jeudi 12 février 2009

11 septembre 2004

Samedi dernier, vous vous en souvenez, j’ai parlé, très brièvement du film de ce réalisateur coréen, Kim Ki Duk, “Printemps, été, automne, hiver...printemps”. A la réflexion et compte-tenu des évènements de plus ou moins grande importance qui font que ma vie est ce qu’elle est, j’ai fort envie d’y revenir, à ce film. Non pas pour vous le raconter dans les moindres détails mais seulement, comme j’en ai l’habitude, pour vous dire ce qu’il a remué en moi, pourquoi il m’a ému et comment il a fait son petit bonhomme de chemin. D’abord, il y le décors: ce lac, entouré de montagnes verdoyantes noyées de brumes. Au milieu du lac cette maison de bois qui est aussi un temple qui flotte sur les eaux limpides et où vivent un moine aux cheveux blancs et un petit garçon, son disciple, à qui il apprend ce qu’il est bon de savoir si l’on veut que la vie soit belle et vraie. Il y a l’extrême simplicité - d’aucuns diraient la pauvreté - de ce temple austère qui est aussi une maison où l’on dort et où l’on mange, où l’on prie et d’où l’on part rejoindre les berges et les vallons à la recherche de plante médicinales. J’ai été émerveillé par cette simplicité, cette rigueur, par cette nature incroyablement belle et bruissante de vie dont on sent la présence non pas seulement par le regard mais par une émotion qui a sa source, me semble-t-il, dans le manque qui est le nôtre, de cette beauté. Ici, chez nous, on inaugure des temples dédiés à la marchandise, et au mercantilisme. Des centaines de mètres-carrés de fringues, de matériel Hi-Fi, de bistrots géants et le reste à l’avenant. En trois jours - ce sont les titres des journaux - pas loin de cent mille personnes se sont engouffrés, en masses compactes, dans ce haut lieu de l’insignifiance. Ah! Si rien ne me retenait ici, si j’étais sans attaches aucune... je ferais un long voyage, à pied, à travers forêts et vallons, déserts, steppes et montagnes, un sac au dos avec le strict nécessaire. Je mangerais des racines, je pêcherais des poissons, je cueillerais des fruits sauvages et je me baignerais dans des torrents glacés. Je supporterais la brûlure du soleil et la morsure du gel, je ferais du feu dans des clairières avant de m’endormir avec la voie lactée au dessus de la tête. En chemin, je parlerais aux animaux, aux arbres et aux rochers. Enfin, je trouverais un lac, loin des villes; sur ses rives je bâtirais une maison toute simple. Et puis, du matin jusqu’au soir je regarderais le vent dessiner des figures sur les eaux transparentes, je respirerais l’air empli de milles senteurs, j’écouterais le chant des oiseaux, le bruissement des insectes dans les herbes, le son des battements de mon coeur et celui du souffle de la vie débordant de partout. Mais voilà je suis né, comme vous, de ce côté-ci du monde, j’y ai rencontré l’amour, il y a mes enfants, mes petits-fils, des amis, des tas de souvenirs et de petites habitudes. Il y a mon quartier qui est comme un village, avec ses épiceries, ses boucheries, ses écoles et ses bistrots. Le soir, quand que l’automne ressemble au printemps, un peu avant le souper, je sors de chez moi, je m’installe à cette terrasse-ci ou à celle-là et je commande une bière. Que je bois lentement en fumant quelques cigarettes. De loin en loin un visage connu passe, que je salue et qui répond à mon salut. Là haut, un avion trace un long ruban dans le ciel d’un bleu violet et je suis bien. Je repense à la journée écoulée, aux minuscules instants de poussières de bonheur qui l’ont marquée et puis je pousse un long et profond soupir de plaisir et de contentement. Je me lève, rentre dans le café, me dirige vers le comptoir pour payer la bière à la gentille petite serveuse - je crois qu’elle s’appelle Annick - je salue l’assistance et je rentre chez moi. A peine une cinquantaine de mètre à parcourir. L’épicerie maghrebine est en train de fermer, chez Franca, le store est déjà baissé et Piou-Piou, la petite chatte infidèle saute après les mouches derrière la vitre. En rentrant, je mets la tarte aux légumes au four. Dans une petite demi-heure j’appellerai les enfants et nous mangerons dans la cour-jardin.



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