lundi 9 février 2009

28 septembre 2002

J’ai pris un café, jeudi matin, dans un des bistrots que je fréquente, après avoir fait mes courses de la journée. Le journal le plus apprécié des Liégeoises et des Liégeois traînait sur une table voisine de la mienne et je l’ai parcouru tout à mon aise, en faisant tourner la cuiller dans la tasse, histoire que les trois portions de sucre s’incorporent parfaitement au breuvage amer. Cette lecture me change du “Monde” que je n’achète, en général, que le vendredi, à cause du supplément littéraire. Ce qui me fait penser que j’aurais bien fait de l’acquérir mercredi pour les pages cinéma mais j’étais encore très occupé par d'autres devoirs et obligations diverses. Pour en revenir à ma lecture matinale, inutile d’insister sur le contenu de cette feuille éminemment populaire, qui, selon une déjà longue tradition, consacre sa une aux événements les plus spectaculaires, aux crimes, viols, catastrophes naturelles ou non; c’est, semble-t-il, ce qui donne de douloureux et bienfaisants frissons aux lecteurs en même temps que cela permet, tout au long de la journée, que les unes et les autres, des gens de tous les âges, à l’arrêt de l’autobus, chez le boucher ou chez le coiffeur puissent y aller de leurs avis et commentaires, condamnations sans appel et commisérations de circonstance. Au moins, avec ça, il y a des gens qui se parlent encore, je m’en réjouis. Je ne serais pas en reste de mon côté car il y a tout de même une chose dont il me semble devoir vous entretenir, c‘est la libération, il y a quelques jours, de Maurice Papon. Vous connaissez son palmarès: le sérieux, voire même l’enthousiasme avec lequel il s’est acquitté de tâches pas très reluisantes sous le régime de Vichy, avec la complicité de la police française de l’époque, les crimes contre l’humanité pour lesquels il a été jugé et condamné il n’y a pas si longtemps. Et voila le bonhomme sortant sous l’oeil de nombreuses caméras, de la prison où il purgeait sa peine, le voila remis en liberté sous le motif que son état de santé n’est plus compatible avec son maintien en détention. Vous en penserez ce que vous voulez mais, pour ma part, cette histoire me choque. Non pas qu’on le laisse sortir, lui, mais, que d’autres, moins tristement célèbres y soient encore, en prison. C’est que, voyez-vous, deux ou trois soir avant que Papon retrouve l’air de Paris, en compagnie de ses avocats souriants, j’ai suivi une très sérieuse et grave émission, sur la 2 ème chaîne française, qui était, pur hasard, consacrée à ces prisonniers de droit commun, assassins, voleurs et autres truands, condamné à la prison à vie et qui, l’âge venant, se voient atteint de maladies pas très rigolotes, qui conduisent généralement à la mort, une mort que ces pauvres bougres - oui, je dis pauvres bougres - sont assurés de vivre entre les murs d’une chambre qui est aussi une cellule. Ce qui donc est choquant à mes yeux c’est que, selon le degré de célébrité, la catégorie sociale de laquelle on est issu, la place plus ou moins honorifique que l’on a tenu dans l’état, quel que soit le régime que cet état incarnait, on est plus ou moins assuré d’une relative mansuétude de la part des juges. On peut-être assuré que, ce soir là, Maurice Papon - qui n’est pas désargenté - a dîné dans un bon restaurant parisien en joyeuse compagnie avant de retrouver la quiétude de sa maison, à la campagne, pendant que d’autres, moins chanceux que lui, continuaient d’être rongé par une des nombreuses variétés de cancer; le cancer qui se moque des barreaux placés aux fenêtres des prisons... Toujours en matière d’égalité devant la loi, il est bien connu qu’un riche banquier ou un habile financier qui gruge le fisc ou la TVA pour cent millions d’Euros risque de passer moins de temps sous les verrous qu’un braqueur inexpérimenté qui rafle quelques malheureuses poignées de billets en faisant très peur au personnel et aux clients d’une quelconque agence bancaire de province... Selon que vous serez puissants...




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