jeudi 12 février 2009

20 mars 2004

Ils sont de retour, ils sont revenus ! Ca c’est passé lundi dernier, alors que, enfin, le printemps avait décidé de cesser de jouer au chat et à la souris avec les flocons de neige et le vent glacial des matins d’un hiver dont j’attendais avec une impatience grandissante qu’il veuille bien céder la place. C’était lundi, donc, en fin d’après-midi. Habité par une soudaine et irrépressible envie de nettoyage, j’avais entrepris de laver à grande eau la petite cour où le lierre trône, souverain, le long des murs, où se trouve une grande table en bois qui accueille ma tasse de café du matin, quand la température dépasse les cinq degrés, où, aussi, au dessus de l’auvent qui surplombe la cuisine, une plante extraordinaire, un polygonum, il me semble, ne va pas tarder à déborder de centaines de feuilles et de jolies fleurs blanches. Outre cela, sur la droite, du côté de ma voisine Franca, épicière de son état, un bac de briques d’un petit mètre de hauteur abrite, sur toute la longueur du mur, assez de terre que pour abriter une petite colonie de fourmis et y planter, le moment venu, quelques plantes colorées. Et donc, armé d’un balai aux poils raides et de la succession de quelques seaux d’eau savonneuse, j’étais en train d’astiquer, de frotter et racler à grand renfort de chansons - qui allaient de Nougaro à Trenet - je les ai vu, là, sur le muret du bac rempli de terre. La question que je me pose c’est comment ils ont pu apparaître aussi soudainement sans que je m’en aperçoive... Ou bien, ai-je pensé, ils se déplacent sur des engins d’une rapidité qui dépasse l’imagination, des soucoupes volantes ou quelque-chose dans le genre, ou bien ils connaissent les lois de la téléportation. La téléportation, vous savez ce que c’est je suppose ? Non ? Hé bien, c’est cette faculté que je ne possède pas, hélas et qui consiste à se déplacer dans le temps et l’espace en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Sans bagnole, sans vélo, sans bus, sans rien qui ressemble à un quelconque véhicule. Vous êtes, par exemple, sur la place Rouge, à Moscou; vous vous concentrez et, une fraction de seconde plus tard, vous êtes assis à mes côtés et je vous offre un verre de vin de chez Franca, à 2 Euro 70 la bouteille. Et je dis soixante-dix, exprès pour vous embêter gentiment. Et puis parce que je trouve ça joli: soixante-dix. Aussi jolis que me sont apparus cette demi-douzaine de revenants qui se déplaçaient avec nonchalance dans la tiédeur du soir qui tombait et qui avaient disparus, l’automne dernier pour s’en aller je ne sais où. Et oui, ils sont revenus, les escargots; et je leur ai souhaité la bienvenue dans ma langue à moi, pas dans la leur, malheureusement, qui doit ressembler à de très légers bruissements, des chuintements ou de doux sifflements dans des fréquences extrêmement basses. Enfin, voilà, il y a eu ce minuscule et peut-être ridicule évènement, qui m’a rendu joyeux, très bêtement joyeux. Vous vous demanderez peut-être comment il est possible de s’extasier devant des bestioles aussi insignifiantes que des gastéropodes qui ne savent rien de la passion amoureuse, qui ne courent pas les magasins pour se désennuyer et qui n’ont inventé ni l’écriture ni les bombes qui explosent au petit matin, quand les ouvriers et les employés, encore engourdis de sommeil, prennent le train pour aller au turbin. Oui, je sais, c’est foncièrement abscons que de trouver du charme et accorder de l’importance à ce qui ne risque pas de se retrouver à la une des gazettes le lendemain matin. Mais c’est ainsi; moi, ces inoffensifs animaux m’ont comme par magie sorti d’un méchant cafard, relatif à la longue agonie d’un amour qui ne verra pas le printemps. Et merde aux amours malheureuses, bienvenue au temps qui passe, le printemps est là et bien là. Et à ce propos, bienvenue aussi aux fourmis, qui sont sorties de leur léthargie, elles aussi, pas plus tard que cet après-midi. Il y en avait deux à se suivre à la queue leu- leu, encore maladroites sur leurs minuscules petites pa-pattes, au milieu des brindilles et de quelques feuilles mortes de l’automne dernier, sous le regard distrait d’un escargot qui se chauffait au soleil...


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