dimanche 8 février 2009

10 novembre 2001

Je regardais, l’autre soir, vautré dans mon nouveau canapé - qui se transforme en plumard à l’occasion - je regardais, disais-je, d’un oeil passablement distrait ce vieux film, avec Yves Montand aux prises avec les vilains policiers staliniens dans cette époque lourde et nauséabonde du pseudo-communisme qui a tenu sous sa coupe des millions de pauvres bougres pendant de trop longues années. Et, me disais-je, il est tout de même heureux que ce système se soit effondré de la manière que l’on sait, en l’espace de quelques semaines. Que ce qui l’a remplacé depuis soit loin de ressembler à un quelconque paradis, c’est aussi, me semble-t-il, assez évident. Mais bon, je vis ici parce que je suis né ici, j’aurais tout aussi bien pu naître à Prague, Moscou ou Varsovie et, à tout prendre, que l’on naisse ici, là ou ailleurs, ne change pas grand chose à l’universelle question de la condition de l’homme en ce bas monde, question qui, à l’heure où je vous parle n’est toujours pas résolue de manière satisfaisante, loin s’enfaut. Les hommes passent, les Empires aussi et de la même manière, avec ce concours de circonstances, de moments particuliers, d’événements qui parfois surprennent les observateurs de la chose politico-historique alors qu’il ne me semble pas qu’il y ait la dedans ou dans la vie des hommes de quoi être réellement surpris. Toujours, le hasard ou ce qui en tient lieu, telle ou telle volonté ou relâchement dans les engagements pris, font que se transforme le présent et, par voie de conséquence, l’avenir ou, en tout cas l’avenir le plus proche. Ne m’interrompez pas, je sais de quoi je parle et vous même,vous devez le savoir aussi; que rien n’est jamais assuré une fois pour toutes, que les promesses durent le temps qu’elles peuvent-être tenues, par une seconde de plus, que les lendemains qui devaient être radieux et baignés de bonheur s’avèrent, dans le présent, des jours de lassitude et de grisaille, des heures passées à tourner en rond, dans un appartement de quarante mètres carrés ou dans les rues de la ville, sous la pluie, remuant les pensées les plus sombres et les plus désabusées. Mais c’est ainsi que les hommes vivent, et les femmes aussi, je ne les oublie pas, elles sont, tout autant que nous, prétendu sexe fort, soumises aux mêmes aléas de l’existence et elles sont, comme nous, prise au piège dans le vaste tourbillon des sentiments, de la subjectivité et du doute. C’est ainsi que nous vivons, c’est ainsi, plutôt, que va la vie car, à bien y réfléchir, il paraît bien que c’est la vie qui va et non nous qui la faisons aller, elle se joue de nous, la vie; la seule prise que nous ayons sur elle, ce sont quelques vagues principes auxquels on essaie d’être plus ou moins fidèle, c’est une ligne de conduite que l’on essaie de suivre, malgré tout, envers et contre tout et l’on voit que ces principes, ces maigres certitudes que l’on s’était forgé, après déjà tant d’années, ne sont que de peu de poids devant les fluctuations et les bouleversements de cela qui nous touche de plus près. Mais, à la laverie automatique, tout à l’heure, j’ai aider une vieille et adorable dame à plier ses draps de lit, on a papoté de tout et de rien et, pendant que mon linge tournait, devant une eau gazeuse au bistrot du coin de la rue St. Gilles et de la rue Trappé, la gentille petite serveuse s’est étonnée de ce qu’il y avait longtemps qu’on ne m’avait pas vu et ça m’a fait du bien, cette vieille dame et cette jeune personne, cette si simple et si facile gentillesse m’a réchauffé le coeur et, tenez, après avoir plié consciencieusement serviettes de bain, chemises et chaussettes et après quelques achats au supermarché, un peu plus loin, je me suis arrêté chez un bouquiniste de ma connaissance, homme charmant et joueur d’échec de renom, pour discuter de l’éventualité d’une reprise, par ses soins, d’un certain nombre de livres dont je n’ai plus l’usage - ils font partie de moi depuis longtemps - et, après cette cordiale et prometteuse entrevue, je me suis offert une bière brune épaisse, anglaise et à la pression dans un autre café, à l’enseigne irlandaise.




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