vendredi 6 février 2009

6 mai 2000

Je crois vous avoir déjà parlé, à demi-mots, du quartier où je vis depuis maintenant un peu moins de deux ans; ce que je ne vous ai encore jamais dit, c’est que ce quartier, outre le fait qu’il est à un quart d’heure, à pied, de la gare principale de Liège et qu’on appelle la gare des Guillemins, à dix minutes d’une autre gare, celle de Jonfosse, à dix minutes du centre ville, à pied toujours; je ne vous ai jamais parlé de cette autre particularité de mon quartier qui est, également, d’abriter une moyenne surface commerciale où l’on trouve à peu près tout ce qui est nécessaire à l’approvisionnement en denrées diverses, avec des caissières, toujours les mêmes, des serveuses et serveurs du rayon boucherie, toujours les mêmes, aussi, avec qui je discute le bout de gras quand il n’y a pas trop de monde à attendre son tour, avec qui, en tous cas, je mets un point d’honneur à être toujours parfaitement correct tout comme, avec les caissières, je ne rate jamais l’occasion d’un bon mot ou de l’une ou l’autre pirouette dont j’ai le secret et qui fait de cet endroit, plutôt qu’une superette ordinaire, une manière d’épicerie du coin un peu à la manière de celles qui se trouvaient dans le quartier de mon enfance et où ma mère m’envoyait pour un kilo de patate, un paquet de margarine ou une barre de chocolat. Juste en face de la superette, sur le trottoir d’en face, il y a un bistrot que j’ai commencé à fréquenter à l’époque - il y a deux étés - où j’entreprenais les travaux de peinture, de tapissage et autres vernissages de plancher de mon futur appartement. Il me faut préciser que, juste à côté de la superette, se trouve aussi une surface où l’on trouve tout ce qui a trait aux travaux de bâtiment et au jardinage et que, mis à part la baguette et le pâté que j’allais acheter en face, je trouvais là-bas les peintures, brosses, papiers peints, enfin, tout le nécessaire pour faire d’un lieu passablement sinistre, un appartement clair, frais et joyeux dans la pièce arrière duquel je suis présentement en train de rédiger cette chronique avec la fenêtre ouverte sur le jardin et mon vieux pote le merle qui s’époumonne comme chaque soir depuis que le printemps est là et c’est une bien belle soirée que celle-ci. Donc, ce bistrot. Pendant des semaines, il y a bientôt deux ans maintenant, j’y entrais avec un tonitruant “M’sieurs, dames” sans qu’aucun des clients accoudés au comptoir ne daigne répondre à mon salut, je sais aujourd’hui pourquoi. C’est que, voyez vous cet endroit est un véritable café de quartier, avec ses habitués qui font la bise à la patronne, qui se connaissent tous depuis des années et qui, par dessus tout, tiennent à leur tranquillité et qui, d’instinct, voient d’un mauvais oeil le “nouveau” dont on ne sait rien et pour cause et que, dans le doute quant à ses intentions, ils préfèrent, dans un premier temps, tenir relativement à distance. Vous aurez compris que si j’en parle aujourd’hui c’est que, bien évidemment, avec le temps, j’ai été adopté, de même que la femme de ma vie qui, lorsqu’elle m’accompagne à l’occasion des courses du soir, me tient aussi compagnie pour l’apéro ce qui n’est pas pour déplaire à certains qui, quand ça se trouve, s’invitent à notre table. Nous avons eu de très beaux et intenses moments avec l’un ou l’autre; ce n’est pas tous les jours, bien sûr et, quand je suis seul pour l’apéro, je me mets au comptoir et il m’arrive de ne pratiquement rien dire à personne; ou bien, pour peu que je sois en forme, je fais mon petit numéro et on se marre plutôt vachement bien. Ce genre d’endroit, avec les mêmes têtes à chaque jour qui passe, avec la patronne toujours assise au même endroit, sur son tabouret, au bout du bar, qui se trouve à gauche en entrant tandis qu’en face on trouve de ces vieilles banquettes de skaï et des tables en formica imitation bois, a, à mes yeux, autant d’importance que, par exemple, les merveilleuses petites salles de cinéma du Churchill, au centre ville. Ce sont des endroits à échelle humaine, tout simplement et ça n’a pas de prix ces petites conneries là. Et si je vous dis, pour finir, que c’est à cause de l’enseigne que j’y ai mis les pieds pour la première fois, vous allez tout comprendre: Ce bistrot s’appelle “La belle équipe”... hé oui, comme le film de l’autre...


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