dimanche 8 février 2009

21 mai 2001

Je suis content, très content pour Nanni Moretti et c’est tout ce que je dirai à propos du festival de Cannes. Ceux qui y étaient, à commencer par Jean-Lou Dupont et son inséparable ingénieur du son, ont assez de choses à raconter; pour ma part je n’étais pas invité et je n’en éprouve aucun mais alors aucun regret, jai suivi tout ça de très loin et je n’ai retenu que la palme d'or attribuée à Moretti pour qui j’éprouve la plus grande sympathie, qu’il se le tienne pour dit. Pour le reste, je nai ni plongé dans l'eau de la piscine, ni navigué sur le web, je ne suis pas allé au cinéma, je nai pas pris de cuite, jai regardé un peu la télé - le concours Reine Elisabeth, entre-autre - enfin, j’ai mené une existence à caractère printanier, avec des petites promenades d'après souper, de longues minutes, assis sur le transat dans la petite cour qui jouxte le jardin, dans la simple contemplation du feuillage du pommier et des arbustes qui ont poussé dans un beau désordre de verts de toutes nuances; j'ai, chaque jour, confectionné le repas du soir avec un plaisir sans cesse renouvelé et puis je me suis penché à la fenêtre, j’ai lu, j’ai fait de belles siestes avec des rêves bizarres, comme tous les rêves. Pour ce qui est de mes lectures, je ne peux résister à l’envie de partager avec vous ma dernière rencontre, je dis rencontre parce que je suis intimement persuadé qu'en cette matière comme en d’autres, la part de hasard qui prévaut à l’évènement n’est en réalité que la manifestation d’une pure nécessité. Que je vous raconte. Il y a quelques semaines, traînant à la librairie de mon quartier après avoir acheté le journal et parcourant sans idée ni intention particulière, les titres des innombrables revues, hebdomadaires et mensuels de toutes sortes, mon regard fut attiré par un excellent magazine, qu’il m’est arrivé d’acquérir en fonction des thèmes ou des auteurs auxquels sont consacrés de remarquables analyses; le Magazine littéraire, ça s’appelle et le numéro de janvier portait comme titre “le retour des sceptiques”. Bien. Je l’ai sorti du rayonnage dans lequel il attendait sagement que l’un ou l’autre curieux s’en saisisse, je l’ai feuilleté, jai sorti de ma poche la somme nécessaire et je suis entré dans ce bistrot de la rue St. Gilles où jai, comme on dit, mes habitudes, surtout celles du matin, qui consistent, une ou deux fois par semaine, en la lecture du journal avec un café très sucré, un croissant de la petite boulangerie qui se trouve juste à côté et la gauloise roulée pour faire passer le tout. Et puis, là, j’ai commencé la lecture que j’ai poursuivie, les jours suivants, à mon rythme, qui est de plus en plus lent, posé, si vous préférez et pas seulement pour ce qui est de la lecture. Comment donc, et pourquoi, cette revue, ce titre, à ce moment là et pas à un autre ? Pensez que, le lendemain, elle aurait peut-être été enlevée du rayonnage, ou bien je ne serais pas allé dans cette librairie-là mais dans une autre, dans un autre quartier, et alors je ne l’aurais pas aperçue, je ne l’aurais pas achetée... Mais il se fait que les circonstances m’ont mis en sa présence et c’est le plus important; je crois, voyez vous, que, d’une certaine façon, les événements nous attendent bien plus que nous les attendons; je crois qu’il y a des moments clés dans chacune de nos vies et que lorsqu’ils surviennent c’est que, véritablement, il ne pouvaient que survenir. Pensez à la rencontre avec la femme ou l’homme de votre vie, à ces instants privilégiés qui font que vous avez trouvé, je ne sais pas moi, votre premier boulot, cet appartement qui était exactement celui que imaginiez, et tout ça et tout ça. Dans l’ordre des choses de l’esprit, de la connaissance, il en va de même pour ce qui regarde le besoin irrépressible de tenter de comprendre ce qui se joue en nous et autour de nous. Je suis de plus en plus persuadé que, à chaque tournant important de cette quête, il se trouve, caché dans les pages de ce livre-ci ou de celui-là, les mots que nous attendions, les phrases qui nous ressemblent et qu’ils arrivent et se montrent à nous au moment exactement propice, juste celui qui était nécessaire. C’est ainsi parce-qu’il ne pouvait en être autrement...


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