jeudi 12 février 2009

11 juin 2005

Il faut que je vous parle d’un lieu et de celui qui y vit. Le lieu, il se trouve à Moircy; un tout petit village à quelques kilomètres de Libramont. Celui qui y vit s’appelle Christian Van Cauwenberghe, dit Van Cau, qui est son nom d’artiste. Nous sommes amis depuis 1969. Faites le calcul: Une amitié de 36 ans, ce qui n’est pas une mince affaire. Van Cau, donc est le genre du genre à avoir eu un parcours tout à fait a-typique. D’origine Gantoise, il fait son droit à Liège, est engagé par un organisme bancaire pour lequel il va par monts et par vaux afin de motiver les responsables des agences disséminées un peu partout en Wallonie. A la fin des années soixante il se retrouve à la tête d’une agence à Libramont, à l’étage de laquelle il s’installe. Et, un jour, au cours d’une promenade, il passe par Moircy et là, c’est le coup de foudre. Une grange à l’abandon avec, à l’arrière, un vaste verger où chemine une rivière. Il achète la bâtisse, la retape et la transforme de ses mains et l’aide de quelques autres et en fait un logement parfaitement habitable. Petite parenthèse, en passant; vivant dans la belle province du Luxembourg, avec ses formidables forêts, son gibier, ses saisons bien marquées, il se met à la parcourir en tous sens, faisant de longues promenades en solitaire, découvrant la profusion sauvage d’une nature quasiment intacte. Et c’est au cours de ses déambulations, de forêts en sous bois, de clairières en ruisseaux qu’il se met à ramener de ses promenades ce que les hommes, distraits comme ils sont, abandonnent un peu partout sur cet immense territoire. Morceaux de tôles, débris de toutes sortes, mais aussi, branchages, troncs délabrés par le temps et les intempéries, champignons géants aux pieds des vieux arbres, cailloux de toutes formes et de toutes dimensions. Et de tout cela il fait des objets, des supports, plutôt, qu’il peint de couleurs vives: Des bleus, des rouges, des jaunes, des verts. Et, petit à petit, dans ce qui est devenu son atelier, tout cela s’accumule, prend de plus en plus de place, occupe un volume qui va grandissant de mois en mois et d’années en années. J’ai suivi, de loin en loin, ce chemin singulier. Qui est aussi bien, un cheminement intérieur, un travail d’artiste à la marge des courants et des modes et qui mettra du temps à être reconnu. Aujourd’hui, c’est chose faite. Plus de vingt ans d’un travail de tous les instants, des peintures partout, les siennes et celles de ses amis et, dans ce qui est devenu un espace magique, ce verger transformé en un Paradis terrestre de quelques centaines de mètres carrés, de hauts totems colorés montent la garde au bord de trois étangs, qu’il a creusé lui-même, où nagent des poissons rouges, où passent les truites et qui sont bordé d’une végétation luxuriante faite de centaines d’essences qui clôturent ce jardin extraordinaire. Samedi, c’était la naissance officielle de la Fondation Van Cau. Qui aura à charge de sauvegarder cet extraordinaire patrimoine de Culture et de Nature et qui mettra un espace récemment construit en annexe au corps de logis la disposition d’artistes venus de partout. Il y avait du monde. Et vous savez ce que c’est, un vernissage de cette nature. Il y a un vin passablement buvable, des gens partout, parmi lesquels des visages perdus de vue depuis dix ou vingt ans et que l’on est heureux de revoir, de parfaits inconnus avec lesquels on sympathise, un autre vieil ami qui vous fait signe de loin et dans les bras duquel vous tombez, ému et heureux. Enfin, de la chaleur, des rires, des discussions à propos de tout et de rien. Après une nuit passée dans un gîte des environs, nous nous sommes retrouvés à trois, dimanche matin, chez Van Cau. On a chanté du Brassens en buvant du vin blanc. J’ai passé de longues, très longues minutes assis sur un banc vermoulu, à écouter le bruissement des feuilles, à m’émerveiller du vol insensé des hirondelles, à goûter, enfin, ce presque parfait bonheur. Car, oui, une ombre, un moment, a assombri mon front. Il y avait une absente. A qui j’aurais aimé tenir la main, là, dans la plénitude de cet instant à jamais perdu...

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