lundi 9 février 2009

16 mars 2002

Anecdote significative que celle que rapporte le journal “Le Monde” de ce vendredi à propos de la visite qu’a faite Lionel Jospin, l’autre jour, aux chercheurs du “Génoscope” à Evry, dans l’Essonne. Accueilli à son arrivée sur les lieux par des ouvriers de l’usine LU-Danone de Ris-Orangis où sont menacés plus de cinq-cents emplois, le candidat socialiste, paraît-il plutôt mal à l’aise devant la colère des délégués et de leurs camarades, a tout de même pris le temps d’écouter les doléances des travailleurs, dont l’un, contestant les mesures prises par le gouvernement en matière de licenciements, lance au premier ministre “on va être viré comme des chiens, notre patron, Monsieur Riboud nous a dit, texto, “les politiques français je leur crache à la gueule, je fais ce que je veux” et il ajoute: “ si on votait pour les patrons puisque c’est eux qui dirigent vraiment,?” et le candidat, avant de s’engouffrer dans le centre de recherche où il était attendu, répond benoîtement “Essayez toujours cette solution”...Voilà, n’est-ce pas, le genre d’information qui serait à peu près passée inaperçue si je n’avais pas décidé de vous en faire part et que, peut-être, vous allez penser que vous avez bien autre chose à faire qu’a supporter ce genre d’entrée en matière. Je vais donc vous mettre un peu de baume au coeur en vous confiant que l’événement a attiré mon attention pour la simple raison que, pas plus tard que mercredi, le quotidien du soir parisien, dans ses pages cinéma, faisait l’éloge du jeune cinéaste chinois Wang Chao, révélé au dernier festival de Cannes avec son film “L’Orphelin d’Anyang” qui met en scène de pauvres gens d’une lointaine bourgade de l’immense pays qu’est la Chine, des gens qui sont aux prises avec les mêmes difficultés et les mêmes angoisses que ceux qui interpellaient le candidat du parti socialiste et peut-être futur Président de notre grande soeur, la République Française, allons enfants ! Pour en revenir à ce que disait cet ouvrier, si vous vous donnez la peine de réfléchir - oui, je sais, vous sortez à peine de votre plumard, si ça se trouve le ciel est bleu au dessus de votre toit mais bon, tout de même, il n’y a pas d’heure pour l’élévation morale des masses populaires - si, disais-je, vous réfléchissez et que vous prêtez une oreille attentive à mes propos matinaux, il ne vous échappera pas que la réflexion du trublion de campagne présidentielle ne manque pas de pertinence. Il m’est venu une fort fort judicieuse réflexion, tout à l’heure, en cassant une graine avec la femme de ma vie dans l’un de nos bistrots préférés, je vous la livre et je vous demanderais de fermer les yeux un instant et d’imaginer les cohortes de soldats de l’armée d’Alexandre s’enfonçant dans le coeur des régions que le grand capitaine avait entrepris de conquérir. En ce temps là, les chefs de guerre marchaient à la tête de leurs troupes et, les yeux clos, vous voyez parfaitement la noble figure du macédonien, le regard fixé sur l’horizon, entouré de ses généraux et de ses conseillers-philosophes; l’immense armée est en marche et balaie tout sur son passage, Tyr, l’Egypte, les Perses, Babylone, Suse, Persépolis et puis, enfin, la multitude pénètre dans l’Indus... Et puis, après la victoire des armes, viennent les marchands, plus tard, après la fondation des villes nouvelles; et le babil des commerçants remplace le bruit furieux et le souvenir des batailles, des monceaux de chair humaine et du sang abreuvant les terres conquises. Vous pouvez rouvrir les yeux et regarder autour de vous... aujourd’hui ce sont les marchands qui conquièrent, ce sont les marchands qui s’avancent dans les terres inconnues et hostiles, leurs armes sont moins tranchantes que les glaives des soldats du Grand Alexandre mais les plaies qu’elles infligent sont universelles et touchent des multitudes qui sont sans moyens face à la toute puissante arrogance des rois du marché. Aujourd’hui, c’est vrai, ce sont les marchands qui donnent leurs ordres aux princes. Bientôt la nature entière, l’eau, le fluide électrique, le vent et les nuages, les rayons du soleil et la clarté blafarde de la lune seront aux mains des marchands qui ne sont que les pauvres et mesquines caricatures des fiers guerriers de jadis...


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