jeudi 12 février 2009

15 janvier 2005

Lundi, en fin de matinée, il y avait un message sur mon téléphone. C’était ma bonne et fidèle amie Thérèse, que je connais depuis plus de trente ans et qui partage avec moi la même passion pour le cinéma. Dans son message, justement, elle me disait que le soir même, elle avait l’intention de se rendre au Churchill pour la soirée des classiques et me demandait si, par hasard, en passant, j’avais l’intention de l’y accompagner. On donnait cette pure merveille de Franck Capra “It’s a wonderful life”, tourné en 1947 et dans lequel James Stewart, Donna Reed, Lionel Barrymore et quelques autres, nous emmènent dans une histoire d’une parfaite simplicité, avec un très méchant capitaliste sans scrupules et une bande de personnages plus attachants les uns que les autres, déterminés à faire front aux très vilaines entreprises du détestable exploiteur. Ajoutez-y l’intervention salutaire de l’ange gardien de notre héros, Georges Bailey, un climat d’une poésie et d’une chaleur inégalable et vous avez un film qui vous cogne au coeur et qui, lors de la séquence finale, pour ce qui me concerne, m’a mis de grosses larmes de bonheur et d’émotion au coin des paupières, je n’ai aucune honte à l’avouer. Comme dans la vie de tous les jours, cette histoire nous dit que les hommes peuvent être intérieurement beaux et désintéressés, soucieux du sort de leurs semblables et en même temps en proie au doute, envahi par le désespoir, prisonnier de la fatalité d’un monde soumis aux impératifs de la dure et implacable loi de ce foutu argent. L’argent, le pognon, le flouze, l’oseille, le bifton, quel que soit le nom qu’on lui donne, est le personnage central de ce film autant qu’il est, dans la vie réelle et selon moi, l’ennemi public numéro un après lequel aucune police ne cavale, bien au contraire. Je suis à chaque fois choqué et éberlué quand, à l’occasion, sur les grands boulevards de Liège, il m’arrive d’assister au passage du fourgon blindé en route vers la Banque Nationale, escorté, à l’avant et à l’arrière, par des véhicules de la police dont les vitres sont baissées et d’où jaillissent des mitraillettes prêtes à faire feu. L’argent est la chose au monde la moins partagée et la mieux protégée, par voie de conséquence. Mais enfin, son existence est bien réelle ce qui ne m’empêchera pas de toujours trouver étonnant que les vaches, les poules, les lions, les araignées, les escargots, les fourmis, enfin tous les animaux et les végétaux se servent simplement de ce qui leur tombe sous les mandibules, les mâchoires ou les racines, sans débourser le moindre argent. Seul l’animal humain doit payer pour manger ce qui, à mes yeux, est une abomination. Mais que faire, sinon donner une piécette à ce pauvre bougre, grelottant de froid, donner quelques Euros pour l’Asie du sud est en faisant les courses du souper et chacun pour soi, s’en tenir au strict nécessaire, refuser les pièges que nous tend cette frivole société de la consommation, tourner le dos, délibérément, à toute forme d’ostentation et de paraître, se contenter de ce qui advient et puis sourire aux inconnus, être présents et attentifs aux amies, aux amis; faire rire, à l’occasion et, pour le reste, se consacrer entièrement à chaque instant qui passe, avoir l’âme sereine et douce et le coeur largement ouvert sur le monde. Oui, je veux le répéter encore, nous n’avons comme première préoccupation que de vouloir être heureux, malgré tout ce qui peut nous arriver, le meilleur comme le pire; et je vois dans ce vouloir bien autre chose qu’un frileux replis sur soi-même ou la moindre forme d’égoïsme. Il me semble, je suis même persuadé, que des hommes profondément heureux, c’est à dire, heureux seulement de vivre, d’accueillir la vie, sont mieux à même, par là, de partager, de donner, de participer, de faire preuve d’altruisme et d’attention à l’autre, quel qu’il soit et d’où qu’il vienne. Le monde, aujourd’hui, plus que jamais, a besoin d’un nouveau Socrate. Et dans un verre à pied, dans la cuisine, il y a un rameau de saule que Denise m’a rammené d’une de ses promenades en forêt, avec un bourgeon tendrement velu...



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