dimanche 8 février 2009

13 octobre 2001

C’était lundi, dans l’après-midi; je revenais d’ici, du centre de production de Liège, d’où est diffusée cette émission, juste un papier à déposer, pour la bonne marche de ce qui est le strict nécessaire en matière d’administration. Marie Eléonore n’était pas là, j’ai déposé la papier dans son casier, j’ai fait un saut au quatrième, là où mes petits camarades ont la chance d’avoir leur bureau, j’ai salué Jean-Lou Dupont et Agnès, on a échangé quelques mots et j’ai poursuivi ma route. En repassant le pont Albert 1er, roi des Belges, je me suis laissé capturer par le vent, les nuages et le fleuve gris sur lequel glissaient les péniches et les barges qui transportent le sable pour la construction, le minerai pour l’acier de vos voitures et autres matériaux indispensables à la multitude de choses de toutes sortes que l’occident produit à profusion et qui sont écoulées à peu près partout dans le monde. Je passais le pont, disais-je et je me suis arrêté. J’ai pris appui sur mes avants bras, posés sur le parapet, j’ai regardé passer une demi-douzaine de bateaux de toutes tailles et de toutes couleurs. De temps à autre, je levais les yeux vers le ciel et, que je vous dise, j’étais parfaitement bien. A peine si, l’espace d’un instant, m’est venu à l’esprit que la guerre avait bel et bien commencé, là bas, très loin. Et puis j’ai replongé mon regard sur les flots, sur les rives éclairées par le soleil, sur les immeubles et sur les arbres qui en sont à perdre leurs feuilles. M’est venue cette pensée que, à l’instar des rivières, des nuages et des saisons, les hommes passent, naissent, vivent et meurent. Que tout dans l’univers est mouvement: un tourbillon colossal remue les galaxies, les systèmes planétaires et leur soleils, la matière elle-même, qui nous paraît si tranquille, est en proie aux mouvements incessants de ses molécules et nous, de la même façon, nous nous agitons en tous sens, pour gagner un peu ou beaucoup d’argent, pour trouver l’âme soeur, pour assouvir nos maigres petits désirs de ceci ou de cela; le sexe, les objets dérisoires, les vacances à la neige; enfin, tout nous est prétexte à agitation. Il n’y a rien de stable, rien qui ne soit fixé une fois pour toute et de cette évidence nous n’arrivons pas à prendre conscience ni à tirer les conclusions que cette évidence implique. Au contraire nous persistons, nous et notre sacrée culture occidentale, notre pensée rationnelle, notre science, nous persistons dans cette illusion de la permanence, de la durée indéfinie de tout ce qui nous entoure, de ce que nous édifions dans la pensée et dans les choses. Il n’y a pas de cohérence absolue ou totalisante, nous n’accédons qu’à des vérités partielles, jamais à une ou à la Vérité. Et alors il apparaît bien que nous ne sommes pas confronté à l’être des choses, des idées ou des phénomènes mais seulement et universellement à l’apparence pure comme seule manifestation de la réalité. Une réalité multiforme, changeante et disparaissante. Rien ne tient debout, d’une certaine manière; ni les dieux, ni les oeuvres des hommes, ni les hommes eux-mêmes Et cette évidence surgit que combattre ceci ou cela, tel dieu ou telle idée du monde est parfaitement vain, que verser le sang pour une cause, quelle qu’elle soit, participe d’une même universelle illusion puisque rien n’est vraiment, ni absolument ni essentiellement. Pour en terminer, et conclure, laissez moi citer Marcel Conche, qui dit ceci: “La raison, imposant la cohérence, écarte ce qui s’oppose au discours cohérent (de quelque nature qu’il soit: religieuse ou théologique, politique, philosophique, juridique) ce que l’on dit dans le cadre du discours cohérent (toujours particulier, se croyant universel) se trouve justifié, le reste non et ceux qui sont capables de tenir le discours cohérent se considèrent comme, eux, justifiés, les autres ne l’étant pas. Les hommes se dressent les uns contre les autres et chaque côté est sûr de son bon droit. La guerre ne fait que réaliser la raison en abolissant réellement ceux dont le discours a déjà été logiquement aboli; pour chaque parti, c’est le succès, la victoire qui montre de quel côté était la raison”.




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