lundi 9 février 2009

12 octobre 2002

Je suis désolé de ce qui est arrivé à ce brave et honnête homme que me semble être Bertrand Delanoé, ci- devant maire de Paris, victime d’une agression imbécile, dans la soirée de dimanche, au beau milieu des salons de l’Hôtel de ville. C’était pourtant une nuit qui promettait; on avait décrété la fête, les bâtiments publics étaient ouverts aux fêtards, des artistes se montraient ou montraient leurs oeuvres en des lieux insolites et oubliés, il y avait des concerts de toutes les formes de musiques imaginables, enfin, ils étaient des dizaines de milliers à se bousculer gentiment, à subir sans trop se plaindre des files interminables, à aller d’un arrondissement à l’autre au milieu des lumières qui illuminaient, comme il se doit, la ville du même nom. Et pourquoi la fête, pourquoi cette énorme fête là ? Pour rendre la rue au plaisir des rencontres, pour redonner sens à la convivialité perdue, pour conjurer la violence qui a pris possession des lieux publics. Une violence qui échappe à toute explication rationnelle et que les escadrons de CRS et les patrouilles de police sont chargés d’endiguer vaille que vaille. Que la méthode satisfasse un certain nombre de citoyens apeurés - et on peut le comprendre - ne fait pas qu’elle soit nécessairement payante à long terme, bien au contraire, selon moi. Toujours est-il que c’est dans cette atmosphère de liesse populaire que Bertrand Delanoé a reçu un coup de couteau dans le ventre d’un type qui a déclaré, peu après son arrestation qu’il détestait les hommes politique et encore plus les élus homosexuels. Voilà. Dans une cité de la banlieue parisienne - Paris sera toujours Paris - un jeune homme a emmené une gamine dans la cave d’un immeuble, il l’a aspergée d’un liquide inflammable, a allumé un briquet et la jeune fille a rôti sur place et est morte à l’hôpital, quelques heures plus tard, dans les souffrances que vous pouvez imaginer. Selon certain témoignage, des gamins gardaient l’entrée de l’immeuble afin que nul n’intervienne pendant ce qui pourrait être un règlement de compte. Voilà. Aux environs de Dunkerque, un routier est sorti de chez lui, il est monté dans sa grosse bagnole et, par la fenêtre ouverte, en passant devant deux bistrots fréquentés par des gens d’origine maghrébine, il a ouvert le feu avec un fusil de chasse, comme ça: Pan, pan et pan; il a blessé une demi-douzaine de personnes et tué un jeune homme de dix-sept ans. Voilà. Voilà de quoi je ne peux m’empêcher de vous parler. Non pas parce que “ça m’interpelle” (quelle expression ridicule, quel tic de langage insupportable!) mais parce que, malgré tous mes efforts de réflexion, je n’arrive absolument à comprendre comment on peut, d’une minute à l’autre, se lever de sa chaise, couper la télé, enfiler sa veste et sortir de chez soi en emportant un couteau dans l’intention de le planter dans le ventre ou le coeur de tel ou tel autre, charger un fusil avec soin et le vider au hasard sur tout ce qui bouge ou bien encore, avec une détermination qui me dépasse complètement, vider un bidon d’essence sur quelqu’un que l’on connaît et y mettre le feu. Qu’est-ce qui se passe dans nos satanés cerveaux, je vous le demande... Prenons en considération, si vous voulez bien, l’immémoriale et fatale habitude qui nous est, hélas, commune, de décréter que les choses, les événements, les individus sont ceci ou cela, ou comme ceci ou comme cela. Il y a du rouge, du bleu, du jaune et du vert et nous affirmons et nous croyons dur comme fer que le rouge est plus beau que le jaune ou le vert plus que le bleu. Nous disons que telle chose est importante et l’autre non alors que, si nous faisions ce très simple effort de cesser de nommer, de qualifier ceci ou cela, celui-ci ou celle-là, il me semble que nous serions dans des dispositions bien plus propices à l’acceptation de ce qui apparaît et qui, en définitive, ne fait qu’apparaître. Tout est pris dans le vaste et irréversible tourbillon du temps, tout advient et disparaît. Rangez vos injures, vos couteaux et vos fusils puisque tout se vaut, puisque tout est égal...



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