Le Cinéma “Le Parc” est une grande salle. Je dirais, à vue de nez, qu’elle peut accueillir quelque-chose comme quatre-cents spectateurs dans les confortables sièges de velours rouge qui déroulent leurs vagues écarlates du fond de la salle jusqu’au premier rang, là où on a le nez sur l’écran, qui se dresse alors, pour les derniers arrivés, tel un mur au pied duquel il s’agit de lever la tête et de la faire aller de gauche à droite, un peu comme au tennis, pour tenter d’y voir clair dans le déroulement du film. J’ai horreur d’être au premier rang, au cinéma. Samedi dernier, lorsque ma belle et moi sommes arrivés au “Parc”, après une lente et paisible traversée de notre chère ville de Liège, à pied, bien sûr, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’y avait pas foule. J’ai compté en entrant dans la salle: très exactement sept personnes, dispersées un peu partout et parfaitement à leur aise et, quelques secondes avant le début de la séance, dix minutes après notre arrivée, j’ai recompté: une petite cinquantaine de spectateurs. Serait-ce, me demandais-je subitement, que le film que nous avions projeté de voir n’attire pas les foules et alors, m’interrogeais-je encore dans le secret de ma cervelle qui en vaut bien une autre, pour quelles obscures raisons... Les bandes annonce me tirèrent de la somme abyssale des questions qui se bousculaient en moi et ce n’est qu’après la projection des ”Portes de la gloire”, devant un café noir très sucré que les choses m’apparurent dans toute leur clarté: samedi, à Liège, c’était la City-parade; avec ces dizaines de milliers de jeunes qui se trémoussent au son de ce qui leur semble, à eux, être de la musique, cette “Techno” et “House music” qui fait boum-boum tchic-tchic, que mon fils Antoine adore et à laquelle, à l’occasion, il tente de me convertir... C’était City-Parade, le centre-ville était interdit à toute circulation et le “Parc” étant situé à la périphérie, ceux qui avaient peut-être pensé se déplacer, en voiture pour la plupart, (les cinéphiles ont de préférence une voiture, sauf moi, qui suis tout sauf cinéphile), avaient préféré ne pas tenter l’aventure. Ou bien alors beaucoup de cinéphiles s’étaient-ils, pour l’occasion, déguisés en jeune et avaient-ils passé la journée et une partie de la nuit à se trémousser et à boire des bières tièdes dans des gobelets de plastique; avec les cinéphiles, on ne sait jamais. Mais parlons un peu cinéma et plus particulièrement de ce film; nous pensions qu’il allait nous mettre de plutôt bonne humeur, que nous allions rire et nous esbaudir, nous poiler et nous marrer hé bien non, cette histoire est tout ce qu’on veut, sauf rigolote. En réalité, il s’agit là, selon moi, bien sûr d’une manière de fable douce-amère qui, à sa façon - un peu longuette à mon goût - trace le portrait, plutôt réussi, de cette époque et de ce monde, que vous connaissez aussi bien que moi, qui n’autorisent la vie qu’à la condition expresse que tout ce qui a un rapport avec elle soit payant. Pour le dire plus justement, ce monde et cette époque ont fait de toute la réalité, de toutes les manifestations imaginables de la réalité, un colossal super-marché où tout, absolument tout est à vendre et, conséquemment, à acheter. Et toute notre vie se passe, d’un côté et pour les uns, à tout faire pour vendre et, pour les autres, à devoir et être dans l’obligation absolue de tout acheter. Mais j’enfonce des portes ouvertes; dès aujourd’hui beaucoup d’entre-vous vont se mettre en route pour des destinations plus ou moins lointaines, quelques-uns, dont je suis, vont sagement et sans aucun regrets, rester bien peinard au milieu de ceux qui n’auront pas pu s’acheter le soleil, la plage, la foule et les encombrements sur les autoroutes en prime, enfin, les vacances commencent, et ce que j’en pense ne m’empêchera pas de vous les souhaiter pleines de surprises, de moments heureux, enfin, tout ce que vous en attendez. Si tout va bien je vous retrouverai avec un égal plaisir le 1er septembre, c’est un samedi, étonnant, non ? comme disait l’autre...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire