lundi 9 février 2009

24 novembre 2001

Le facteur a déposé, l’autre matin, dans ma boîte à lettres, un lot de trois livres parmi les derniers publiés par YELLOW NOW, l’éditeur de Crisnée qui, en son temps, permis que soit diffusé le recueil d’une trentaine de mes chroniques sous la forme d’un beau petit livre qui peut encore se trouver pour autant que l’on se donne la peine de chercher un peu, c’était une parenthèse. Deux de ces ouvrages traitent très spécifiquement de cinéma quant au troisième, il est d’Olivier Smolders et je vous le recommande très chaudement, je vais dire pourquoi. D’abord le titre de ce livre: “Expérience de la bêtise”, avec, en sous-titre, ceci “Où l’on apprend à aimer les vessies autant que les lanternes”. Maintenant, pourquoi, après l’avoir dévoré d’une traite en un peu moins d’un quart d’heure - il s’agit de considérations sous forme de pensées ou d’aphorismes plus ou moins brefs et il y a pas mal d’espace entre chacun, ce qui explique la brièveté du temps nécessaire à une première lecture- pourquoi, disais-je, cette immédiate sympathie avec cette pensée qui n’en n’est pas une ou qui, en tout cas, prend la précaution de paraître la manifestation d’un jeu ou le sérieux du propos le dispute avec l’ironie et l’humour. C’est que, par certain côté, ce qui est ici exposé n’est rien moins que la nécessaire rupture d’avec le sérieux et la fatuité qui prévaut dans les milieux “intellectuel” et, plus généralement, dans la conscience commune qui voit dans le savoir, la connaissance, la recherche des ou de la vérité, le chemin obligé vers la compréhension des choses, des phénomènes et des êtres. Smolders, sans y prétendre et comme naturellement, pratique ici, très strictement, un remarquable exercice de philosophie en cela qu’il propose, ni plus ni moins, que nous en finissions avec les illusions du savoir, de l’érudition ou de la culture pour, d’une certaine manière, renouer avec un esprit de l’enfance et du jeu, rompre radicalement avec toutes les idées reçues et les diktats du “bien penser” qui n’est que la partie visible d’une farce monumentale qui a son fondement dans l’éducation, l’instruction obligatoire et autres mirages qui prétendent nous faire accroire que plus on en sait, mieux on peut conduire sa vie et goûter au bonheur. La thèse de notre auteur prend exactement le contre-pied de cette prétention en postulant que la bêtise, indiquée ici en italique afin qu’on la distingue de l’autre bêtise, qui n’est pas art de vivre mais bien fatalité, oubli de soi et morne platitude, que la bêtise, donc, est corrélative d’une forme de l’innocence et de la gratuité de tout en même temps que de la conscience pure de ce qui constitue le fond commun à tout ce qui existe, à savoir, son côté éphémère, passager et, pour finir, mortel. Mais qu’on ne s’y trompe pas, Olivier Smolders ne prétend à aucune forme de sérieux, il ne professe aucune vérité; il ne fait que suggérer, comme en s'en moquant, une autre manière de voir, de sentir, de vivre, enfin, débarrassé des scories du bien penser et des conventions. Car enfin, je vous le demande, en quoi le savant, le philosophe, l’intellectuel ou le spécialiste de service qui passe à la télévision quand on le siffle, en quoi ces gens devraient-ils être tenus pour plus importants ou nécessaires à la marche du monde - voyez comment il va, le monde, tout de même - que cet homme simple qui, le dimanche, chausse ses bottines de marche et parcours les campagnes, le nez en l’air et les oreilles aux aguets, dans l’attente de ces événements paraît-il sans importance que sont les chants des oiseaux, la couleur des feuilles aux arbres de l’automne, celle du ciel par dessus la rivière qui traverse les champs ou bien encore l’odeur de la terre mouillée par la pluie. En quoi peut-il, cet homme, être le moins du monde intéressé par la nature moléculaire de la feuille morte, en quoi pourrait-il ou devrait-il être sensible à la quantité d’eau de la rivière, calculée en centilitres-cubes, passant à tel ou tel autre endroit de son cours ? Une citation ? Une: “La bêtise commence par l’art de ne se laisser poisser par aucun discours, de s’interdire toute opinion, de rester à l’écart ou, pour donner le change, de toujours prendre parti, de hausser le ton, de faire diversion”. Allez,soyons bêtes...



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