jeudi 12 février 2009

4 septembre 2004

Je suis allé à la mer. Avec Antoine et sa jeune compagne. Comme ça, sur un coup de tête, pour effacer la terrible déception que les deux jeunes avaient éprouvés à la suite d’un projet qui ne s’était pas concrétisé. Ainsi donc, j’ai trouvé, dans l’urgence, un petit studio à quelques dizaines de mètres de la digue, nous avons pris le train puis le tramway de la côte et puis voilà. Pendant que les chers petits se doraient au soleil et prenaient des bains de mer, moi, avec mon short, les pieds nus, je faisais de longues promenades, de l’eau jusqu’aux mollets en longeant les vagues et à l’affût des minuscules évènements que j’affectionne. Les deux petits vieux tout ratatinés, elle avec sa robe retroussée et son chapeau de paille, lui le pantalon en accordéon, bras-dessus, bras-dessous, barbotant dans l’eau salée. Le jeune papa assis sur le sable mouillé pendant que son jeune bébé, assis entre ses jambes, nu comme un vers, riait de voir les vaguelettes monter et descendre et entourer son petit corps potelé. Et puis ces fortes femmes, sans complexes, exhibant leurs bourrelets et leur cellulite, allongées sur le sable chaud pendant que leurs maris faisaient une partie de boules. J’ai trouvé tout cela absolument charmant et même émouvant. Tous ces gens, qui ne peuvent s’empêcher de pratiquer le badminton, le tennis, le volley ball, le football, et qui, le soir venu, se promènent le long de la digue, prennent un verre aux terrasse des bistrots, les gosses qui foncent à toute allure sur leur vélo ou leur cuistax... Bon, tout ça ne vaut pas un clair de lune à Maubeuge ou des vacances au Kremlin-Bicêtre mais je me suis senti bien, détendu, calme, serein. Et j’ai regardé les nuages. Je les regarde de plus en plus, les nuages. La semaine dernière j’ai pris un bus qui allaient vers la Hesbaye, à quelques kilomètres de Liège. La Hesbaye, c’est plat, un peu comme un avant-goût des Flandres. Et le ciel paraît plus vaste. Je suis descendu du bus au hasard et j’ai marché, le nez au ciel. Il y avait, là haut un spectacle de toute beauté. Des nuages, des tas de nuages. Des gris presque noirs, qui roulaient et roulaient au premier plan; et plus haut, des gris légers et floconneux, avec les bords illuminés par les rayons obliques du soleil. Ne riez pas mais les nuages, il me semble qu’ils ont des choses à me dire, qui ont à voir avec l’éternité. J’ai ressenti la même chose, assis sur le sable encore tiède, en regardant le soleil se coucher, le dernier soir de notre séjour. Là aussi, c’était grandiose, au delà des petites et mesquines contingences de nos vies, qui passent si vite. Les nuages, eux, et le soleil se disputaient les faveurs du ciel bien avant que notre espèce ne voit le jour. Et quand nous aurons disparus, ils seront encore là, les nuages, le soleil, les haies le long des plantations de betteraves, les arbres centenaires et les prés, les fourmis et les araignées, les papillons, les mulots, les taupes sous la terre, cette majestueuse Nature enfin, dont nous ne sommes peut-être, après tout, qu’un accident. Je suis allé au cinéma, aussi et j’ai énormément vibré en voyant ce merveilleux film du coréen Kim Ki-Duk. Ca s’appelle «Printemps, été, automne, hiver et... printemps». C’est d’une immense poésie, c’est une leçon de philosophie orientale et c’est une fable qui nous dit que l’amour humain peut mener au parfait bonheur comme aux pires tourments. En rentrant, ce soir là, en compagnie d’un verre de vin, je me suis remis en mémoire quelques-uns des préceptes de Lao-Tseu et j’ai longtemps savouré le silence de ma cour-jardin en suivant le lent et langoureux cheminement d’un énorme escargot, avec sa maison noire sur le dos. Au dessus de ma tête, le ciel était bleu, de légers nuages glissaient, eux aussi langoureux et tendres. Je pensais que la vie était une chose merveilleuse, fragile et incertaine, qui nous brûle ou nous glace, selon la bonne ou la mauvaise fortune...





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