dimanche 8 février 2009

28 avril 2001

Avant, il n’y a finalement pas si longtemps, les choses se passaient plus ou moins comme ceci: une caméra suivait un couple - dont on devinait qu’il était fait de deux amoureux - dans la rue, à la terrasse d’un café, sur une plage fouettée par le vent du nord, du sud, de l’est ou de l’ouest, au choix, le couple entrait dans un immeuble, un hôtel, un appartement, une maison de campagne, une tente, une cabine de camion - biffez la mention inutile - une porte, un rideau ou un volet mécanique se refermait, sur le couple, par sur mes doigts, merci, et les choses, si je puis me permettre, n’allait pas plus loin, la cause était entendue, on devinait sans aucune difficulté que le monsieur et la dame allait se mettre au lit et pas pour faire la sieste si vous voulez bien. Depuis quelque temps, les choses, si je puis me permettre, encore une fois, ont, paraît-il, évolués et ça se passe maintenant, plus ou moins comme ceci: une porte s’ouvre et, paf, on tombe nez à nez - c’est un euphémisme - avec un monsieur et une dame complètement tout nu qui se vautrent sur le tapis plain, sur le lit ou ailleurs, c’est sans importance, ce qui compte c’est que le spectateur n’en perde pas une miette et qu’il soit parfaitement convaincu (c’est un jeu de mots) que la dame et le monsieur sont en train de faire l’amour, de baiser, de niquer, voire même de fort niquer. Et bien voyez vous, je le dis comme je le pense, tout ça m’emmerde. A partir de l’âge approximatif de seize, dix-huit ans, les jeunes filles et les jeunes gens savent plus ou moins comment ça se passe, beaucoup d’entre-eux en ont fait l’expérience, quand aux adultes des deux sexes et mis à part les adepte radicaux de la chasteté, qui n’est tout de même pas une grave perversion, ils savent, eux aussi, de quoi il retourne en l’espèce et je ne distingue aucune raison majeure de leur imposer des leçons d’anatomie comparée ou alors ces raisons m’échappent et j’attends qu’on m’explique. Ah mais j’en entend d’ici, hein, qu’est-ce que c’est que ce curé, ce pudibond, ce vieux frustré, ce donneur de leçon, de quoi donc est-ce qu’il se mêle, personne ne l’oblige et tout ça et tout ça. C’est un fait, personne ne m’oblige et ne comptez pas sur moi pour jeter l’opprobre sur celles et ceux que cette nouveauté ne gêne en aucune façon. C’est moi qui cause en mon nom et je ne suis pas en train de vous faire une leçon de morale catholico-intégriste, c’est pas mon genre. Simplement, il se trouve que, selon moi, il n’ y a rien de plus intime, de plus secret, que la réunion de deux corps dans l’amour, oui, l’amour, j’insiste; essayez donc, si vous avez plus de trente ans, d’imaginer vos vieux parents, enfin, vieux, ça commence où, je vous le demande, essayez, disais-je, de les imaginer dans les positions les plus pornographiques et dites-moi si c’est là une entreprise qui tombe sous le sens... Je vous fiche mon billet que celà vous est pratiquement impossible et qu’au bout de quelques efforts, vous allez renoncer à aller plus loin. Les réalisatrices et les réalisateurs qui s’acharnent à vouloir à tout prix nous faire la démonstration de ce que nous savons, tout de même, on n’est pas des demeurés, jouent, plus ou moins consciemment de la corde plus ou moins sensible qui vibre en chacun de nous de manière singulière et qui s’appelle “voyeurisme” pour en arriver, je n’en doute pas un seul instant, à nous raconter l’une ou l’autre histoire d’amour avec plus ou moins de réussite. Je vais vous dire, les histoires d’amour des autres, la manière dont ils pratiquent le coït, je m’en bat l’oeil et le reste, suivez mon regard; la seule chose qui m’importe, à moi, c’est mon histoire d’amour, les réflexions qu’elle suscite en moi, le désir que j’ai qu’elle dure indéfiniment. Et puis zut et re-zut aux frères Dardennes qui m’ont appelé l’autre soir pour me proposer un rôle dans leur prochain film, à la question “est-ce que je devrais aller au plumard avec ma partenaire”, en se marchant mutuellement sur la langue, qu’ils ont bien pendue, la langue, disais-je, ils ont répondus, oui, faudra. Là dessus j’ai raccroché, tac. Oui je sais, je ne suis pas moderne, je suis même complètement vieux jeu et ringard. Que voulez-vous, on ne se refait pas.




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