formant les mondes, les galaxies, les soleils, les naines blanches et les super-novas, les géantes rouges et les masses sombres de l’anti-matière, avec, en bout de course, l’apparition ici et ailleurs, peut-être, de la vie. Et après la première cellule vivante, l’évolution irrésistible qui mène à l’homme. Pauvre bipède menacé de toutes part, qui traverse les siècles et fait l’histoire, s’invente des dieux pour se sentir moins seul, regarde le ciel, la nuit, assis sur une pierre et tremble de bonheur et de crainte devant le merveilleux spectacle qui s’offre à lui. Pauvre bipède que je suis, qui se pose cette terrible question: et juste avant la première micro-seconde de ce désormais si confortable “Big Bang”, juste avant, donc que commence l’univers, il y avait quoi ? Et d’où venaient cette matière et cette énergie, où diable se nichaient-elles, qu’est-ce qui les retenaient jusque là de se répandre comme elles l’ont fait...? Est-il possible d’imaginer ne serait-ce qu’un instant que dans un premier temps, dans l’absence absolue de temps, il n’y avait ni matière, ni poussière infinitésimale, ni la moindre petite parcelle d’énergie, ni rien du tout, nulle-part, que partout, à l’infini, il n’y avait qu’un vide absolu, du rien répandu, même pas une nuit glacée et profonde, ni seulement des eaux glacées, non, seulement et strictement du rien, une colossale absence... et puis, d’un coup, d’un seul coup, cette explosion, ce souffle brûlant et puis nous, plus tard, qui sommes encore et toujours orphelins, qui naissons et qui mourons sans que rien ne nous permette de comprendre pourquoi les choses sont ainsi, pourquoi les astres tourbillonnent, pourquoi les galaxies entrent-elles en collision, pourquoi les soleils s’éteignent-ils, eux aussi... Je ne peux me satisfaire de ce dieu moralisateur et méchant au nom duquel on excommunie et punit, Dieu ne peut-être qu’un principe VERTIGINEUX...



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