lundi 9 février 2009

12 janvier 2002

Il y avait Barry Lyndon, l’autre soir et, comme de bien entendu, j’ai honoré la mémoire de Stanley Kubrick; pour le dire de manière claire et accessible à tous, je me suis planqué devant mon téléviseur et je ne l’ai quitté des yeux que pour accueillir l'amie, qui s’est installée dans mes bras pour s’endormir dans les quelques minutes qui ont suivis. Elle a donc manqué la troisième partie de cette édifiante histoire, celle où Barry commence à descendre la pente au sommet de laquelle il pensait pouvoir rester toujours. Édifiante histoire, disais-je, en ceci qu’elle vaut pour tous les temps et pour toutes les époques, y compris la nôtre qui s’y entend en séduction et qui, même, en use comme jamais auparavant. Car, si Barry séduit la belle épouse de Sir Richard, avec, pour seul objectif, celui de prendre la place du futur défunt mari, notre époque, elle, a su développer les moyens les plus sophistiqués et les plus élaborés dans le seul but de séduire les milliards d’êtres humains qui peuplent cette planète. Et séduire, qu’est-ce que cela veut dire ? Je m’en vais vous l’apprendre et, pour cela, consulter mon petit Littré où je trouve ceci: Séducteur (ou séductrice), celui ou celle qui séduit, qui fait tomber en erreur ou en faute. Celui, celle qui corrompt l’innocence, la vertu. Séduire, faire tomber dans l’erreur; détourner du chemin de la vérité, faire manquer à un devoir, à ce qu’on doit. Bien évidemment, la séduction doit être entendue, aussi, au sens d’heureuse présence, de manière d’être; dire d’une femme qu’elle est séduisante c’est faire référence à sa beauté, peut-être, à son charme, en tout cas, enfin, à ce qui émane d’elle. Dirais-je qu’il faut se défier de celles ou de ceux qui trop séduisent ? Oui, je le crois. Car, au vu des définitions du Littré il apparaît bien que, derrière la volonté, consciente ou non, de plaire, peut se cacher la mauvaise intention, celle de tromper et de nuire; cela est-il toujours et immanquablement le cas ? peut-être pas; j’en connais pour qui séduire est une nature première sans que, pour autant, il puisse y avoir aucune forme de calcul derrière cette singularité et sans doute, en ce sens et à des degrés divers, sommes nous tous peu ou prou des séducteurs en ceci que, simplement, nous avons le besoin d’être reconnus; cette démarche étant liée à ce qui caractérise notre espèce, c’est à dire, la socialité, l’être ensemble. Vue sous cet angle, la séduction est alors absolument innocente, sans arrières pensées, inhérente à notre humanité et il n’y a pas lieu de prétendre en juger. A l’opposé, à l’exemple de Barry Lyndon et des publicitaires, qui sont les porte-voix des commerçants, l’opération de séduction est strictement en adéquation avec la définition qu’en donnait, il y a plus de cent ans, un certain Sardou, auteur d’un nouveau dictionnaire des synonymes et qui observe que “séducteur exprime l’action propre de s’emparer de quelqu’un, de l’égarer par des moyens adroits et insinuants”. Et que font d’autre, je vous le demande, les prétendus communicateurs qui, de mille façons, nous font accroire que sans cette voiture ou cet ordinateur, cette poudre à lessiver ou cette crème miracle, notre vie ne vaut pas la peine d’être vécue ? Comment ne pas compatir au destin tragique de Barry Lyndon qui, en son temps, déjà, croyait que le bonheur ne pouvait passer que par l’argent, le pouvoir et les simulacres d’honneur et de considération qu’il dispense. Et puis aussi, comment ne pas être absolument d’accord avec ce bon vieux Montaigne qui disait à peu près ceci : “même sur les plus hautes échasses, ce sont nos jambes qui nous font avancer, aussi haut que soit le trône, c’est tout de même notre cul qui est assis dessus”. J’ai la faiblesse de penser, voyez vous, qu’il nous faut réapprendre un certain nombre de choses très élémentaires, très simples comme, par exemple, un perpétuel étonnement, l’habitude de ne se laisser abuser par rien ni par personne, d’être toujours aux aguets et de jouir du moment qui passe et qui ne reviendra pas.




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