jeudi 12 février 2009

14 juin 2003

En attendant de vos nouvelles concernant la drôle de petite machine du bon docteur Nitschke, je m’en vais vous raconter une de ces histoires ridiculement banale comme il m’en arrive régulièrement. Dimanche dernier, j’étais chez moi, à travailler à un texte en rapport avec de toutes autres activités que celle qui me voit présentement en votre compagnie. Et puis, jetant un oeil à la fenêtre et considérant que, tout compte fait, la météo était plutôt prometteuse je décidai, comme ça, pris d’une envie subite, de m’en aller à la campagne. Il se trouve qu’une vieille amie à moi possède, entre Aywaille et Harzé, un de ces chalets, situé dans une manière de village fait de caravanes résidentielles où vivent, le plus simplement du monde, quelques dizaines de personnes de condition modeste pour lesquels cet endroit tient lieu de seconde résidence ou même, pour d’autres, de résidence principale. C’est le genre d’endroit qui est considéré par certains comme parfaitement ringard et anachronique, eux qui ont eu la bonne fortune de pouvoir s’offrir une vraie maison en brique et qui regardent de haut ces péquenots qui placent à l’entrée de ce qui leur tient lieu de paradis des nains de jardin et des puits en matière plastique où poussent des bégonias. J’ai retrouvé là bas un ami d’enfance qui habitait le même immeuble dit social dans ce quartier de mon enfance avec ses appartements sans salle de bain, sans frigo et avec une cuisinière au charbon pour tout chauffage. C‘était le temps où mon frère, mes deux soeurs et moi prenions notre bain hebdomadaire dans une énorme bassine de zinc dans la même eau qui refroidissait et se recouvrait de savonnée grisâtre qui était le lot du dernier appelé aux ablutions du samedi après-midi. Mais nous étions heureux. Cet ami, perdu de vue pendant presque cinquante ans, avait une grande soeur, Simone, dont j’étais secrètement amoureux et dont j’ignore quel a été la vie et le destin. Pour en revenir à mon expédition, je rappellerai aux distraits que je ne possède ni bagnole, ni moto, ni mobylette et que mes déplacements, au delà d’une certaine distance se font en train ou en autobus. Après avoir réuni dans un sac de toile, brosse à dent, rasoir et linge de rechange, je me mis donc en marche, direction le terminal d’autobus situé le long de l’Opéra de Wallonie, à dix minutes à pied de chez moi. Après avoir pris connaissance de l’heure de départ du carrosse motorisé, je pris un café pas très loin de là et, à l’heure dite, je m’installai, au milieu de quelques couples de retraités dans le bus 64 qui, passant par Banneux, devait me mener à Aywaille. Nous quittons le centre ville, entamons la longue montée vers Embourg et, traversant les campagnes des environs de Liège, nous arrivons, trois bons quart d’heure plus tard, à Banneux qui est un lieu de pèlerinage puisque la tradition raconte que la vierge est apparue là bas à je ne sais quelle petite fille à je ne sais quelle époque. De là, le bus fait encore un ou deux kilomètres, je suis désormais seul en compagnie de l’aimable conducteur qui, arrêtant son imposant véhicule, m’annonce qu’il ne va pas plus loin et que pour moi, le voyage s’arrête là, dans ce charmant patelin où j’avise un de ces bistrots de campagne où je prends un café filtre et une boîte d’allumette, mon briquet étant tombé en panne d’essence. J’avais deux heures à passer avant le passage d’un bus venant de Verviers et qui me conduirait enfin là où je devais aller et, en attendant, à la terrasse d’un des nombreux établissements de Banneux où l’on peut se sustenter et boire un coup, je mangeai avec délectation une portion de frites - sauce tartare, accompagnées d’une cannette de bière fraîche. Sous un ciel se couvrant peu à peu de beaux et menaçants nuages, je me rendis, nonchalant, à l’abris-bus de tôle et de plastoc non sans avoir au passage salué et caressé de beaux chevaux dont le territoire de verdure longeait la même route de Pepinster. A l’abri du minuscule espace vicinal, j’ai pleinement goûté l’arrivée et le déchaînement d’un superbe orage et puis le bus est arrivé. Dirais-je que j’étais parfaitement heureux ? Oui.




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