jeudi 12 février 2009

27 septembre 2003

Je parie, ignares que vous êtes, que vous ne savez pas ce qu’est un “flashmobs” et donc, je vais de ce pas vous l’apprendre. Pour commencer, je vais traduire: “flashmobs”, en français de chez nous, ça veut dire “attroupement-éclair”. A l’origine de ce phénomène tout à fait récent, Internet, bien évidemment, qui, une fois de plus me surprend et très agréablement, je vais y revenir. Internet, disais-je et un site donné, à New-York, par exemple puisque c’est de là que le mouvement a été lancé, un site sur lequel des centaines, voire même des milliers d’individus des deux sexes, qui ne se connaissent pas et qui adhèrent au projet, qui se présente, dans les grandes lignes, comme ceci. Un jour, une heure et un lieu sont déterminés par les animateurs du site; à un signal convenu, sur la toile, donc, les participants volontaires à cet étrange rituel abandonnent leurs ordinateurs et se dirigent au lieu de rendez-vous. Exemple: le 2 juillet dernier, à 7 heures du soir, deux-cents personnes ont fait irruption à la mezzanine de l’hôtel Hyatt de New-York où, sans motif apparent, elles ont applaudi bruyamment pendant quinze secondes avant de se disperser dans la nature. A Paris, le 28 août, à 19 h 15, cent cinquantes personnes se sont immobilisées sous la pyramide du Louvre avant de s’écrouler à terre; au bout de trente secondes elles se sont relevées et se sont tournées vers la porte principale et, ici aussi, se sont misent à applaudir avant de se disperser. Durée totale de l’opération, 3 minutes. New-York, Paris, Melbourne, Tokyo, le phénomène fait tache d’huile et des dizaines de milliers de personnes se précipitent pour participer à ces étranges et déconcertants cérémonials qui pourront très certainement, à l’avenir, prendre mille et un visages; le tout dépendra du degré d’inventivité dont feront preuve celles et ceux qui se lancent dans cette singulière forme de rassemblement. Ce qui me semble remarquable dans tout ceci c’est la manière dont le mode de communication qu’est internet, dans lequel je voyais, il n’y a pas si longtemps, un moyen d’une efficacité redoutable au service de la pire des aliénations, devient un instrument tout aussi efficace au service d’une forme originale de poésie collective. Car, jusqu’ici en tout cas, on n’a vu nulle part fleurir la moindre revendication à caractère politique ou syndicale et il semble bien que les participants à ces rassemblements surprises se satisfont de la nature de ceux-ci. Je parlais de poésie, il y a un instant et je ne vois pas comment mieux qualifier le phénomène qui se caractérise par une parfaite gratuité servie par des moyens dérisoires. Selon les témoignages, les participants à ces rassemblements éclairs en sortent en proie à la plus salutaire des jubilations et ceux qui en ont étés les témoins reconnaissent une perplexité amusée. Je ne vous cacherais pas que je vois là dedans bien autre-chose qu’une mode passagère. Il est clair que, dans l’anonymat des grandes métropoles, les gens ne se satisfont plus d’une communication à distance, que le silence qui entoure les écrans d’ordinateurs est devenu par trop pesant et que le seul vrai contact demeure la présence physique des uns aux autres, fût-elle éphémère et s’inscrivant dans ces manifestations d’un type inédit. Je crois voir dans ces rassemblements un démenti et des ripostes originales à la forme de société qui s’est mise en place ces trente dernières années. J’étais persuadé, à tort, que cette modernité, la technologie qui l’accompagnait sonnait irrémédiablement le glas de ce qui me semblait et me semble encore être l’essence même de ce qui constitue notre humaine singularité, c’est à dire, l’échange et le dialogue. En vertu desquels je lance ici un appel à celles et ceux que ces attroupements poético-conviviaux inspireraient. Un site “Indispensable” est en cours de fabrication, ce sera à vous de jouer. On va bien s’amuser.




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