dimanche 8 février 2009

17 janvier 2001

Jeudi matin, comme tous les jours que dieu veut bien continuer de faire, je suis sortis de chez moi pour acheter le journal et prendre mon café dans un bistrot de la rue St. Gilles qui convient parfaitement à la permanence des petites habitudes auxquelles je ne déroge qu’exceptionnellement. Oui Mesdames et Messieurs; j’ai mes habitudes; j’adore la vie de quartier, j’aime me retrouver en pays de connaissance, pousser la même porte vitrée, être accueilli par un patron souriant, m’asseoir à la même table, autant que possible et me livrer à mon petit rituel quotidien. Je commande mon café, avec trois sucres et pas de lait, merci mademoiselle - la demoiselle c’est une des deux serveuses, un matin c’est l’une, le lendemain c’est l’autre - en attendant que le breuvage atterrisse sur la table, je parcours la première page du journal en me roulant une Gauloise. Quand le café est là, j’ouvre les trois sachets de sucre que je verse dans la tasse, je mélange, j’allume la cigarette et j’ouvre le journal, voilà. Je passe dans cet endroit une petite demi-heure et puis, hop, je remonte chez moi. A propos d’habitudes, il y a cette petite pensée de Nietzsche, qui dit “Les habitudes sont excellentes à condition d’en changer souvent” ce avec quoi je suis parfaitement d’accord pour ce qui concerne le trajet que j’utilise pour partir et revenir de chez moi; j’ai effectivement le choix entre plusieurs rues et, au gré de ma fantaisie et de mon humeur du moment,j’emprunte tantôt celle-ci, tantôt cette autre; parfois je passe par le Jardin Botanique qui abrite, depuis l’automne dernier, un Héron, qui est toujours à peu près à la même place, au milieu des mouettes, des pigeons et des poules d’eau, parfois sur ses deux pattes, parfois sur une seule, je suppose qu’il a ses humeurs aussi et que, comme moi, il tient à ses habitudes. Ce qui était palpable, ce jeudi, c’était l’arrivée, à tous petits pas, du printemps dont vous n’ignorez pas qu’il constitue ma saison favorite; les moineaux faisaient un vacarme absolument charmant dans chaque centimètre carré disponible, du plus petit buisson aux arbres qui attendent que la sève monte et le premier merle m’a salué, le même, peut-être, que l’année dernière, alors que j’arrivais en vue de mon immeuble. Pourquoi je vous raconte tout ça, je sais pas trop bien, ce que je veux encore dire, par contre, je le sais: j’aime beaucoup Chabrol et, l’autre soir j’ai regardé un vieux film de lui, “Les cousins” avec Jean-Claude Brialy et Gérard Blain, si je ne me trompe pas ça date de 1958 et ça se passe à Paris dans le milieu étudiant de l’époque. Brialy est un flambeur - il a des moyens - et Blain vient de sa lointaine province pour étudier le droit ce qu’est censé faire son cousin qui préfère les jolies femmes aux amphithéâtres de la Sorbonne, organise des fêtes qui se terminent dans la plus insouciante des confusions. Je n’entrerais pas dans les détails de cette histoire mais, dans les grandes lignes, la voici: Le provincial est un bûcheur, pendant que les autres s’amusent, il étudie; alors que les autres passent allégrement d’une fille à l’autre et que les filles passent allégrement d’un garçon à l’autre, lui tombe amoureux, mais ça se termine en eau de boudin et c’est le cousin qui rafle la belle et qui réussit ses examens sans avoir rien étudié alors que l’autre, qui a passé des nuits devant ses cours, échoue lamentablement. Et puis, par désoeuvrement, faisant joujou avec le revolver qui fait partie de la collection d’armes de son cousin, après avoir placé une balle dans le barillet et tiré en direction de la tête du fêtard endormi - ça fait seulement “clic”- il dépose l’arme sur un fauteuil et s’endort. Et le lendemain matin, au cours d’une discussion banale, le cousin de Paris, ayant récupéré le revolver, dont il ignore évidemment qu’il est chargé, le pointe en direction du perdant de service et tire, ça fait “Pan” et le pauvre s’effondre. Et puis c’est fini. Moralité , quoi que vous fassiez, quoi que vous entrepreniez, avec ou sans les meilleures intentions du monde, quels que soient les rêves que vous poursuiviez, à un moment ou à un autre, le destin vous tapote l’épaule, en toutes saisons, vous vous retournez et vous vous retrouvez face à la mort, qui ne rate jamais son coup. Quand c’est l’heure, c’est l’heure...



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