jeudi 12 février 2009

10 mai 2005

C’est une évidence qui ne devrait normalement échapper à personne: nous vivons une époque décidément bien singulière. Il y a gros à parier que le premier sage grec venu ou n’importe quel humain des temps anciens perdrait la raison et peut-être même la vie en l’espace de quelques minutes s’il se trouvait plongé dans la réalité qui est la nôtre. Cela dit, malgré les inconvénients et imperfections de plus ou moins grande importance, selon le jugement que l’on peut en avoir, il paraît bien que le monde, tel qu’il va son actuel bonhomme de chemin, peut encore compter sur un certain nombre de volontaires prêts à se dévouer à l’édification du futur. Nombreuses et touchantes, en effet, sont les nouvelles figures qui se bousculent et nous interpellent, font des signes et des sourires et remplissent nos boîtes à lettres d’appels pressants et de projets qui devraient, à les en croire, susciter chez nous tous un enthousiasme débordant et une adhésion inconditionnelle ce qui est loin d’être le cas à ce qu’il me semble. Mais peut-être manquons nous de discernement ou de confiance en l’avenir, ou bien aussi sommes nous décidément par trop méfiants, habitués que nous sommes à la désillusion et au désenchantement qui sont le propre des temps qui sont les nôtres. Toujours est-il que, selon moi, d’où qu’ils viennent et quels que soient leurs états de service dans la culture, le syndicalisme ou autre domaine où ils disent avoir été particulièrement actifs et brillants, je ne peux me départir, à l’encontre de ces nouveaux venus, d’une impression de déjà vu. En réalité, voyez vous, tout cela m’ennuie autant que certain film, vu récemment et qui, comme d’autres, m’a laissé sur ma faim. Voilà, c’est exactement cela, le monde, ce monde-ci, me laisse sur ma faim, il m’irrite plus qu’il ne pourrait encore me révolter. Et s’il m’est arrivé, tout récemment, de faire allusion à la révolution, souhaitable malgré les bouleversements imprévisibles qu’elle entraînerait nécessairement, sans pour autant renier mes propos, il me semble devoir redire que, selon toute vraisemblance, notre génération, en tout cas, n’aura pas le bonheur de la connaître et d’y participer. Au moins, aurons nous sentis souffler sur nos consciences endormies, la belle chaleur de ce lointain mois de mai -trente-cinq ans, déjà- qu’un ministre-philosophe, s’adressant aux enseignants de France, rend responsable de tous les maux dont souffre la jeunesse de la république. Pour Luc Ferry, en effet, si les jeunes mettent si peu d’ardeur aux études, s’ils s’adonnent avec tant de frénésie aux jeux électroniques ou à l’affrontement avec la police dans les banlieues, c’est la faute à leurs parents bercés par les illusions et les rêves que ce printemps là avait fait naître. Je connais très bien un jeune, Antoine, qui se trouve être le plus jeune de mes fils et je puis témoigner que, derrière une apparente indolence et cette fascination pour le monde de l’informatique sous toutes ses formes, se trouve une manière de regarder et juger cette époque et son cortège de malheur qui pourrait en remontrer à certains de nos représentants, élus ou en voie de l’être. L’aveuglement et la mauvaise foi de la plupart d’entre-eux devant les immenses questions soulevées par notre mode de vie et les choix qui en découlent à tous points de vue n’échappent pas à cette génération sensible par dessus tout aux problèmes environnementaux. Me sont venus aux oreilles, dans des circonstances dont je vous épargnerais les détails, d’autres témoignages, recueillis dans des classes que ces jeunes fréquentent et qui, tous, vont dans le même sens. Que celles et ceux qui ont plus ou moins mon âge et qui ont vécus, comme moi, les évènements de ces cinquantes dernières années ne désespèrent de rien, l’histoire réservera très certainement à nos descendants d’autres amères désillusions mais aussi d’autres belles surprises...




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