jeudi 12 février 2009

8 mai 2004

Je m’en doutais; ça fait longtemps que ça me travaille. Et il a fallu un article dans “Le Monde” pour que mes soupçons se confirment: vous êtes coupables, vous les femmes dont les mères, il y a trente ans, entreprirent la longue, harassante et cruelle lutte vers votre émancipation. Vous êtes coupables de nous avoir, nous les hommes, complètement chamboulé, remué, vidé de notre ancestrale substance, vous avez déboulonné nos statues, déchiré et éparpillé les icônes qui symbolisaient notre autorité et notre toute puissance. Nous ne sommes plus que les pâles reflets de ce que nous fûmes; nos gestes, nos pensées, nos activités, nos émotions, notre voix même se sont transformés. Vous avez débusqué et construit, dans les ténèbres de la longue et fatale histoire de l’aliénation auquel votre sexe était soumis, votre nouvelle identité. Vous avez tracé de nouvelles frontières, le long desquelles nous campons, inquiets, désemparés, désarmés nous qui rigolions quand vous défiliez dans les rues en brandissant vos soutiens-gorge après que nous eûmes rangé les drapeaux noirs et rouges de la révolte qui avait annoncé la vôtre. Nous étions machos, vous nous vouliez prévenant, attentif, doux, tendre et nous le sommes devenus; nous avons rangé nos canettes de bières, nous nous sommes mis à faire la vaisselle, appris la cuisine, torché nos enfants avant de les mettre au lit pendant que vous sortiez entre-vous. Aujourd’hui, nous n’avons plus honte de pleurer quand nous sommes tristes ou désemparés, nous savons mieux parler des émotions que nous cachions, jadis, quand nos pères nous disais qu’un homme ça ne pleure pas. Oui, femmes, vous êtes coupables, mais vous avez des circonstances atténuantes; c’est vrai, vous avez souffert longtemps, trop longtemps, par notre faute et notre aveuglement et pas mal d’entre-vous, aujourd’hui encore, dans des contrées pas si lointaines, souffrent encore et sont soumises à des lois infâmes et cruelles, prétendument venues directement du ciel, qui déshonorent ceux qui les défendent et les appliquent. Moi qui suis un homme d’ici et de ce temps, je vous le dis: coupables vous êtes, oui, mais vous ne méritez d’autre châtiment que celui que vous vous infligez vous même. Car, oui, maintenant, nous sommes assez grand que pour nous débrouiller sans vous. J’en connais des hommes qui, comme moi, vivent sans compagne, sans épouse et qui s’en tirent parfaitement et qui se satisfont fort bien de cette solitude. Qui sont capables d’aller au pressing laver leur linge, le repasser et le ranger, qui font leurs courses tout seuls sans être harcelé à tout bout de champs et sommé d’acheter ceci plutôt que cela; qui font leur vaisselle quand ça leur chante, traînent en calebart jusqu’à midi le dimanche et les jours fériés, qui sont d’excellents pères et apprécient la compagnie des femmes sans rien leur demander d’autre que d’être simplement ce qu’elles sont. Moi qui vous cause, pas plus tard que lundi, j’ai passé ma matinée à repasser le linge de la mère d’Antoine pendant qu’elle se crevait et transpirait à faire le grand nettoyage de printemps de son jardin. Mercredi, j’ai repassé le linge de mon neveu, pendant qu’il s’occupait de son magasin; ses filles sont arrivées: Roxanne, Natacha et Odile, j’ai joué avec elles, je leur ai donné leur bain, les ai séchées et frictionnées en les faisant rire et vous savez quoi? J’avais bon de faire ces gestes, j’adore le repassage en écoutant les Beatles, j’aime ces adorables petites filles qui m’appellent Tonton et qui sont capables, ces angelots, d’imiter Pierre Desproges dans la fameuse tirade qui ouvrait, il y a plus de vingt ans, ses réquisitoires des flagrants délires sur France-Inter. Et je connais des femmes de cinquante ans qui soupirent et qui voudraient tant qu’un homme leur tiennent la main, le soir, devant la télé et qui, il y a vingt ans, ont plaqué leur Jules, devenus trop gentil, trop doux à leur goût pour un chauffeur routier velu qui s’est tiré avec leur fille, le salaud...




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